Vidéo enregistrée le 10 septembre 2015, chez Louise Benally, à Big Mountain

 

LOUISE BENALLY DE BIG MOUNTAIN: LES PROBLEMES SONT TOUJOURS LA, NE NOUS OUBLIEZ PAS!

Le 10 septembre 2015, j’ai été invitée à Big Mountain par Louise Benally, qui résiste depuis toujours aux pressions de ceux qui veulent en chasser les derniers Navajo, sous prétexte que la zone où ils vivent depuis toujours a été attribuée à la Réserve Hopi en 1974. Louise demande qu’on n’oublie pas Big Mountain et la situation dramatique de ses habitants, qu’on en parle, qu’on les soutienne.

Christine Prat

 

 

En 1974, le Congrès des Etats-Unis a adopté la loi PL 93-531, qui décidait du partage d’une zone jusque là commune aux Navajo et aux Hopi, et de la déportation et ‘relocalisation’ forcée de milliers de familles Navajo de Big Mountain. La loi a été votée en plein scandale du Watergate, par conséquent, la plupart des Sénateurs et Représentants étaient absents des discussions de la loi PL 93-531, ne venaient que quand ils entendaient la cloche annonçant le moment de voter, demandaient à leurs assistants quelle était la position des Sénateurs-vedettes afin de décider de leur vote. A l’époque, le plus célèbre et influent était le Sénateur d’Arizona Barry Goldwater, ex-candidat aux présidentielles, connu alors en Europe comme démagogue populiste d’extrême droite.
Juste avant que la question de Big Mountain ne soit noyée par le scandale du Watergate, le conseiller juridique – Mormon – de la tribu Hopi, qui s’est avéré plus tard avoir été aussi le conseiller juridique de la firme Peabody Coal – fondée par des Mormons – (qui est toujours la plus grande compagnie charbonnière du monde), et avoir travaillé pour la firme de Relations Publiques – Mormone – qui se chargeait de manipuler les médias, avait réussi à présenter l’affaire comme une guerre tribale dévastatrice entre les Hopi et les Navajo. C’était bien sûr un mensonge ridicule. En réalité, il y avait bien eu des problèmes de voisinage, des conflits entre familles, mais pendant tous ces siècles depuis lesquels les Hopi et les Navajo sont voisins, il n’y a jamais eu de guerre généralisée entre les deux tribus. Il y a aussi toujours eu des mariages mixtes, et beaucoup de familles appartiennent aux deux tribus. En fait, c’était surtout les dirigeants Hopi de l’époque, occidentalisés – et, pour certains, convertis à la religion des Mormons – intéressés par les profits rapportés par l’exploitation du charbon, qui avaient choisi Peabody, contre leurs voisins Navajo et leurs propres administrés ‘traditionnels’, qui n’apprécient pas non plus la pollution au charbon de l’air qu’ils respirent, et l’épuisement des ressources en eau déjà rare.

Les Diné (Navajo) qui sont restés chez eux envers et contre tout, sont des résistants, des gens qui n’abandonneront jamais. Louise Benally est l’une d’entre eux et sans doute la plus active.

Des articles ont été publiés l’an dernier, lorsque des habitants très âgés de Big Mountain ont été brutalement agressés par la police Hopi venue saisir leurs moutons. Mais quand il ne se passe rien de spécial, ils sont oubliés. Cependant, la situation à Big Mountain ne s’est pas améliorée. Les gens n’ont pas l’eau courante, l’eau des sources est épuisée et ils doivent avoir recours à des procédés ingénieux (voir vidéo) pour recueillir l’eau de pluie, ils n’ont pas d’électricité – alors que le charbon extrait par Peabody fournit des centrales électriques très polluantes, qui alimentent les grandes villes de la région, mais pas les Navajo qui vivent à proximité –, ils n’ont pas de routes goudronnées – les pistes se transforment en torrents de boue dès qu’il pleut. Selon PL 93-351, ils sont ‘illégaux’ sur leurs propres terres et n’ont donc aucun droit. Pendant des années, ils n’étaient pas autorisés à effectuer la moindre réparation dans leurs maisons à cause d’une loi connue aux Etats-Unis sous le nom de ‘Bennett Freeze’, beaucoup de maisons sont donc en mauvais état, et beaucoup de gens n’ont pas les moyens de les réparer. La plupart des résistants sont âgés, les jeunes ont tendance à partir chercher du travail ailleurs, ce qui rend la situation d’autant plus difficile pour ceux qui restent. En plus des conditions de vie très dures, ils subissent un harcèlement quasi constant de la part de la police et des ‘Rangers Hopi’, leur bétail est saisi, ce qui aggrave le manque de nourriture. Une bonne part de leur bétail, qui fournit de la viande à manger et de la laine à vendre, avait déjà été saisie l’an dernier, en octobre, juste avant l’hiver, période où ils ont particulièrement besoin de nourriture, vu les difficultés de circulation sur les pistes boueuses et dans la neige. Il y a eu de nouvelles saisies de bétail au printemps dernier, les bêtes ont été vendues aux enchères, et des gens ont dû s’endetter pour racheter leurs propres bêtes.

Bien sûr, le harcèlement a pour but de pousser les gens à partir, étant donné que Peabody veut s’étendre. Des Hopi, au Conseil Tribal, soutiennent Peabody, vu qu’ils ont besoin de l’argent que çà leur procure. Les dirigeants Navajo ont aussi des intérêts dans l’exploitation des ressources – la mine principale est en territoire Navajo – et ont récemment donné leur accord pour prolonger le permis d’exploitation de Peabody de 25 ans.

Les gens en ont assez d’être empoisonnés par le charbon, et de manquer d’eau à cause des quantités phénoménales utilisées par Peabody pour extraire le charbon.

Dans la vidéo ci-dessus, Louise Benally parle du manque d’eau et des projets qu’elle a implémenté sur sa propre terre pour compenser un peu les effets du vol d’eau.
Son message est qu’il ne faut pas oublier Big Mountain, les problèmes s’aggravent, Peabody veut s’étendre, les gens vieillissent, ils sont harcelés, ils manquent d’eau, de nourriture, de communications et ils ont besoin d’attention et de soutien !

Christine Prat

 

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