Présentation par Leona Morgan  English
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16 février 2020
Rédaction et traduction Christine Prat

Leona Morgan, activiste anti-nucléaire Diné, était invitée par le CSIA-Nitassinan le 16 février 2020. Elle a parlé de son travail, du colonialisme nucléaire et de ses dégâts historiques et présents sur les gens de sa communauté, ainsi que des actions entreprises et à entreprendre pour résister.

Vous trouverez sur ce site plus d’informations sur l’action de Leona et sur sa visite à Bure, en mai 2020 (un site d’enfouissement de déchets nucléaires est également prévu au Nouveau Mexique, où elle vit).

La Nation Navajo [autrefois la « réserve »] et ses environs ont été particulièrement touchés par les mines d’uranium et les industries nucléaires.

[P.S. : cliquer sur les cartes et images pour les voir en grand format, lisible]

Leona a commencé sa présentation en montrant une photo de Monument Valley, une image célèbre dans le monde entier, étant donné que beaucoup de ‘Westerns’ y ont été tournés. C’est aussi où l’uranium a commencé à être exploité dans les années 1940, sans que les habitants soient informés ou protégés des radiations. Les mines y ont été développées sans discontinuer tout au long de la Guerre Froide.

Leona a ensuite donné une définition du colonialisme nucléaire, un terme créé par Winona La Duke et quelques autres. Leona expliqua : « Le colonialisme nucléaire peut être expliqué simplement comme la manière systématique par laquelle les gouvernements ont exploité et détruit les terres de Peuples Autochtones, pour utiliser l’uranium d’abord pour fabriquer des armes nucléaires, puis, aujourd’hui, pour produire de l’énergie nucléaire. C’est une forme de racisme institutionalisé, et également de racisme environnemental. C’est aussi le colonialisme nucléaire qui a causé l’irradiation et de graves dommages aux gens par les tests de bombes atomiques. »

Elle dit aussi « à l’échelle mondiale, la plupart des mines d’uranium sont exploitées sur les terres de Peuples Autochtones. Nous n’avons pas de chiffres exacts, mais nous estimons que 70% des mines d’uranium exploitées sont sur des terres Autochtones. Beaucoup de tests d’armement étaient également réalisés sur les terres de Peuples Autochtones. » [Ne pas oublier que la France testait ses bombes atomiques à Reggane, Algérie, en territoire Touareg, jusqu’en 1967, puis à Mururoa et Fangataufa, en Polynésie ‘Française’. Puis, la compagnie nationale Framatome – qui a changé de nom à plusieurs reprises, pour s’appeler entre autres AREVA – a détruit le territoire Touareg dans le nord du Niger].

Leona a aussi souligné que la plupart des tests de bombes atomiques avaient eu lieu dans le territoire – non-cédé – des Shoshone de l’Ouest, dans le Nevada. Lorsque les médias en parlent, ils disent toujours le ‘Désert du Nevada’, oubliant de préciser que le territoire est toujours celui de communautés Autochtones, principalement Shoshone, mais il y en a d’autres, en particulier une petite réserve Paiute, proche du site de tests.

Leona : « Plus de 900 tests ont eu lieu dans cette zone », « et je tiens à dire qu’un de mes amis [ami commun – Ch. Prat], Ian Zabarte, explique qu’en tant qu’Autochtones, ils ne peuvent pas retourner dans leur pays, à cause des radiations. » [Au début des années 1960, les Etats-Unis ont aussi testé des bombes sur l’Ile de Bikini, qui est toujours inhabitable aujourd’hui. Curieusement, le nom est devenu célèbre comme maillot de bain sexy et comme chanson populaire idiote].

Sur l’histoire du colonialisme nucléaire, Leona dit qu’elle allait « partir des débuts du phénomène par lequel le racisme et le génocide sont devenus la loi. Il y a un document élaboré en 1493, appelé ‘La Doctrine de la Découverte’. Je me demande combien d’entre vous ont entendu parler de ce document ? [Des gens dans l’auditoire lèvent la main]. La plupart du temps peut-être une ou deux personnes lèvent la main, il y en a beaucoup plus ici, c’est magnifique ! » Elle expliqua que le document – en fait, une ‘Bulle Papale’ – avait été créé en Europe afin d’accorder la bénédiction de l’Eglise au colonialisme : « C’était un document élaboré en Europe, qui a fondamentalement ouvert la voie à la colonisation de terres dans d’autres parties du monde. Et c’est ce qui a autorisé divers pays à s’emparer de terres, à s’emparer de gens, à réduire des gens à l’esclavage et à tuer des gens. L’idée était que les Autochtones ne sont pas vraiment humains, que nous sommes moins qu’humain, et que par conséquent, c’est normal de prendre notre pays et de commettre un génocide, au nom, à l’époque, du Christianisme ou pour promouvoir l’influence de l’Eglise. C’est toujours normal aujourd’hui, parce que nous n’avons pas de droits comme les autres, que nous ne sommes pas humains, c’est l’idée derrière cela. Alors, pour en revenir aux Etats-Unis, ce document a aussi été utilisé comme base pour fonder les Etats-Unis et d’autres pays. »

Elle décrivit ensuite les différentes périodes de la politique des colons européens envers les Amérindiens : « Au début – lors de la fondation des Etats-Unis – ils ont établi ce qu’on appelle les périodes fédérales sur les Indiens. Ainsi, aux Etats-Unis, au début, la première période ‘Indienne’ était l’Elimination. Donc, quand les colons sont arrivés, ils voulaient conquérir plus de terre. Pour ‘nettoyer’ le pays, c’est-à-dire le nettoyer des gens qui s’y trouvaient, ils ont instauré un génocide légalisé. Il y avait aussi le ‘Déplacement’ – ou ‘déportation’ – qui voulait dire repousser les Autochtones vers l’ouest. Beaucoup plus tard, ils ont inventé ce qu’ils appellent l’Assimilation, qui consistait à enlever les enfants Autochtones pour les mettre dans des écoles occidentales, où ils étaient forcés de parler anglais et de changer leur mode de vie ». Aux Etats-Unis comme au Canada, les enfants étaient enlevés – kidnappés – à leurs familles et mis dans des Pensionnats Indiens où ils étaient maltraités – quasiment torturés – et beaucoup d’entre eux n’y survivaient pas. Récemment, beaucoup d’Autochtones des Etats-Unis et du Canada ont commencé à parler de l’histoire de leurs parents dans ces écoles, et ont réussi à atteindre les médias et les autorités. [La même chose a existé, jusqu’à fort récemment, en Guyane ‘Française’].

Puis, Leona a cité d’autres ‘outils’ utilisés pour la colonisation, comme les chemins de fer et les mines, et la création de ‘gouvernements tribaux’ : « Il y a eu aussi la création de ce que nous appelons ‘gouvernement tribaux’, tout à fait du type de gouvernement occidental, pas du tout naturel pour nos peuples. Ces gouvernements de style occidental ne servent pas souvent à promouvoir la volonté de la communauté, mais sont la plupart de temps des marionnettes du gouvernement fédéral. » Elle ajouta : « Au début, ils étaient des marionnettes des Etats-Unis, mais aujourd’hui, ils s’orientent vers la décolonisation. Ces gouvernements à l’occidentale, ont commencé par se préoccuper de capitalisme et de choses qui n’avaient rien à voir avec nos traditions. Mais dans les 50 dernières années, il y a eu beaucoup de changement, les gouvernements tribaux ont commencé à adopter leurs propres lois, pour protéger nos traditions, nos sites sacrés et nos droits humains, et cette tendance s’accentue. »

Pour les Européens qui croient que la plupart des Autochtones des Etats-Unis ont disparu, (‘tous tués par John Wayne’) elle dit : « Je tiens à vous rappeler qu’actuellement, aux Etats-Unis, il y a des centaines de Peuples Autochtones. En Amérique du Nord – que nous appelons l’Ile de la Tortue – il y a de très nombreuses Nations Autochtones, qui vivent toujours et parlent leurs propres langues, et suivent toujours nos traditions. Et bien sûr, il y a aussi de nombreux Peuples Autochtones en Amérique du Sud et d’autres régions du monde, qui continuent de mettre en pratique leurs cultures, jusqu’à aujourd’hui. Aux Etats-Unis, il y a 573 Nations reconnues par le gouvernement fédéral. »

Puis, elle dit que, dans sa présentation, elle allait surtout parler de sa propre communauté, la Nation Navajo, et des peuples voisins, aux alentours, des tribus connues sous le nom de ‘Pueblos’, qui sont aussi touchés par l’exploitation d’uranium et autres activités nucléaires.

Elle a commencé par expliquer où vit sa communauté, et la différence entre ce qui s’appelle maintenant la Nation Navajo (à l’origine, la Réserve) et le pays traditionnel des Diné, entre les quatre montagnes sacrées.

Puis elle a parlé de la question du transport – du minerai d’uranium, de l’eau radioactive, des déchets nucléaires – un problème qui a conduit des activistes Navajo à créer la campagne Haul NO! La carte a été distribuée et passée parmi l’assistance:

Puis, elle a « expliqué un peu plus ce qu’implique la différence entre le gouvernement à l’occidentale et les gens traditionnels. C’est très important de comprendre que nous nous appelons ‘Diné’, mais que notre gouvernement est appelé ‘Navajo’. Être Diné et vivre comme un Diné, c’est continuer la façon dont nos ancêtres vivaient. La communauté, chez nous, est plus concernée par la protection de Notre Mère la Terre, parce que c’est où nous vivons, et si nous blessons notre Mère, nous souffrirons aussi. Cependant, la Nation Navajo comme mode de gouvernement, a été créée par des forces extérieures et s’est surtout préoccupée de développement économique. Ça impliquait l’extractivisme, l’exploitation des ressources, comme on peut le voir sur le drapeau de la Nation Navajo, avec des forages de pétrole et autres formes de développement économique.

 

Bien que le sujet de son intervention soit l’extraction d’uranium, elle a tenu à mentionner d’autres types d’extractions qui affectent la Nation Navajo, par-dessus tout, les mines de charbon et les centrales au charbon, mais aussi la fracturation hydraulique pour le gaz et le pétrole. « Il y a de très nombreuses communautés, sur la ligne de front, qui sont touchées directement par les diverses formes d’extraction de ressources. » Elle fit remarquer que la stratégie des gens de la communauté était très différente de celle des grandes ONG. Elle ajouta : « Je parle aujourd’hui en tant qu’Autochtone qui travaille sur ces problèmes, mais je ne me considère pas comme écologiste. Je suis une Autochtone qui s’efforce de protéger nos terres et notre culture Diné. » Elle expliqua en quoi les écologistes diffèrent des Diné : « Le point de vue de beaucoup d’écologistes est qu’ils sont séparés de l’environnement, alors que nous voyons la Terre comme notre Mère, nous protégeons la Terre comme entité vivante, qui respire. Donc, nous faisons partie de la Terre, nous sommes du sol, nous considérons les éléments et les lieux sur terre comme sacrés. Nous considérons que le charbon est le foie de notre Mère, l’eau est son sang, et c’est pareil pour l’uranium, il fait partie de notre Mère et ne devrait pas être extrait, mais laissé dans le sol. L’endroit d’où je viens est aussi touché par beaucoup de fracturation hydraulique. Certains d’entre vous connaissent peut-être le Canyon de Chaco [site archéologique très important], c’est aussi menacé par la fracturation. »

 

Les mines d’uranium en territoire Navajo

« Maintenant, je vais parler des mines d’uranium. N’oubliez-pas que là où il y a des mines d’uranium dans le territoire de mon peuple, il y a aussi des mines de charbon et de la fracturation. Combien d’entre vous sont conscients des utilisations de l’uranium ? Comprenez-vous pourquoi l’uranium est utilisé ? [Tout le public lève la main]. Souvent, les gens ne comprennent pas que l’uranium est utilisé aussi bien pour les armes – pour l’impérialisme et l’oppression – et pour l’énergie, qui est maintenant un grave problème, à cause du changement climatique. Et maintenant, c’est une année importante, parce que c’est le 75ème anniversaire du premier essai de bombe atomique, suivi par le largage de deux bombes atomiques sur le Japon. Le premier test nucléaire a eu lieu au Nouveau Mexique le 16 juillet 1945. Je vis au Nouveau Mexique et ma famille y vit depuis de très nombreuses générations. » « Mon peuple vit ici, dans cette région, en Arizona et au Nouveau Mexique. Il y a de l’uranium dans le Wyoming, le Dakota du Sud et au Texas aussi. Dans les années 1940 jusque dans les années 1980, l’uranium était surtout utilisé pour les armes. A l’époque de la fabrication des armes, les Etats-Unis exploitaient l’uranium dans tout le pays et n’avaient aucune loi sur la décontamination des mines. Une des lois sur les mines du 19ème siècle favorisait la colonisation des Etats-Unis. Cette loi est toujours utilisée et n’a jamais exigé la décontamination des mines. Alors, aujourd’hui, il y a plus de 15000 mines d’uranium abandonnées aux Etats-Unis. Il y a au total 600 000 mines de divers minerais, mais 15000 sont des mines d’uranium. » [Il y a aussi des mines d’uranium abandonnées en France, en particulier dans le Limousin, personne ne sait si elles ont été décontaminées, on n’en a jamais parlé. A l’époque, les gens manifestaient contre les centrales nucléaires, mais personne ne semblait savoir qu’il y avait aussi des mines].

La plupart des mines d’uranium sont dans une région entre le sud de l’Utah et du Colorado, et il y a aussi une zone très impactée au Nouveau Mexique, près de la Montagne Sacrée Mount Taylor, Tsoodził, près de Grants.

Puis Leona explique que l’uranium venait au départ des profondeurs de la terre et se déplaçait naturellement vers la surface. Ça se passe, évidemment, sur des millions d’années, mais à cause de l’extractivisme, le mouvement est anormalement accéléré. Quand il pleut, l’uranium peut toucher les cours d’eau dans les endroits où des gens vivent.

« Dans notre Nation Navajo, sur les terres de notre peuple, nous avons 523 mines d’uranium abandonnées. » Le gouvernement tribal, qui travaille avec le gouvernement fédéral, dit avoir nettoyé environ 200 mines. Le travail a été interrompu à cause de manque de fonds, le nettoyage s’étant avéré beaucoup plus cher que ce qu’ils avaient estimé au départ. Leona : « Ils ont essayé de retrouver les entreprises et de les faire payer. Beaucoup n’existent plus, certaines ont été rachetée par des grandes compagnies comme General Electric. Quand le gouvernement fédéral ou la tribu retrouvent ces compagnies, ils les tiennent pour responsables de payer pour une partie des vieux dégâts. Mais j’ai appris, il y a 15 jours, qu’environ 200 mines avaient été nettoyées, mais qu’il n’y a plus d’argent pour les 300 qui restent. »

Leona dit aussi que les mines ne sont qu’une partie du cycle du carburant nucléaire, la première. La seconde est le traitement. « Une usine de traitement est beaucoup plus sale qu’une mine, parce qu’ils utilisent des produits chimiques pour séparer l’uranium du minerai. » Actuellement, il n’y a plus qu’une usine de traitement encore en activité aux Etats-Unis, dans le sud de l’Utah, sur les terres des Utes de Ute Mountain.

La catastrophe de Church Rock de 1979

Puis, Leona a parlé de la Catastrophe de Church Rock, la plus grande catastrophe nucléaire de l’histoire des Etats-Unis. Les médias n’en n’ont pratiquement pas parlé, alors qu’ils faisaient des gros titres, des émissions, et un film avec Meryl Streep, sur l’accident de Three-Miles-Island, survenu la même année. « Le 16 juillet, le même jour que le test de Trinity, mais en 1979, il y a eu un accident à l’usine de traitement. » Il y avait deux mines d’uranium, qui ont été exploitées des années 1950 à la fin des années 1970. Le minerai d’uranium était traité à l’usine, juste à côté. L’usine produisait beaucoup de déchets, et les déchets liquides étaient entassés dans un bassin de rétention. « Le bassin de rétention était fermé par une digue d’argile. Il y avait des fissures dans la digue, la compagnie le savait, mais continuait à y entreposer les déchets. A environ 5h30 du matin, le 16 juillet 1979, la digue s’est rompue. Plus de 350 millions de litres de déchets radioactifs se sont déversés dans un fossé qui menait à la rivière Puerco. Elle est normalement sèche, il y a rarement de l’eau. Mais quand l’eau radioactive s’est déversée du bassin de rétention, elle a coulé jusqu’à au moins 160 km en Arizona. » La région est toujours polluée. En juillet 2015, un chercheur Navajo, Tommy Rock, de l’Université de Flagstaff, a découvert que l’eau ‘potable’ d’une communauté Navajo à Sanders, à la frontière entre l’Arizona et le Nouveau Mexique, était radioactive. Exceptionnellement, le Rio Puerco avait de l’eau en 2015. La région de la vieille usine est contrôlée par l’EPA [Agence pour la Protection de l’Environnement], mais l’eau de la rivière n’avait jamais été contrôlée.

Le combat de Leona contre les mines d’uranium

Leona a commencé par combattre une nouvelle mine d’uranium en 2007. La nouvelle mine était située près de la petite ville où vivait sa famille, [Crown Point, voir carte à la fin de l’article] . La compagnie disait vouloir utiliser une nouvelle technique d’extraction, appelée en français ‘lixiviation in situ’, en anglais ‘leaching’ qui signifie ‘infiltrer’. Ils prétendaient que c’était beaucoup mieux que les mines explosées à ciel ouvert d’autrefois, qui envoyaient des nuages radioactifs sur des kilomètres. En fait, cette ‘nouvelle’ technique consiste en l’infiltration de produits chimiques (toxiques) dans les nappes aquifères, à travers les roches, afin de dissoudre le minerai d’uranium. Naturellement, le minerai d’uranium ne se dissout pas dans l’eau. Après infiltration de produits chimiques, l’uranium se dissout dans l’eau, qui est pompée et filtrée. Et l’eau souterraine est donc radioactive. Les activistes ont heureusement pu bloquer le projet. (Mais il faut se souvenir que, souvent, les projets d’extraction d’uranium sont bloqués parce que le prix de l’uranium est trop bas sur le marché mondial. Beaucoup de mines qui ont obtenu depuis longtemps un permis d’exploiter attendent encore que le cours de l’uranium remonte). Cependant, Leona est optimiste grâce à cette victoire, elle dit « Nous croyons que si nous pouvons arrêter l’exploitation de mines d’uranium, nous pouvons aussi bloquer la fabrication d’armes nucléaires et d’énergie nucléaire. »

Mais elle fit remarquer que même après la décontamination, le sol n’est plus jamais le même. Et ce changement ébranle tout leur mode de vie. Dans la communauté de Church Rock, les moutons ont été touchés aussi, et les Navajos mangent beaucoup de viande de mouton. Des étudiants Diné font des recherches sur les effets des radiations et recommandent de ne manger que la viande, mais pas les abats – ce qui est assez courant, et délicieux ! « Donc, on peut se rendre compte que le problème ne concerne pas seulement l’environnement, mais aussi la souveraineté alimentaire et la justice reproductive et beaucoup d’autres problèmes. »

La création du Projet de Contrôle des Radiations (« Radiation Monitoring Project »)

Leona a donc mis en route un projet appelé ‘Projet de Contrôle des Radiations’, qui est essentiellement un projet éducatif. Elle explique : « La partie du travail que je fais le plus est l’éducation populaire. » Le groupe a dû collecter des informations et faire des schémas et des images montrant comment les radiations pénètrent dans le corps. Les radiations touchent surtout les femmes et les enfants, et plus que tous, les enfants à naître. Pour le Projet de Contrôle des Radiations, ils organisent des collectes pour acheter des compteurs Geiger que les gens peuvent emprunter pour aussi longtemps que nécessaire pour mesurer le taux de radiations dans leur communauté. Les cours qu’ils donnent sont faits spécialement pour chaque communauté, selon ses besoins. Certaines communautés sont touchées par des mines d’uranium, d’autres par des réacteurs nucléaires ou par une usine de traitement de l’uranium. Le travail d’information et les outils sont dispensés gratuitement.

Combattre tout le cycle du carburant nucléaire

« Nous avons beaucoup parlé de l’extraction d’uranium du passé, qui servait à faire des armes, mais maintenant il y a beaucoup, beaucoup de nouvelles menaces venant du nucléaire. » Leona montra une photo de la Montagne Sacrée du Sud pour les Navajos, le Mont Taylor, qu’ils appellent Tsoodził. La montagne est également sacrée pour tous les Peuples Autochtones de la région. Les Acomas, qui vivent tout près, l’appellent ‘Kaweshti’. C’est une des communautés les plus proches de la montagne. Ils en dépendent pour l’eau qui en descend et alimente leur seul cours d’eau. La zone est pleine de mines abandonnées. En ce moment, il n’y a pas d’extraction d’uranium au Nouveau Mexique, mais il y a des propositions de deux mines d’uranium sur le Mont Taylor [AREVA a été impliqué]. Un autre projet minier près d’un site sacré est la Mine du Canyon, en Arizona, près du Grand Canyon. La compagnie de Canyon Mine, Energy Fuels, a aussi un projet appelé ‘Roca Honda’ sur le Mont Taylor. [Energy Fuels opère aussi l’usine de traitement de White Mesa, en territoire Ute].

La Campagne ‘Haul NO!’, ‘NON au Transport !’

En 2015, des activistes anti-nucléaire ont démarré une campagne appelée ‘Haul NO!’, qui signifie ‘Non au transport’, mais, en anglais, ressemble à l’expression ‘Hell, NO!’ La campagne concernait le transport d’uranium de la Mine du Canyon à l’usine de traitement en Utah, à travers la Nation Navajo. Leona dit : « Nous avons travaillé avec des gens de différents peuples Autochtones, au cours de cette campagne. C’est un combat dirigé par des Autochtones avec le soutien de nombreux alliés non-Autochtones, des supporters et d’autres gens. » L’essentiel de la campagne était de faire prendre conscience et créer de l’action. Les participants sont partis de l’usine dans l’Utah. Ils se sont arrêtés dans les communautés et ont fait des conférences en route. Beaucoup de gens ont pris conscience du problème grâce à cette campagne. La compagnie a prétendu qu’elle ne transportait pas d’uranium, mais les activistes les ont pris sur le fait. Ils ont aussi fait une vidéo montrant la réalité de ce qui se passe à Canyon Mine :

 Canyon Mine

La campagne a reçu le soutien du Sierra Club, mais la compagnie n’a pas eu de problèmes. « L’agence gouvernementale a changé le permis pour y inclure [ce qui avait été révélé]. La mine n’est qu’à 10 km du Grand Canyon. La communauté Havasupai, qui vit au fond du Grand Canyon, dépend de l’eau qui y ruisselle et craint que les sources ne soient contaminées. Et leur site sacré, Red Butte, n’est qu’à 6,5 km de la mine. Ils utilisent aussi le site et les sources d’eau pour des cérémonies.

LE WIPP AND LE WCS

Le WCS est une décharge pour les déchets faiblement radioactifs, au Texas, à la frontière avec le Nouveau Mexique. La compagnie veut construire une nouvelle décharge pour accueillir environ la moitié des déchets des centrales nucléaires de tous les Etats-Unis. Le WIPP est un Projet Pilote pour l’Isolation des Déchets (Waste Isolation Pilote Project). Maintenant, le combat principal est contre la compagnie Holtec. Ils essaient de construire une décharge pour toujours plus de déchets. Holtec achète des déchets pour les recycler ou les enrichir, pour faire de l’argent. Les autorités du Nouveau Mexique sont contre les décharges, mais des amis de la compagnie essaient de faire changer la loi au Congrès. Le Nouveau Mexique n’a que deux Sénateurs et trois Représentants au Congrès, ce qui veut dire qu’ils n’ont pas beaucoup de pouvoir politique. Cependant, les opposants ont un réseau national d’activistes qui travaillent ensemble. Ce qui se passe aux Etats-Unis et dans beaucoup d’autres pays qui ont l’énergie nucléaire, c’est que ça produit beaucoup de déchets et nulle part où les mettre. Leona parla de sa visite à Bure, sur l’invitation de Pascal Grégis, du CSIA, ainsi que de ses visites à des amis Allemands qui luttent aussi contre les déchets nucléaires. Elle dit : « Ce à quoi nous devons tous travailler, c’est de faire qu’on arrête de produire des déchets nucléaires, qu’on arrête de fabriquer des bombes nucléaires, qu’on arrête de produire de l’énergie nucléaire, qu’on arrête d’extraire de l’uranium, et ceci va demander beaucoup de travail en commun. » Malheureusement, il y a actuellement beaucoup de divisions dans ce combat, la lutte contre les armes est séparée de celle contre l’énergie civile. De plus, « en tant que Peuples Autochtones, nous devons aussi faire face au racisme et à d’autres problèmes quand nous parlons de colonialisme nucléaire. »

Un autre problème est le changement climatique. Les dirigeants Occidentaux et les entreprises prétendent que l’énergie nucléaire est sans carbone, ce qui est faux. « Ils ne prennent en compte que le réacteur et disent ‘ce n’est que de la vapeur, pas du carbone’. Ils ne prennent pas en compte l’extraction, le traitement, l’enrichissement et toutes les autres étapes de la production de carburant nucléaire. Ils ne prennent pas en compte le transport, ni le stockage des déchets, qui sont radioactifs pour des millions d’années. »

En conclusion, Leona dit que nous devions imaginer une façon de pousser au changement. Et que cela ne peut se faire qu’en connaissant les problèmes et en connaissant et en informant les communautés directement touchées.

« Nous devons nous soutenir, dans la solidarité, et nous unir pour combattre tous ensembles. Et pour cela, il est très important de respecter les cultures de tous. Je pense qu’en travaillant ensemble, nous pourrions nous comprendre et ça peut se faire en partageant nos histoires et nos expériences. Pour la protection des sites sacrés, la protection de l’eau, la protection de la vie, et pour les générations futures. »

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