UNE REFORME COMPLETE DE L’IMMIGRATION AUX USA EST ANTI-IMMIGRANTS ET ANTI-AUTOCHTONES

Par Franco Habre et Mari Garza
Publié sur Indigenous Action Media
1er mai 2014
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Contact : mgarza418@yahoo.com et francohabre@yahoo.com

La Réforme Complète de l’Immigration est intrinsèquement anti-immigrants. Elle est présentée comme ‘une voie vers la citoyenneté’ et comme une solution temporaire pour stopper l’incarcération ou la déportation de certains migrants, mais elle est en fait une attaque déguisée. Le projet de réforme connu sous le nom de Proposition du Sénat S.744 est un complot flagrant pour immobiliser, forger et réduire la vie des migrants. La Réforme Complète de l’Immigration ou ‘CIR’ [Comprehensive Immigration Reform] n’a pas pour but de restaurer la dignité et les droits humains des migrants. C’est, cependant, une occasion de renforcer la suprématie blanche ; la force de la loi ; les frontières racistes et impérialistes ; le libre échange et l’exploitation du travail du sud, ainsi que l’invisibilité de l’existence des Peuples Autochtones ou Premières Nations vivant aux alentours de la soi-disant frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, qui lors de sa création, a divisé les territoires de quatre tribus Autochtones.

L intitulé de la Proposition Sénatoriale S.744 est « Loi sur la Sécurité de la Frontière, les Opportunités Economiques et la Modernisation de l’Immigration ». Ce titre permet d’inférer la priorité de la sécurité de la frontière. Le maintien de l’ordre et la surveillance des 3111 km de limite coloniale appelée frontière US/Mexique, se sont accrus exponentiellement au cours de la dernière décennie. Les communautés le long de cette frontière ont subi l’invasion incessante et de plus en plus provocante des agents de la Patrouille des Frontières, des drones, des points de contrôle armés à l’intérieur du pays, dans la vie quotidienne de leurs quartiers, ainsi qu’un trafic accru de camions de marchandises. De plus, malgré l’accroissement de la sécurité à la frontière, des gens meurent toujours dans les déserts de la région frontalière, des gens immigrant vers le nord du Mexique et d’Amérique Centrale pour fuir l’injustice économique et politique. Cette loi continuera à limiter la liberté de mouvement des Peuples Autochtones, étant donné qu’elle prévoit des mesures d’intensification de la militarisation de leurs territoires, et continuera donc à repousser ceux qui traversent la frontière vers les déserts dangereux des territoires Apaches Lipan, Kickapoo, Tohono O’odham et Yaqui.

S.744 amplifie cette réalité mortelle en appelant à une ‘poussée à la frontière’ qui fera presque doubler le nombre d’agents de la Patrouille des Frontières de 21000 à 40000. Actuellement, plus de la moitié des agents de la Patrouille des Frontières sont latino, et si le nombre d’agents est doublé, quelles seront les conséquences pour la solidarité dans nos communautés, sinon nous diviser d’avantage ? Cette ‘poussée à la frontière’ appelle aussi à construire plus de 1000 km de clôture sur la frontière, rendant ridicules les 155 km du Mur de Berlin. Des amendements comprennent un plan de surveillance high-tech de 3,2 milliards de dollars, entre autres des drones d’attaque, des capteurs d’infrarouge au sol, des caméras thermiques de longue portée, un programme électronique de vérification d’emploi pour tous les employeurs, et un système de visas d’entrée et de sortie dans tous les ports maritimes et aéroports afin de limiter les possibilités pour les immigrants de rester au-delà de la limite de leur visa.
Ceci représente un ‘big business’, de gros contrats fédéraux avec les firmes de défense et de technologies de surveillance. Est-ce que cela ressemble à la ‘voie vers la citoyenneté’ dont vous avez entendu parler ?
S.744 est une attaque déguisée utilisant les antiques tactiques de diviser pour conquérir. La loi confère arbitrairement une ‘voie vers la citoyenneté’ avec très peu de chance d’acquérir effectivement cette citoyenneté, vu les processus bureaucratiques ridiculement longs et ardus auxquels il sera demandé aux gens de se soumettre. Ce processus laborieux forcera en fait les gens à se faire connaître comme sans-papiers, ce qui rendra plus facile pour le gouvernement de les incarcérer ou de les déporter au lieu de leur accorder le séjour. C’est certainement un Catch-22 que les auteurs du projet de loi avaient en tête, car depuis quand les politiciens ont-ils à cœur la libération de nos gente [en espagnol dans le texte] ? Comment pouvons-nous pousser à l’intégration dans un système qui nous considère déjà comme jetables ? S.744 a pour but d’extirper ceux que le système voit comme des migrants indésirables (ceux qui sous de fausses accusations sont taxés de ‘criminels’ par l’état policier, et les travailleurs journaliers) et d’incorporer les migrants qu’ils considèrent plus intéressants tels que les universitaires et autres considérés comme ‘travailleurs hautement qualifiés’. Ce projet de loi est présenté comme un soulagement à tous les sans-papiers, alors qu’en fait il n’aidera que quelques-uns qui sont considérés comme ayant une valeur par un corps législatif majoritairement blanc. Ceci crée une division parmi les gens qui essaient d’obtenir la citoyenneté et divise toujours plus notre communauté, renforçant par là la suprématie blanche.

Alors pourquoi les gens acceptent-ils le CIR alors que çà fait plus de mal que de bien ? L’argent. Beaucoup pourraient faire de gros profits grâce à cette loi. A part les compagnies de défense et de technologie de surveillance, l’industrie des prisons privées a fait un énorme commerce des déportations de nos gente [en espagnol dans le texte] depuis sa création dans les années 1980, avec des milliards de dollars de profits annuels. L’industrie des prisons privées a exercé de fortes pressions sur le Congrès et le Sénat par des dons énormes pour les campagnes de représentants-clef (qui devraient être visés par nos exigences), afin de continuer à profiter financièrement des déportations. Il n’est pas étonnant que le projet de loi S.744 rende extrêmement difficile pour les gens d’avoir accès au statut d’Immigrant Enregistré Provisoirement (RPI), ce qui conduira à l’incarcération d’un plus grand nombre de gente [en espagnol dans le texte] dans des prisons privées, comme condition pour avoir abandonné leur statut de sans-papiers au gouvernement.

Le projet S.744 exige aussi qu’ « une Stratégie Complète de Sécurité de la Frontière Sud soit déployée et opérationnelle » avant qu’une seule personne ayant obtenu le statut de RPI puisse déposer une demande de citoyenneté légale permanente. Comme nous l’avons déjà indiqué, l’accroissement de la militarisation de la frontière nourrit l’industrie des prisons pour le profit, et l’accroissement du déploiement de la Patrouille des Frontière signifie l’augmentation des incarcérations. Le projet S.744 stipule aussi que 90% des immigrants restés plus longtemps que leur visa le permettait soient détenus avant que quiconque puisse entamer le processus d’acquisition de la résidence permanente, ce qui pourrait conduire finalement à un programme de ‘mouchardage’ pour dénicher les gens considérés comme irréguliers. Toutes ces mesures continueront à faire augmenter la population de sans-papiers incarcérés. Est-ce que cela ressemble au grand compromis politique sur la citoyenneté dont vous avez entendu parler ?

Comment pouvons-nous en tant que mouvement espérer des victoires alors qu’au fil des années les mêmes tactiques d’organisations (des marches co-organisées avec la police, des protestations symboliques des médias sociaux, et des demandes adressées aux pouvoirs blancs autoritaires) continuent à être employées ? Notre communauté a constaté les mêmes résultats inefficaces depuis plusieurs années, particulièrement au sein de la lutte pour les droits des migrants. La demande actuelle de réforme de l’immigration mènera inévitablement à une militarisation accrue de la frontière, et à plus de morts parmi les migrants. Le CIR continuera à déporter les Autochtones venus du sud et les Autochtones dont le seul ‘crime’ est d’exister sur leurs territoires le long de la frontière. Nous devons reconnaître que la lutte pour l’immigration fait partie de la lutte globale des Autochtones.

Il est temps de cesser de plaider pour les droits de l’homme et de commencer à exiger la justice. Nous devons identifier et attaquer à la racine les causes (entre autres les politiques de commerce bilatéral US/Mexique) de l’oppression à laquelle nous sommes confrontés qui continue à nous diviser en tant que mouvement, et identifier ces politiciens vendido [en espagnol dans le texte] qui concoctent plus de lois (racistes) et plus d’emprisonnements d’êtres humains. Nous devons en dire beaucoup plus sur les politiques de commerce international qui continuent à déraciner des gens. Il est clair que la Réforme Complète de l’Immigration n’est pas une solution pour le peuple. Profiter de notre défaite en tant que gente [en espagnol dans le texte] et convertir les territoires Autochtones en états policiers paramilitaires représentent de grosses affaires pour les officiels du gouvernement et les compagnies qui soutiennent ces réformes. Nous devons nous mettre à poser les questions cruciales pour devenir une force plus puissante et unie pour réagir à cette attaque et la combattre !

 

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