(IN)ACTION DIFFEREE: OU EST LA SOLIDARITE AVEC LES AUTOCHTONES CONFRONTES A LA MILITARISATION ?

Par Alex Soto
Publié sur le site O’odham Solidarity Across Borders Collective
Le 20 novembre 2014

A tous ceux qui ne connaissent pas les passages en petits caractères du plan d’immigration d’Obama :

Avant et par-dessus tout, il donnera plus de moyens à la sécurité de la frontière. Ce qui signifie… plus de militarisation dans les communautés Autochtones divisées par la soi-disant frontière, comme par exemple ma communauté de la Nation Tohono O’odham. Notre him’dag (style de vie) O’odham sera de nouveau attaqué par des politiques de colonisation de la frontière, comme en 1848 et 1852 quand la soi-disant frontière a été imposée illégalement. Attaqués comme nous l’avons été en 1994 quand l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a été mis en pratique. Ces politiques frontalières sont conçues et appliquées sans aucune prise de conscience de la part des colons des effets très négatifs que de telles politiques auront sur les Peuples Autochtones. Les Nations Autochtones qui existaient avant le soi-disant Mexique et les Serpents-Unis [en anglais : United Snakkkes, avec les 3 k de Ku-Klux-Klan – NdT] se retrouvent pratiquement sans voix.

Fondamentalement, le plan d’Immigration 2014 d’Obama = militarisation de la frontière = colonisation style 21ème siècle.

Alors, à la lumière du dernier plan d’immigration d’Obama, j’écris ceci pour dire « NE CROYEZ PAS LE BATTAGE MEDIATIQUE ». Le plan est anti-Autochtone et anti-Migrants. Je vous prie de regarder la situation d’ensemble (ALENA). Je vous prie de voir le marchandage. Je sous prie de voir les tactiques de division et conquête de l’état en 2014.
Puis, demandez-vous ce que pourrait être une réaction anticoloniale des migrants/Autochtones à tout cela. A quoi ressemblerait un monde sans les frontières de l’ALENA ? A quoi ressemble la libération collective sur les Terres O’odham ? Les Terres Apaches Lipan ? Les Terres Yoeme [Yaqui] ? Les Terres Kickapoo ? Les patries Autochtones qui se trouvent maintenant dans la région de la soi-disant frontière ?

Où est la solidarité avec les Autochtones confrontés à la militarisation ?

Je reconnais que c’est une question complexe. Je ne veux pas que les migrants, Autochtones comme moi, venant de l’hémisphère sud soit criminalisés par des lois racistes. Je ne veux pas que des familles soient séparées, que des êtres aimés soient déportés, ou qu’ils doivent marcher dans le désert brulant, juste pour avoir ‘une chance’ dans ce monde néolibéral de l’ALENA dans lequel nous sommes forcés de travailler comme des esclaves. Mais en même temps, je ne veux pas que mon pays soit un état policier. Je ne veux pas que nos cérémonies soient dérangées. Je ne veux pas que notre jewed (pays) soit détruit par l’appareil sécuritaire de la frontière. Je ne veux pas que notre ciel soit pollué par plus d’hélicoptères de la Patrouille des Frontières, je ne veux pas de caméras placées sur des grues tournantes hautes comme des gratte-ciel ni de drones. Je ne veux pas que la liberté de mouvement chez les O’odham ne soit accordée qu’aux détenteurs de passeports biométriques coloniaux. Je ne veux pas des couloirs de CANAMEX/ALENA écorchant nos terres avec des autoroutes (Bretelle 202/Nationale 11). Et finalement je ne veux pas, reprenant les mots de feu mon grand-père, qui avait vu le Mur de Berlin de ses propres yeux quand il était stationné en Allemagne, de « Mur de Berlin O’odham » construit à la frontière.

Ce sont juste quelques pensées qui me viennent en ce moment. Dans l’ensemble j’ai toujours espoir que nous puissions tous ensemble sortir de notre merde. Nous devons juste survivre aux droits des migrants dominants néocoloniaux du complexe industriel financé par Dieu sait qui (mais çà mérite une analyse plus longue), aux Dream ACTors [partisans de la Loi DREAM, jeu de mots intraduisible : ‘Dream’ veut dire ‘rêve’, mais la Loi – Act – Dream est un acronyme pour Development Relief and Education for Alien Minors, Développement, Aide et Education pour les Etrangers Mineurs – NdT] et en même temps, nous devons survivre à l’état colon, tout en permettant à notre propre communauté de s’émanciper. D’une manière ou d’une autre … parce qu’il le faut.

Alex Soto
Komkch’ed e Wah ‘osithk (Sells, Arizona)
Tohono O’odham Nation

Voir interview d’Alex Soto de mars 2014 et de nombreux articles sur la construction du Mur

Alex est également membre du duo hip-hop Shining Soul, vous trouverez les vidéos de deux morceaux, avec la traduction française des textes en cliquant ici.

PRIS ENTRE DEUX FEUX : LA MILITARISATION DE LA FRONTIERE US-MEXIQUE MENACE LE MODE DE VIE D’UNE TRIBU AUTOCHTONE ! INTERVIEW D’ALEX SOTO, TOHONO O’ODHAM ET DE KLEE BENALLY, DINE (NAVAJO)

Extrait de l’émission du
Vendredi 14 mars 2014
Democracy NOW!
Transcription par Brenda Norrell
Publiée sur Censored News
Traduction et sous-titres Christine Prat

 

(Voir autre extrait de l’émission: interview de Klee Benally sur les mines d’uranium et ci-dessous vidéo d’une action à Tucson en 2010 et un clip de ‘Papers’ par Shining Soul)

 

Le Président Obama a déployé des milliers de nouveaux agent de la Patrouille des Frontières des Etats-Unis à la frontière sud de l’Arizona, un état connu pour sa politique controversée de répression contre les immigrants. Environs 28 000 membres de la Nation Tohono O’odham sont pris au milieu du processus de militarisation de la frontière. Leur réserve, reconnue au niveau fédéral, est à peu près de la taille du Connecticut, et sur 122 km, elle s’étend des deux côtés de la frontière US-Mexique. Dans l’émission enregistrée à Flagstaff, Arizona, Democracy NOW ! Amy Goodman a interviewé Klee Benally, un activiste Diné (Navajo), et Alex Soto, membre de la Nation Tohono O’odham et organisateur du mouvement O’odham Solidarity Across Borders [Solidarité O’odham à Travers les Frontières]. Il est aussi membre du duo de hip-hop [rap] Shining Soul. « Les Tohono O’odham, ce qui signifie les gens du désert, se retrouvent au centre de politiques coloniales qui actuellement sont en train de militariser nos territoires, par le nombre d’agents de la Patrouille des Frontières, les points de contrôle, les drones et la surveillance générale de notre communauté », dit Alex Soto.

Alex Soto, Tohono O’odham, parle de la militarisation de la frontière – et de la Réserve

La réserve Tohono O’odham s’est trouvée divisée par la frontière US-Mexique, suite à la conquête de territoires mexicains par les Etats-Unis en 1846. Leur situation s’est beaucoup détériorée suite à la politique controversée de répression de l’immigration illégale, pendant le mandat de la Gouverneur Jan Brewer (qui vient d’annoncer qu’elle ne se représentera pas). Le Président Obama a également déployé des milliers de nouveaux agents de la Patrouille des frontières à la frontière sud de l’Arizona. 28 000 membres de la Nation Tohono O’odham se retrouvent coincés. De nombreux O’odham doivent passer par des postes de contrôle pour se déplacer dans leur territoire et ceux qui résident du côté mexicain de la frontière sont totalement coupés de leur tribu.
Alex Soto, Tohono O’odham, a participé en 2010 à une action d’occupation du Bureau de la Police des Frontières à l’intérieur de la base militaire de l’Armée de l’air Davis-Monthan à Tucson.

 

ALEX SOTO : LA SITUATION DES TOHONO O’ODHAM A LA FRONTIERE

« Actuellement, ma communauté se retrouve prise au milieu d’une offensive pour militariser la région frontalière. Les Tohono O’odham – ce qu’on traduit par « gens du désert » – sont pris dans des politiques coloniales qui maintenant militarisent nos territoires, que ce soit par le nombre d’agents de la Patrouille des Frontières, les points de contrôles, les drones, et simplement la surveillance omniprésente de notre communauté. Ainsi, en ce moment même, notre mode de vie en tant qu’ O’odham est affecté, que ce soit dans les pratiques traditionnelles ou le fait de voir la famille et les amis, et c’est affecté partout par la militarisation. »

« Dans notre réserve, n’oubliez pas, la région frontalière que vous avez partagée sur 122 km, il n’y a pas encore nécessairement de mur [Les autorités ont entrepris de construire un mur le long de la frontière, dans la réserve Tohono O’odham, il n’est pas encore construit, faute de moyens financiers – NdT]. Tout ce qu’il y a, ce sont des barrières pour bloquer les véhicules. Au cours de ma vie, à un certain moment, dans ma petite enfance, il n’y avait pas de clôture. Donc, au cours de ma vie j’ai vu les changements causés par les politiques d’immigration appliquées par le gouvernement des Etats-Unis. Et maintenant nous en sommes au point où nous avons des barrières pour les véhicules. Mais la pression exercée actuellement pour une réforme totale de la politique d’immigration pousse à un scénario du genre Mur de Berlin dans ma communauté. »

« Vous savez, en grandissant – je n’ai que 28 ans – j’ai toujours été élevé en sachant, en tant qu’ O’odham, que le territoire des deux côtés de la soi-disant frontière US-Mexique était notre territoire. Et quand j’étais jeune, il n’y avait pas de frontière là-bas, à part les clôtures pour les poules, l’élevage, des choses pratiquées dans la communauté. C’est seulement depuis le début des années 1980 jusqu’au début des années 1990, plus particulièrement avec la signature du NAFTA, que nous avons vu des pressions pour réguler la frontière, à cause du taux de communautés migrantes ou des Autochtones du Mexique immigrant ici pour des raisons politiques, à cause de la politique économique des Etats-Unis. Ainsi, au cours des années 1990, il y a eu une escalade pour ces raisons, jusqu’en 2001, avec l’affaire du 11 septembre, qui a augmenté la pression pour imposer des politiques de militarisation. Et maintenant, nous sommes dans cette situation, plus ou moins à cause de la politique d’immigration. Donc, ajoutées les unes aux autres, ces questions qui nous frappent ne sont pas nécessairement des problèmes O’odham, mais le contexte global pousse à la militarisation de notre territoire. »

« Je fais partie d’un mouvement de base, dans la communauté, avec beaucoup d’autres jeunes qui prennent l’initiative de connaître nos droits vis-à-vis de la Patrouille des Frontières, parce que dans notre communauté, la Patrouille des Frontières opère comme si… enfin, sans rendre de comptes. Je veux dire – pensez que notre réserve n’est pas une zone urbaine, c’est une zone rurale. Alors, les agents se lancent dans des actions, voyez-vous, ils font ce qu’ils veulent. Ceci étant dit, les membres de notre communauté se trouvent ne pas savoir quels sont leurs droits. Alors, mes amis, en particulier le collectif dont je fais partie, qui fait un travail de solidarité, ont établi clairement, là-bas, ce qu’on peut et ne peut pas faire. En particulier, en ce qui concerne les relations avec la Patrouille des Frontières, ils ne sont supposés que vous demander votre nationalité. Ils n’ont pas à vous demander d’où vous venez, qui est votre famille ou qui est cette personne à l’arrière du véhicule, qui semble, à leurs yeux, vous voyez ce que je veux dire, illégale, etc. bien que, comme vous l’avez dit, nous soyons les premiers habitants de ce territoire. Et n’oubliez pas, nous sommes tous Autochtones, comme il a été dit. »

« Autant que je sache, [si tant de gens vont là-bas, c’est] parce dans notre communauté, nous avons des villes frontalières très proches, comme Ajo, Casa Grande, où se trouvent les agents de la Police des Frontières – vous savez, à cause de la pression, de l’escalade en cours. Des petites villes rurales sont en train de devenir des ports d’attache pour eux, pour y vivre. Vous savez, il y a des milliers de résidents, surtout à Ajo, qui ont maintenant des agents de la Patrouille des Frontières logeant là-bas. C’est vraiment triste. »

 ALEX SOTO ET KLEE BENALLY A PROPOS DU ROLE DE LA MUSIQUE DANS LA LUTTE

ALEX SOTO:
« Shining Soul, c’est moi-même et mon collègue, du sud de Phoenix, c’est un Chicano, Franco Habre, aka The Bronze Candidate. Mon projet de hip-hop s’appelle Shining Soul, nous formons un duo. Voyez-vous, nous faisons du rap. Nous faisons nos rythmes. Et avec notre musique, nous pouvons exprimer ce qui se passe dans nos communautés, vous savez, dans l’esprit de Public Enemy, dans l’esprit de NWA, pour faire savoir, non seulement à nos communautés, mais au monde extérieur, que ces problèmes nous affectent, mais ce n’est pas seulement une question Autochtone ou une question Chicano, ou autre – c’est le problème de tous. Alors, avec la musique, les rythmes de ‘dope’ et les rimes de ‘dope’, comme ils disent, dans l’esprit du hip-hop – à ses tous débuts, je diffuse ce message, de ce point de vue, et Klee aussi, dans sa musique. »

KLEE BENALLY:
« La musique est un outil de transformation sociale et de changement. Je veux dire, à une époque où nous considérons le capitalisme comme l’ennemi de Notre Mère la Terre, et où les peuples Autochtones sont représentés de manière symbolique, et où nous continuons à faire face au génocide de notre peuple – je veux dire, vous avez demandé quel était l’impact du réchauffement climatique sur les Peuples Autochtones. C’est un génocide. Je veux dire, l’extraction de ressources dans nos territoires est ce que vous voyez comme résultat dans les symptômes du réchauffement climatique. Alors la musique est pour moi une occasion, une occasion puissante, de transmettre le message et de faire savoir aux gens que nous avons besoin d’espoir, mais nous avons besoin d’action. Nous devons faire coïncider les deux. »

KLEE BENALLY A PROPOS DU COLLECTIF OUTTA YOUR BACKPACK MEDIA

« Outta Your Backpack Media a été mis sur pied en 2004 en réponse à un besoin de justice dans les médias pour les communautés Autochtones. Ce que nous offrons, ce sont des ateliers gratuits et des kits de matériel pour les jeunes Autochtones et leur donnons la possibilité de raconter leurs propres histoires, parce que, comme vous le savez, les grands médias ne feront pas le travail pour nous. Nous devons le faire nous-mêmes. »

« Je travaille avec des jeunes Autochtones, essentiellement d’âge du secondaire, et nous sommes un collectif. Nous sommes tous bénévoles. Et nous formons les jeunes pour qu’ils deviennent eux-mêmes instructeurs, participent et éduquent d’autres jeunes. Ainsi, vraiment, çà se répand, c’est un mouvement croissant. C’est en relation avec la musique d’Alex, c’est en relation avec ma musique. Et il y a vraiment un fort mouvement de révolte chez les Autochtones, pas seulement ‘Fini la Passivité’ [Idle No More], parce que nous n’avons jamais été passifs. Nous sommes toujours engagés dans cette lutte. Nous sommes toujours là. »

« Nous n’avons jamais été passifs. Mes ancêtres n’ont jamais capitulé. Quand les forces gouvernementales des Etats-Unis sont venues pour prendre leurs terres sur Big Mountain et Black Mesa, où vous êtes allée, je crois… »

AMY GOODMAN:
« Mon premier documentaire pour la radio, en 1985, était intitulé Une Emprunte de Doigt sur Notre Mère la Terre, et, effectivement, je suis venue ici, à Flagstaff, et je suis allée à Big Mountain où j’ai vu ce qu’enduraient les Diné et les Hopi. Souvent, çà a été présenté comme une bataille entre ces deux tribus. Mais en fait, quand vous veniez et voyiez ce qui se passait, vous voyiez Peabody Coal derrière toute l’affaire. »

KLEE BENALLY:
« Et c’est le lien avec le réchauffement climatique. Je veux dire, tant que les gens seront liés par ces styles de vie non-durables et continueront à dégringoler le long de cette voie destructrice qui alimente cette guerre contre notre Mère, la Terre, ce conflit continuera. Et la résistance continue à ce jour. Des gens sont toujours sur ces terres. Ils restent forts et perpétuent nos modes de vie. »