RAPPORT SUR LE RASSEMBLEMENT ANTICOLONIAL, ANTIFASCISTE POUR LA DEFENSE DE LA COMMUNAUTE, A KINŁANI (FLAGSTAFF, ARIZONA)

 

Indigenous Action Media
D’abord publié par Taala Hooghan
13 avril 2018
Traduction Christine Prat

 

Kinłani/Flagstaff, Arizona – Un rassemblement anticolonial, antifasciste de plus de 60 participants, a été tenu à la Táala Hooghan Infoshop du 6 au 8 avril 2018. Ça a été un weekend fort, pour plusieurs raisons, mais principalement parce qu’il a été organisé explicitement d’un point de vue anticolonial, pas pour prendre une pose antifa. Les Autochtones n’ont pas été seulement “reconnus” ni évoqués symboliquement, nous étions les initiateurs et les organisateurs. Le lieu a été ouvert par des protocoles culturels sans qu’il y ait besoin d’explication. A l’ouverture, un bénévole de l’Infoshop a déclaré: “La manifestation est à beaucoup d’égards une extension du travail culturel et politique qui n’a jamais cessé ici depuis plus de 10 ans. Ce n’est pas un espace sûr, nous ne pouvons pas prétendre que c’est exempt des systèmes d’oppression qui existent hors de ces murs, mais ce que nous pouvons affirmer, c’est que c’est un lieu menaçant pour ces actions et ces conduites.”

Le programme du rassemblement n’était pas écrasant ni bourré de trop d’ateliers se faisant concurrence, il suivait seulement deux pistes qui représentaient le travail et les intérêts de l’équipe qui organisait. Nous n’allons pas entrer dans les détails, mais nous souhaitons partager ce bref rapport.

La discussion d’ouverture, “Intersections & Tensions Anticoloniales et Antifascistes”, a été présenté à un cercle, avec un panel informel. La discussion était modérée par, et ouverte au groupe. Une partie de la discussion portait sur la liquidation des relations avec des ‘alliés’ (présentée par le principal auteur de ‘Pas d’Alliés, Des Complices‘) et des poses anticoloniales. La discussion a surtout tourné autour de la lutte anticoloniale, vu que, bien que des invitations aient été envoyées, des groupes antifascistes de la région ne sont pas venus.

Une déclaration (émanant de www.rageandresist.org ) qui représentait l’esprit de la discussion, a été lue: “Nous reconnaissons les limites de l’antifascisme en territoire volé. Nous avons connu la main de fer de l’état, en ‘Arizona’, bien avant que Trump ne soit élu. Nous avons résisté aux innombrables attaques contre les migrants (dont beaucoup sont nos parents Autochtones) par les mécanismes d’état, beaucoup des administrations mises en place pour bloquer ou tuer des migrants, sont aussi là pour imposer la loi coloniale sur les territoires Autochtones non-cédés. Des patrouilles du MCSO [Bureau du Sheriff de Maricopa] d’Arpaio visant les Yaqui à Guadalupe, de la violence policière contre les Peuples Autochtones dans tout l’état, de la déportation forcée de plus de 20 000 Diné de Black Mesa, de la répression contre les Peuples Autochtones défendant des sites sacrés comme les San Francisco Peaks, des points de contrôle de la Patrouille des Frontières sur les routes de la Nation Tohono O’odham, à la barrière physique qui divise les Peuples Autochtones séparés par la frontière coloniale entre les Etats-Unis et le Mexique. La résistance autochtone à ces entreprises dure depuis longtemps, alors que les complices sont encore nouveaux dans le combat. Nous avons organisé des projets de solidarité pour nous opposer au réseau de contrôle colonial, parce que nous avons compris que l’antifascisme qui n’est pas fondé sur l’anticolonialisme, est certain de reproduire les structures de la violence du colonialisme de peuplement, qui existe depuis plus de 500 ans sur ce continent, et depuis plus de 200 ans, dans la démocratie représentative des ‘Etats-Unis.'”

L’un des orateurs dit “Prenez des risques. Si cette discussion et ce rassemblement ne vous mettent pas mal à l’aise à un moment ou un autre, c’est que nous avons commis une erreur.”

Sakej Ward a ouvert des perspectives précieuses au cours de l’atelier sur la “Doctrine Révolutionnaire Autochtone”. Il a analysé une sélection de stratégies révolutionnaires historiques et expliqué pourquoi une stratégie distincte est nécessaire dans le contexte de nation Autochtone. Le discours de Sakej a aussi exploré “l’environnement apocalyptique incessant dans l’après-effondrement Autochtone” et dénoncé la pacification par des ONG et organisations à but non lucratif des luttes Autochtones.

Parmi les autres ateliers, il y avait: Antifascisme et Culture de la Sécurité 101, Fascisme et Antifascisme en France, Défense Armée, Liquider le Poison de la Fasculinité dans les Mouvements et Espaces Radicaux, et des ateliers d’autodéfense.

L’atelier sur le Poison de la ‘Fasculinité’ a eu lieu dans un espace fermé, réservé aux fxmmes, et aux genx transgenres et lesbiennes (pas d’hommes hétéro). L’atelier a montré en détail les différentes manières par lesquelles des espaces voués à des mouvements militants radicaux pouvaient personnifier une hyper masculinité qui réduit au silence, aliène et fait du tort aux fxmmes, aux femmes [en français dans le texte] et autres genres non-mâles. L’atelier était modéré comme un cercle de discussion et les participantes ont partagé et appris des expériences des unes des autres. Après ce cercle de discussion, il y a eu un atelier d’autodéfense spécial pour les fxmmes, femmes, et hommes non-hétéro.

La soirée s’est terminée par un autre panel informel sur le “Soutien de la Communauté Contre la Police.” Deux membres de la communauté Autochtone sans abri ont rejoint Louise Benally, de Big Mountain – où la résistance à la déportation forcée existe depuis plus de 40 ans – et les organisateurs antifascistes, dans une discussion sur les méthodologies alternatives et une justice transformatrice et restauratrice.

Le samedi soir, un poste de police a été amélioré avec de la peinture rouge et le message “Fuck the Police.” D’autres endroits ont aussi été redécorés, mais celui-là a attiré l’attention de nombreux flics [‘pigs’ en anglais] et d’un hélicoptère. Bien qu’ils ne soient pas associés à l’action, deux camarades ont été pris par les flics [pigs] et retenus pour la nuit. Le soutien aux prisonniers a été rapidement activé et après que les accusations (deux pour chacun, de délit criminel de graffitis) et la caution aient été déterminées, une partie de l’équipe du rassemblement s’est réunie devant la prison. Envoyez s.v.p. des emails à taalahooghan@protonmail.com pour savoir comment aider ceux qui risquent de multiples chefs d’accusation.

La matinée a commencé par un atelier sur l’âgisme pour les jeunes, et sur les façons dont les jeunes pouvaient se défendre, et s’est terminée par une discussion sur la construction d’un Mouvement Antifasciste Régional.

“Nous ne choisissons pas d’êtres activistes” dit l’un des coordinateurs du rassemblement, “nous sommes nés dans cette lutte et la vivons tous les jours.”