L’AGRICULTEUR DINÉ KRIS BARNEY: ‘CULTIVER DE LA NOURRITURE – EN NOUS CONNECTANT A NOS ANCETRES ET A NOUS-MEMES’

 

Par Kris Barney
Ferme et graines Tsé Chízhí
Publié sur Censored News,
Le 6 septembre 2018
Traduction Christine Prat

 

ROUGH ROCK, Nation Navajo– Il y a bien longtemps, notre Peuple Diné considérait les graines et ce qui poussait comme de la richesse. Le bétail était une richesse, une bonne santé était une richesse, des enfants et petits-enfants en bonne santé étaient une richesse. L’eau, la pluie, la viande d’animaux sauvages, les plantes sauvages, le territoire lui-même étaient une richesse. Nous disons, Yodí Ataalseí, Chí’yáán Altaalsei, beaucoup de richesses matérielles et beaucoup de sortes de nourriture. Souvent, nous parlons de souveraineté alimentaire ou nous l’entendons mentionnée. La capacité de nous nourrir, d’être indépendants pour la nourriture. Indépendants des grandes épiceries, indépendants des compagnies qui ravagent la terre par l’agriculture industrielle.

Il y a tellement de termes et de ressources qui s’appliquent à ce type d’analyse critique, mais ce qui nous livre le plus d’informations sur la nourriture, c’est la pratique de cultiver la nourriture de la façon montrée par nos ancêtres. Beaucoup de gens sont grandement déconnectés de la nourriture, les alternatives offrent peu de solutions et conduisent souvent à des problèmes de santé. Quand nous nous déconnectons de la terre, ou y avons été forcés, nous sacrifions beaucoup de connaissances, comme la connaissance des plantes, la connaissance des animaux et la connaissance de la terre. La façon dont nous traitons nos corps, dont nous nourrissons nos corps, est instrumentale pour déterminer comment nous choisissons de vivre et quels bons exemples nous laissons à nos enfants et petits-enfants.

 

Photo Chris Barney, maïs bleu – Graines Chízi Farm

 

AGRICULTURE TRADITIONNELLE NAVAJO: DES CHANTS ET DES HISTOIRES DE ROCK POINT

Par Brenda Norrell
Censored News
6 septembre 2018
Traduction Christine Prat

ROCK POINT, Nation Navajo – L’Ancien Navajo Tabaahi Ts’osi, George Blue-eyes, a partagé son savoir sur la magie et le mystère de l’agriculture sans irrigation [dry farming] dans le livre, maintenant classique, ‘Agriculture Navajo’.

“George Blue-eyes plante avec les étoiles. Quand le temps commence à être chaud, il observe le ciel pour y regarder six petites étoiles, appelées Dilyehe en Navajo, et en Anglais comme en Français, les Pléiades.”

Les paroles de Blue-eyes continuent à vivre à travers les travaux d’étudiants Navajo. En 1978, un groupe d’élèves Navajo de l’école de la communauté de Rock Point, se sont engagés dans un projet spécial et ont interviewé leurs Anciens Diné sur les méthodes d’agriculture traditionnelles.

Maintenant, ‘Agriculture Navajo’, publié en 1979, est devenu un classique, une source rare pour planter selon les étoiles, l’utilisation du bâton à planter traditionnel et l’agriculture sans irrigation.

Commençant avec les mots chantés en plantant dans le Canyon de Chelly, il y a le chant “Dans le Champs du Dieu Domestique”.

“La graine du maïs bleu sacré je plante. En une nuit ça poussera et sera en pleine santé. En une nuit ça pousse haut, dans le jardin du Dieu Domestique.” Le chant pour planter parle d’entendre le murmure des pieds de maïs qui sortent et de l’humidité qui vient des nuages sombres.

“Avec la rosée de la brume, c’est très beau. Avec le maïs blanc, c’est très beau.” Le cours du chant ajoute les haricots et la courge, puis les lie ensemble avec les cordes des éclairs et de l’arc-en-ciel. En partageant le chant de Haashch’eehoghan et ses champs, les élèves Navajo ont écrit “Les gens ne chantent plus à leurs plantations comme ils le faisaient. Mais il y avait des raisons pour faire tout cela, et ce savoir vaut toujours d’être connu aujourd’hui.”

L’Ancien Navajo Tabaashi Ts’osie, George Blue-eyes, homme-médecine et conteur, a fait connaître son savoir de la magie et du mystère de l’agriculture sans irrigation avec le bâton pour planter.

“George Blue-eyes plante selon les étoiles. Quand le temps devient chaud, il observe le ciel du soir pour voir six petites étoiles appelées Dilyehe en Navajo, et les Pléiades en Anglais et en Français.”

Les étoiles sont faciles à trouver en hiver, mais chaque nuit, ces étoiles se couchent plus tôt que la nuit précédente. Finalement, au printemps, quand les Dilyehe se couchent avec le soleil et ne peuvent plus être vues, Blue-eyes prenait ses graines et sa hache et commençait à planter.

Blue-eyes choisissait une branche de créosote et taillait sont bâton pour creuser. Avec ce bâton, il ouvrait le sol et mettait ses graines à quelques centimètres de profondeur. Il sélectionnait six ou sept graines pour le maïs, neuf ou dix pour les melons. Il recouvrait les graines de terre mouillée, puis de terre sèche. Après avoir planté les quatre premiers trous, il chantait un chant Navajo. Les semailles étaient finies et le bâton pour creuser était jeté avant le dernier quartier de la lune.

Blue-eyes dit, que dans des temps plus anciens, jusqu’à 60 Navajos se rassemblaient et campaient ensemble pour planter le maïs. Levés au point du jour, les hommes creusaient et les femmes plantaient et préparaient les repas. “Dans ces temps-là, le maïs, les plantes et la viande sauvages étaient tout ce que nous avions à manger,” dit Blue-eyes. “Ça a beaucoup changé, mais planter selon les vieilles méthodes est toujours ce qu’il y a de mieux.”

Alors que le maïs planté avec un tracteur peut prendre deux semaines pour sortir, le maïs de Blue-eyes sortait en quatre jours. “Le vent peut faire voler le maïs planté avec un tracteur hors du sol. Le mien est solide.” Il dit que la charrue en métal remue le sol sur lui-même, ce qui fait que trop de terre sèche. Les bâtons pour planter ne creusent que ce qui est suffisant pour chaque graine et le sol en-dessous reste humide.

Des étudiants de Rock Point, qui écrivaient sur Blue-eyes plantant du maïs à genoux, dirent: “En automne, quand d’autres mangeaient des œufs en poudre et des tomates en boîte, il était riche en maïs et en melons.”

Hastiiltsoi, le frère de Yellowman, avait plus de 80 ans, en 1978, quand il raconta comment les premiers Navajos s’étaient réunis et avaient planté les graines en spirale, plutôt qu’en lignes. “En Navajo, ça s’appelait ha’oolmaaz. Ça se faisait avant que je sois né, mais j’en ai entendu parler. Les gens d’alors disaient que l’agriculture circulaire était la meilleure.”

Hastiiltsoi révéla un autre secret, sur comment les Navajos faisaient tremper les germes dans de l’eau mélangée à des feuilles de créosote afin que le maïs pousse mieux et soit plus résistant à la sécheresse. Après avoir planté les graines avec le bâton pour creuser, une petite coupelle était creusée au-dessus des graines afin de recueillir l’eau de pluie. Il savait quand il fallait planter selon la lune, et plantait le maïs à un endroit différent chaque année, en alternant avec des courges et des melons.

Howard Gorman, ex-vice-président de la Nation Navajo, a fait part de ses souvenirs, en 1978, à l’âge de 78 ans. Gorman raconta les histoires de son grand-père, sur les semailles et récoltes de maïs dans la Vallée Nazlini, sous la direction des leaders Naachid.

“Navajo Farming” indique les mots Diné pour toutes les parties de Naadaa, le maïs – l’épi, le grain, l’enveloppe, le gland, le pollen, la tige, les racines et les feuilles. Les étudiants ont révélé les raisons anciennes et scientifiques de planter les haricots et le maïs ensemble, expliquant que le maïs absorbe l’azote du sol et que les haricots rendent l’azote par des bactéries dans leurs racines.

C’est une histoire ancienne. Le maïs, datant de 7 000 ans, a été trouvé au Mexique. Longtemps avant Christophe Colomb, le maïs, les pommes de terre, les patates douces, les haricots, les courges, le poivre, les ananas, les avocats, les noix de cajou, les citrouilles, les tomates, le tabac, le coton et les cacahuètes poussaient dans les Amériques.

Il y a un quart de siècle, des élèves de terminale de l’Ecole de Rock Point – Lorraine Coggeshall, Laverne Gene, Rex Lee Jim et Stanley Pahe – ont interviewé Blue-eyes, le 10 mai 1978. Aujourd’hui, le livre a toujours une des premières places parmi les livres sur l’agriculture Amérindienne. Lorsqu’ils eurent terminé leur travail, les étudiants Navajo écrivirent: “Les passages les plus importants de ce livre concernent de vrais agriculteurs.”

Dans la suite du chant, quand on demanda au Dieu Domestique pourquoi le maïs était si beau, le Dieu Domestique répondit.

“Bee hozhonigo! C’est beau par ceci: Avec le nuage sombre, avec la rosée du nuage, c’est beau. Avec le maïs bleu, c’est beau. Bee hozhonigo! C’est beau par ceci: avec la brume sombre, avec la rosée de la brume, c’est beau. Avec le maïs blanc, c’est beau.”

 

 

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