Cet article a été écrit suite à la sortie du film sur Oppenheimer du réalisateur Christopher Nolan, qui correspondait à peu près à la commémoration de la catastrophe nucléaire de Church Rock, le 16 juillet 1979. L’auteur s’est vu reprocher de ne pas avoir vu le film. Alors, il l’a vu et brièvement dit ce qu’il en pensait.

Klee Benally, Indigenous Action/Haul No!
Contributions de Leona Morgan, Diné No Nukes/Haul No!
Publié par Indigenous Action
20 juillet 2023

La terreur génocidaire de l’énergie et des armes nucléaires n’est pas un divertissement.

Glorifier de telles science et technologie mortelles en une étude de caractère dramatique dépolitisée, c’est cracher à la figure de centaines de milliers de cadavres et de survivants dispersés dans toute l’histoire du prétendu âge Atomique.

Pensez-y de cette façon, pour chaque minute qui passe dans le film de 3 heures, plus de 1100 citoyens des villes d’Hiroshima et Nagasaki mouraient à cause de l’arme de destruction massive d’Oppenheimer. Ceci ne prend pas en compte ceux, sous le vent des tests nucléaires, qui ont été exposés aux retombées radioactives (certains protestent contre les projections), ça ne prend pas en compte ceux qui ont été empoisonnés par des mines d’uranium, ça ne prend pas en compte ceux qui ont été tués lors d’accidents de centrales nucléaires, ça ne prend pas en compte ceux des îles Marshall, empoisonnés pour toujours.

Pour chaque seconde que vous passez dans un cinéma climatisé, avec un seau de popcorn chaud sur les genoux, 18 personnes mouraient en un clin d’œil. Grâce à Oppenheimer.

Bien que vous en ayez certainement appris suffisamment sur J. Robert Oppenheimer, le « père de la bombe atomique », grâce à l’odyssée 70mm IMAX du réalisateur Christopher Nolan, soyons clair sur son héritage mortel et le complexe militaro-scientifique-industriel omniprésent derrière.

Après la détonation réussie de la toute première bombe atomique, Oppenheimer a effrontément cité le Bhagavad-Gita, « Maintenant je suis devenu la mort, le destructeur de mondes. » À peine un mois plus tard, les « Etats-Unis » larguaient deux bombes atomiques qui dévastèrent les villes d’Hiroshima et Nagasaki et plus de 200 000 personnes furent tuées. Des ombres de ceux qui avaient péri ont été brûlées dans le sol des rues. Un des survivants, Sachiko Matsuo, a relayé leurs pensées, comme ils essayaient de trouver un sens à ce qui se passait quand Nagasaki a été frappée, « Je ne pouvais rien voir en bas. Ma grand-mère se mit à pleurer, ‘Tout le monde est mort. C’est la fin du monde. » Une dévastation que Nolan a délibérément laissée de côté, car, selon le réalisateur, le film n’est pas raconté du point de vue de ceux qui ont été bombardés, mais de celui de ceux qui en étaient responsables. Nolan explique simplement, « [Oppenheimer] apprit les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki à la radio, comme le reste du monde. »

Quelques mois après la détonation sur le site « Trinity », en territoire Tewa occupé, au Nouveau-Mexique, Oppenheimer démissionna. Il partit en exprimant le conflit intérieur d’avoir « du sang sur les mains », (quoique plus tard il aurait dit que les bombardements ne pesaient pas « sur sa conscience ») et de laisser un héritage de dévastation nucléaire et de pollution radioactive empoisonnant de façon permanente les terres, les eaux et les corps jusqu’à aujourd’hui.

Les militaires U.S. et la machinerie politique ont cannibalisé le scientifique et en ont fait le méchant de leur anxiété impérialiste de la guerre froide. Ils lui ont rappelé, comme aux autres scientifiques derrière le Projet Manhattan, qu’eux et leurs intérêts étaient toujours sous contrôle.

Oppenheimer n’a jamais été un héros, c’était un architecte de l’annihilation.

La course pour développer la première bombe atomique (après que les Nazis aient réussi la fission de l’atome) n’aurait jamais pu être une stratégie pacifique de dissuasion, c’était une stratégie de domination et d’annihilation.

L’Allemagne Nazie commettait le génocide contre les Juifs, tandis que les Etats-Unis se tenaient politiquement sur les marges. Ce ne fut que lorsqu’ils furent directement menacés que les Etats-Unis intervinrent. Bien que l’Allemagne Nazie ait été vaincue le 8 mai 1945, les Etats-Unis ont largué deux bombes atomiques, séparément, sur les cibles non-militaires des villes japonaises d’Hiroshima et Nagasaki, le 6 et le 9 août 1945.

Pour souligner la complicité d’Oppenheimer, il a bloqué une pétition de 70 scientifiques du Projet Manhattan, qui pressait le Président Truman de ne pas larguer de bombes, pour des raisons morales. Les scientifiques disaient aussi que, la guerre étant proche de sa fin, le Japon aurait dû avoir la possibilité de se rendre.

Aujourd’hui, il y a approximativement 12 500 têtes nucléaires dans neuf pays, près de 90% sont détenues par les Etats-Unis et la Russie. Il est estimé que 100 armes nucléaires sont un seuil de « dissuasion… adéquat » pour la destruction mutuelle assurée » du monde.

Oppenheimer a construit l’arme dont le canon est toujours sur la tempe de tous ceux qui vivent sur cette Terre aujourd’hui. Pendant toutes ces décennies après le développement de « La Bombe », des millions de gens partout dans le monde se sont ralliés au désarmement nucléaire, cependant les politiciens ont toujours le doigt sur la gâchette.

L’héritage mortel du Colonialisme Nucléaire

La production d’armes et d’énergie nucléaires ne serait pas possible sans uranium.

L’extraction globale d’uranium a connu un boum pendant et après la Deuxième Guerre Mondiale et continue de menacer des communautés partout dans le monde.

Aujourd’hui, il y a plus de 15 000 mines d’uranium abandonnées aux Etats-Unis, principalement dans et autour des communautés Autochtones, et elles empoisonnent pour toujours des terres et des eaux sacrées, alors que peu ou pas d’action politique ne soit entamée pour nettoyer leur héritage toxique et mortel.

Les communautés Autochtones sont depuis longtemps sur les lignes de front de la lutte pour en finir avec l’héritage mortel de l’industrie nucléaire. Le colonialisme nucléaire a conduit à la pollution radioactive des systèmes d’eau potable de communautés entières, comme le village de Red Shirt, dans le Dakota du Sud et Sanders, en Arizona. L’Agence de Protection de l’Environnement des Etats-Unis a fermé au moins 22 puits dans la Nation Navajo, où il y a plus de 523 mines d’uranium abandonnées. À Ludlow, dans le Dakota du Sud, une mine d’uranium abandonnée se trouve à quelques mètres d’une école primaire, empoisonnant le sol où des enfants continuent à jouer jusqu’à aujourd’hui.

Le colonialisme nucléaire a ravagé nos communautés et laissé un héritage mortel de cancers, d’anomalies congénitales et d’autres conséquences graves sur la santé, c’est un lent génocide des Peuples Autochtones.

De 1944 à 1986, quelque 30 millions de tonnes de minerai d’uranium ont été extraits de mines sur les terres Diné. Les travailleurs Diné n’ont presque pas été informés des risques potentiels pour leur santé, et beaucoup d’entre eux n’ont pas eu de matériel de protection. Comme la demande d’uranium baissait, les mines ont fermé, laissant plus de mille sites contaminés. À ce jour, aucun n’a été complètement nettoyé.

Le 16 juillet 1979, tout juste 34 ans après qu’Oppenheimer ait assisté au test Trinity, le 16 juillet 1945, la plus grande fuite radioactive accidentelle s’est produite dans Diné Bikéyah (la Nation Navajo), à l’usine de traitement de Church Rock. Plus de 1100 tonnes de déchets radioactifs solides et 356000 litres de liquide radioactif se sont déversés dans la Rivière Puerco, après qu’une digue en terre se soit rompue. Aujourd’hui, l’eau en aval de la communauté de Sanders, en Arizona, est empoisonnée par la contamination radioactive de la fuite.

Bien que l’extraction d’uranium soit maintenant interdite dans la réserve, grâce aux campagnes des organisateurs Diné anti-nucléaire, les politiciens Navajo cherchent toujours à autoriser de nouvelles mines dans les zones déjà polluées par l’héritage toxique de l’industrie. On estime que 25% de tout l’uranium qui reste dans le pays se trouve dans Diné Bikéyah.

Bien qu’il n’y ait jamais eu d’étude exhaustive des impacts de l’uranium sur la santé humaine dans la zone, une étude ciblée a détecté de l’uranium dans l’urine de bébés nés de femmes Diné exposées à l’uranium.

Les terres des Shoshone de l’Ouest, dans le soi-disant Nevada, qui n’ont jamais été cédées au gouvernement des « Etats-Unis », sont depuis longtemps la cible des industries militaires et nucléaires.

Entre 1951 et 1992, plus de 1000 bombes nucléaires ont explosé en surface et en dessous, dans une zone appelée Site de Tests du Nevada, sur des terres des Shoshones de l’Ouest, ce qui en fait une des nations les plus bombardées sur terre.
Les communautés des zones aux alentours du site de tests sont exposées à de graves retombées radioactives, qui causent des cancers, des leucémies et autres maladies. Ceux qui souffrent de cette pollution radioactive sont appelés collectivement « ceux sous le vent. »

Le guide spirituel Shoshone de l’ouest Corbin Harney, décédé en 2007, a aidé à démarrer une action de la base pour fermer le site de tests et abolir les armes nucléaires. Une fois, il avait dit « Nous n’aidons pas du tout notre Mère la Terre. Les racines, les baies, les animaux ne sont plus là, il n’y a plus rien ici. C’est triste. Nous vendons l’air, l’eau, et nous nous vendons déjà les uns les autres. D’une façon ou d’une autre, ça conduira à une fin. »

Entre 1945 et 1958, soixante-sept bombes atomiques ont explosé au cours de tests effectués à Majel (les îles Marshall). Des Autochtones des îles ont cessé de se reproduire à cause de la gravité des cancers et des malformations congénitales auxquels ils ont fait face à cause de la radioactivité.

En 1987, le Congrès des « Etats-Unis » a initié un projet controversé de transport et d’entreposage de presque tous les déchets nucléaires des Etats-Unis à Yucca Mountain, située à environ 150 km au nord-ouest de soi-disant Las Vegas, dans le Nevada. Yucca Mountain est considérée comme sacrée par les Nations Paiute et Shoshone de l’ouest, depuis des temps immémoriaux. En janvier 2010 le gouvernement Obama a approuvé un prêt de 54 milliards de dollars d’argent des contribuables, pour garantir un programme de construction d’un nouveau réacteur nucléaire, trois fois ce que Bush avait promis en 2005.

Il y a actuellement 93 réacteurs en service dans les soi-disant Etats-Unis, qui fournissent 20% de l’électricité du pays. Il y a près de 90000 tonnes de déchets nucléaires hautement radioactifs retenus par des digues en béton, dans les centrales nucléaires du pays, et les déchets augmentent de 2000 tonnes par an.

Des catastrophes de 1979 à Three-Mile-Island et Church Rock à la fusion de la Centrale Nucléaire de Tchernobyl en 1986, l’industrie nucléaire a été aux prises avec des catastrophes massives avec des conséquences permanentes.

En 2011, la Centrale Nucléaire de Fukushima Daiichi a connu un désastre et a commencé à entrer en fusion après avoir été touchée par un tremblement de terre et un tsunami. Il a été dit que la centrale de Fukushima avait fait fuir environ 300 tonnes d’eau radioactive par jour dans l’océan. Aujourd’hui le gouvernement japonais exprime ouvertement ses projets de larguer le reste des eaux radioactives dans le Pacifique.

Des armes contenant de l’ « uranium appauvri » déployées par les Etats-Unis dans des guerres impérialistes (particulièrement en Irak et en Afghanistan) ont aussi empoisonné des écosystèmes, également en fournissant des champs de tir en Arizona, dans le Maryland, l’Indiana et à Vieques, à Porto Rico. L’uranium appauvri est un sous-produit du processus d’enrichissement d’uranium quand il est utilisé dans des réacteurs et pour fabriquer des armes nucléaires.

La production d’énergie nucléaire est maintenant proclamée « solution verte » pour la crise climatique, mais rien ne saurait être aussi loin de la vérité que ce mensonge mortel.

En avril 2022, le gouvernement Biden a annoncé un plan de sauvetage de 6 milliards de dollars pour « sauver » des centrales nucléaires qui risquent de fermer. Un représentant du gouvernement colonial a déclaré « Les centrales nucléaires U.S. contribuent pour plus de la moitié de notre électricité non-carbonée, et le Président Biden s’est engagé à garder ces centrales en activité pour atteindre nos buts d’énergie propre. » Tout comme certains militants pour la Justice Climatique, ils citent l’énergie nucléaire comme nécessaire au combat contre le réchauffement climatique, ignorant totalement les effets dévastateurs permanents auxquels les Peuples Autochtones font face.

À cause de ce « laver plus vert » de l’énergie nucléaire, nous pouvons nous attendre à une poussée de l’hydrogène nucléaire, des petits réacteurs nucléaires modulaires, et à ce que le High-Assay Low-Enriched Uranium (HALEU) ne pousse à une nouvelle menace d’extraction, de transport et de traitement d’uranium.

Bien que le gouvernement Obama ait mis un moratoire sur des milliers de baux pour des mines d’uranium autour du Grand Canyon en 2012, des demandes préexistantes sont autorisées. Des groupes écologistes et des Nations Autochtones essaient actuellement de rendre le moratoire permanent et font pression pour un nouveau monument national, cependant, cela ne ferait rien ou presque rien contre la poignée de mines d’uranium préexistantes qui ont été autorisées à continuer.

Malgré ces actions, des explosions souterraines et aériennes ont commencé à la Mine Pinyon Plain/du Canyon, à quelques kilomètres du Grand Canyon. Dès qu’Energy Fuels, la compagnie qui exploite la mine, commencera à extraire du minerai radioactif, elle a l’intention d’en transporter 30 tonnes par jour à travers le Nord de l’Arizona, à l’usine de traitement de la compagnie, à White Mesa, à 480 kilomètres.

L’Usine de White Mesa est la seule usine d’uranium conventionnelle qui opère aux Etats-Unis. L’usine a été construite sur des terres sacrées ancestrales de la Tribu Ute de Ute Mountain, près de Blanding, Utah. Energy Fuels jette les déchets radioactifs dans des « bassins de retenue » qui occupent environ 111 hectares près de l’usine. Etant donné que le nombre de sites de déchets radioactifs est limité, l’Usine de White Mesa est une décharge ad hoc pour les déchets nucléaires du monde entier, qui n’ont pas de site de dépôt permanent.

Au soi-disant Nouveau-Mexique, un état accro aux revenus du nucléaire, pour les armes et l’énergie, il y a deux laboratoires nationaux et deux sites de déchets nationaux. Avec l’héritage des mines d’uranium et des usines, il y a eu le Projet Gasbuggy (une détonation souterraine), un accident « Flèche Brisée » près d’Albuquerque, et d’innombrables tonnes de déchets radioactifs enterrés dans des puits non renforcés, des kivas Pueblo et des bassins. Actuellement, ils font des projets d’expansion et de modifications aux Laboratoires Nationaux de Los Alamos, au Centre Pilote d’Isolation des Déchets [Waste Isolation Pilot Plant, WIPP] et au site d’enrichissement d’uranium d’Urenco. Plus récemment, le Nouveau-Mexique a été menacé par deux sites d’entreposage temporaires licenciés récemment, pour le « fuel usagé » des centrales nucléaires du Nouveau-Mexique et du Texas. Le gouvernement fédéral continue à pousser les projets nucléaires avec des incitations financières.

La prolifération nucléaire continue, tandis que les Etats-Unis permettent que des mineurs d’uranium et d’autres, éligibles pour la Loi de Compensation de l’Exposition aux Radiations, meurent. Beaucoup continuent de souffrir et attendent que les fonds de compensation soient alloués ou ne sont pas éligibles vu les limitations de la loi.

Les dévastations du colonialisme nucléaire, qui détruisent pour toujours des communautés Autochtones partout dans le monde, n’est pas un divertissement. C’est l’héritage terrifiant de l’énergie et des armes nucléaires que des films comme Oppenheimer et des militants douteux de la cause climatique, défendent.

Les Peuples Autochtones vivent, souffrent et continuent de résister à ses conséquences chaque jour.

EN FINIR AVEC LE COLONIALISME NUCLÉAIRE !

Photo Multicultural Alliance for a safe environment

Par Kirena Tsosie
Centre de Recherche et d’Information du Sud-ouest Chris Shuey
Publié par Censored News
Le 14 juillet 2022
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan

Chaque année, ce jour-là, l’Association de la Communauté de la route de la Mare d’Eau Rouge (RWPRCA) de la Nation Navajo, dans le nord-ouest du Nouveau-Mexique, se rassemble pour commémorer les impacts de la plus grande fuite, en volume, de déchets radioactifs de l’histoire des Etats-Unis. Il a été estimé que plus de 430 millions de litre d’eau polluée d’une usine de traitement d’uranium, se sont déversés dans la Rivière Puerco, par une brèche dans une digue de l’usine de traitement d’uranium de la United Nuclear Corp. (UNC), le 16 juillet 1979.

Les familles de la RWPRCA vivent entre deux mines d’uranium abandonnées et l’usine et les déchets de l’UNC, dans le Chapitre [division administrative – Ch. P] de Coyote Canyon. Au sud, il y a encore la mine Nord-Est de Church Rock (NECR), située dans le Chapitre de Church Rock, qui a fonctionné de 1968 à 1982, produisant environ 3,5 millions de tonnes d’uranium, c’était une des plus grandes mines d’uranium dans la Nation Navajo. Le minerai d’uranium de la mine NECR était traité dans l’usine adjacente, UNC, dans le Chapitre de Pinedale. Les déchets d’usine sont ce qui reste après le traitement du minerai, pour extraire de l’oxyde d’uranium, une poudre métallique jaune. Les déchets étaient stockés dans des mares d’évaporation, en terre non recouverte d’un matériau imperméable, ce qui polluait l’eau souterraine locale.

A 5h30 du matin, le 16 juillet 1979, une brèche de 9 mètres s’est ouverte dans la digue qui fermait une mare de déchets, laissant couler de l’eau radioactive dans la Rivière Puerco. Les liquides échappés ont coulé à plus de 120 km en aval, jusqu’en Arizona, après avoir traversé de nombreuses communautés Navajo et la ville de Gallup, au Nouveau-Mexique. L’eau acide (pH=1.5) était tellement toxique qu’elle causait des brûlures aux pattes du bétail et aux pieds de gens qui, dans l’ignorance, pataugeaient dans la rivière juste après la fuite. Le bétail et les plantes mouraient le long des berges de la Rivière Puerco, et des niveaux d’uranium et de radium élevés étaient détectés jusqu’à 96 km en aval. La fuite de Church Rock est encore la troisième fuite de déchets radioactifs, après la catastrophe de Fukushima (2011) et la fusion de Tchernobyl (1986) et plus importante que la fusion partielle de Three Mile Island (1979).

Les effets de la fuite ont été exacerbés par près de 30 ans d’assèchement de mines souterraines, dans le district minier de Church Rock, situé à près de 20 km au nord-ouest de Gallup. Au fil des années, l’eau des mines a ajouté près de six fois plus de radioactivité au bassin de la Rivière Puerco que la fuite initiale. La pollution à l’uranium continue, dans l’eau alluviale, a été constatée dans des puits situés près de la Rivière Puerco, à Sanders, Arizona / région des Nouvelles Terres* de la Nation Navajo. On enquête toujours sur le rôle de l’eau des mines dans la pollution de l’eau souterraine, en-dessous de la Rivière Puerco, près de 50 ans plus tard.

Des recherches ont montré que les Autochtones sont touchés de manière disproportionnée par la pollution de la terre, de l’eau et de l’air, par les déchets de mines, étalés sur 15 états de l’ouest. La RWPRCA et d’autres communautés de la base, dans la Nation Navajo, tiennent les corporations et le Gouvernement Fédéral pour responsables de l’assainissement des mines d’uranium abandonnées, remontant aux débuts de l’extraction d’uranium, au début des années 1940. Les communautés Autochtones de trois ou quatre générations ont dû vivre avec les dangers des déchets d’uranium, qui affectent leurs familles, leurs domiciles, leurs moyens de vivre et leurs pratiques culturelles sacrées.

Ce jour-là, le 16 juillet, nous commémorons aussi la première détonation dans l’atmosphère d’une arme nucléaire, appelée l’Explosion de Trinity, dans le Bassin de Tularosa, dans le centre-sud du Nouveau-Mexique, le 16 juillet 1945. Comme les mineurs d’uranium de la Région des Quatre Coins, les gens du Bassin de Tularosa continuent de demander des compensations pour les maladies qu’ils relient à l’Explosion de Trinity. La bombe, développée au

Laboratoire National de Los Alamos (Nouveau-Mexique) pendant le Projet Manhattan, qui préparait les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, au Japon, les 6 et 9 août 1945.

Nous nous souvenons des évènements irresponsables et horrifiants qui ont fait l’histoire nucléaire des 80 années passées, afin de ne plus les répéter, ni maintenant ni dans le futur. Comme la pendule sur la couverture du Bulletin des Scientifiques Atomiques nous le rappelle, le monde est à seulement 100 minutes d’un conflit nucléaire cataclysmique. S’il vous plait, enseignez cette histoire à vos enfants, pour qu’ils deviennent l’avant-garde de la paix et la prospérité pour des générations futures.

Cliquer sur la carte pour pouvoir lire…

* Des terres initialement attribuées aux Navajos chassés de Big Mountain, pour faire place aux mines de charbon de Peabody Coal.

 

Par Klee Benally, Coordinateur de la Campagne Clean Up The Mines
Publié par Indigenous Action Media
23 décembre 2016
Traduction Christine Prat

Trump a récemment twitté que « Les Etats-Unis doivent grandement renforcer et étendre leur capacité nucléaire jusqu’à ce que le monde revienne à la raison à propos du nucléaire. »

Nous sommes revenus à la raison après que les Etats-Unis aient largué des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki en 1945.
Nous sommes revenus à la raison après que la Centrale Nucléaire de Three Mile Island ait fondu en 1979.
Nous sommes revenus à la raison, trois mois plus tard, quand la fuite de Church Rock a laissé s’échapper plus de 1000 tonnes de déchets hautement radioactifs de l’usine de retraitement et plus de 350 millions de litres de résidus radioactifs dans la Rivière Puerco.
Nous sommes revenus à la raison après que la Centrale Nucléaire de Tchernobyl ait fondu en 1986.
Nous sommes revenus à la raison après la catastrophe de la Centrale Nucléaire de Fukushima Daiichi en 2011.

 

Il y a 100 réacteurs nucléaires commerciaux en activité aux « Etats-Unis » qui ont produit plus de 76 430 tonnes de déchets hautement radioactifs au cours des quatre décennies passées. Yucca Mountain, un site sacré pour les Shoshone de l’Ouest, est sous la menace de plus en plus imminente de devenir le principal site d’enfouissement de déchets toxiques pour l’industrie nucléaire. Il y a plus de 15 000 mines d’uranium radioactives abandonnées à travers tous les Etats-Unis, qui empoisonnent des communautés et menacent des cours d’eau précieux, comme le Fleuve Colorado, dont plus de 40 millions de gens dépendent. Cette menace fort peu connue est si grave qu’elle a été appelée « le Fukushima secret de l’Amérique ».

Les communautés Autochtones sont depuis longtemps sur la ligne de front de la lutte pour arrêter l’héritage mortel de l’industrie nucléaire. Le colonialisme nucléaire a causé une pollution radioactive qui a empoisonné les réseaux d’eau potable de communautés entières comme Red Shirt Village, dans le Dakota du Sud, et Sanders, en Arizona. L’Agence de Protection de l’Environnement des Etats-Unis a fermé 22 puits dans la Nation Navajo où il y a au moins 523 mines d’uranium abandonnées. A Ludlow, dans le Dakota du Sud, il y a une mine d’uranium abandonnée à quelques mètres d’une école primaire, qui empoisonne le sol où les enfants jouent encore à ce jour.

Le Site d’Essais du Nevada a longtemps été la cible d’action directe anti-nucléaire. Il se trouve sur les Terres Ancestrales des Shoshone de l’Ouest où plus de 1000 essais nucléaires ont été perpétrés. Des armes contenant de l’uranium appauvri, déployées par les Etats-Unis au cours de guerres impérialistes (particulièrement en Iraq et en Afghanistan) ont également empoisonné des écosystèmes, y compris ceux des sites d’essais et des champs de tir, en Arizona, au Maryland, en Indiana et à Vieques, au Porto Rico.

Le colonialisme nucléaire a ravagé nos communautés et laissé un héritage mortel de cancers, de maladies congénitales, et d’autres effets graves sur la santé. Certains Autochtones des Iles Marshall ont cessé d’avoir des enfants à cause de l’exposition massive à la radioactivité qui provoque des malformations congénitales extrêmement graves. Le colonialisme nucléaire a réellement été un lent génocide des Peuples Autochtones.

Après la catastrophe de la Centrale Nucléaire de Fukushima en 2011, il semblait que nous étions sur le point de connaître une nouvelle vague d’action anti-nucléaire.

Sous le gouvernement Obama, l’industrie nucléaire a dépensé beaucoup de dollars pour faire pression sur les politiciens afin de déclarer l’énergie nucléaire toxique comme étant une « solution » à la crise climatique. Le soi-disant « Plan d’Energie Propre » d’Obama fait écho à ce ‘verdiment’ (qui a été mécaniquement répété par certaines grandes ONG ou « Grandes organisations Vertes ») du carburant nucléaire. Ce mensonge mortel a conduit au renouvellement des menaces de mines d’uranium près du Grand Canyon et de sites sacrés de Peuples Autochtones comme les Black Hills et le Mont Taylor.

Le régime de Trump menace d’affaiblir les restrictions et d’augmenter la prolifération de l’énergie et des armes nucléaires, ce qui implique aussi plus de mines, plus d’usines de retraitement et plus de déchets.

Il a été écrit que, « les actions des producteurs d’uranium et d’une compagnie de technologie du carburant nucléaire avaient explosé suite aux commentaires de Trump, Uranium Resources, Uranium Energy, Cameco, et Lightbridge ont toutes négocié plus cher vendredi dernier ».

Nous devons combattre pour un avenir sans nucléaire et refuser d’accepter de devenir, nous-mêmes et les générations futures, des victimes de la radiation nucléaire.

Plus que jamais, le besoin vital d’informer, d’engager des actions et des mobilisations pour stopper cette folie nucléaire, est nécessaire, notre futur en dépend.

 

#nonukes #radioactivepollutionkills #cleanupthemines #nuclearcolonialism

Visitez et soutenez les sites: www.nirs.org www.cleanthemines.org www.haulno.org www.dinenonukes.org

 

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Christine Prat

28 décembre 2013

Des membres du Conseil de la Nation Navajo [le Gouvernement de la Réserve Navajo] soutiennent un projet de législation, présenté et défendu par le Délégué Leonard Tsosie, membre du Comité pour les Ressources et le Développement, visant à autoriser l’exploitation d’uranium et son transport sur les Terres Tribales, par la compagnie Uranium Resources Inc. (Voir ci-dessous l’appel de Jonathan Perry du 20 décembre, appelant les Navajo à envoyer des Commentaires au Conseil).

Autrefois, de nombreuses mines d’uranium ont été exploitées en territoire Navajo et autour. Les mesures de sécurité n’étaient pas vraiment appliquées, de nombreux mineurs Navajo sont morts de cancers (mais aussi des membres de leurs familles, des épouses qui lavaient des vêtements de travail contaminés, par exemple). Il y a actuellement 2000 mines d’uranium abandonnées (mais pas décontaminées) dans et autour de la Réserve Navajo. (Voir vidéo de Klee Benally).

Le projet actuellement discuté devrait se situer à Church Rock, au sud-est de la Réserve Navajo, qui fut le site de la plus grande catastrophe nucléaire de l’histoire des Etats-Unis : en 1979, une digue retenant un bassin de récupération des déchets d’uranium s’est rompue, le contenu radioactif du bassin s’est déversé dans le Rio Puerco, avec des effets dévastateurs sur la vie sauvage, le paysage et les gens. A l’époque, le Congrès Américain a déclaré la zone « Région de Sacrifice National ».

Le 23 décembre, une réunion Spéciale du Conseil a eu lieu au Chapitre de Chilchinbito, sous la présidence de Katherine Benally, déléguée du Chapitre de Chilchinbito.

D’après un article de Jennafer Waggoner-Yellow Horse (une non-Navajo qui réside dans la Réserve), publié sur Facebook le 24 décembre, le Délégué Leonard Tsosie s’est montré menaçant vis-à-vis des opposants. Pour justifier sa position, il est remonté jusqu’à 1492, indiquant que c’était la colonisation et la conquête des terres Autochtones qui obligeaient le Conseil Tribal actuel à passer des accords regrettables avec les grandes compagnies.

Le Département de la Justice de la Nation Navajo (NNDOJ) a exprimé son opposition à la résolution, citant divers problèmes et complications légaux opposés à l’adoption de la nouvelle législation. Ce à quoi M. Tsosie semble avoir répondu que le NNDOJ n’était pas habilité à s’opposer à la volonté du Conseil Tribal Navajo et que le BIA [Bureau des Affaires Indiennes, représentant le Gouvernement des Etats-Unis… Lors de sa création, il dépendait du Ministère de la Guerre !] avait déjà approuvé le transport d’uranium et dérivés par la firme URI [Uranium Resources Inc.] dans des camions entrant et sortant de la zone gérée par la Tribu. « Pas un mot n’a été dit par les membres du Conseil présents sur le taux élevé de décès causés par les véhicules heurtant des piétons, qui, ne disposant pas de transports en commun, doivent faire du stop pour se rendre à leurs rendez-vous… » écrit Jennafer Waggoner-Yellow Horse, qui ajoute que « les particuliers roulant trop vite sont la cible des agents de la circulation alors que les camions dévastent ces zones pour livrer à temps ». « Un problème souvent soulevé par les personnes âgées qui disent que ces camions manquent de les renverser quand ils tournent en direction de leurs domiciles, alors que les amendes pour excès de vitesse sont abondamment distribuées aux touristes et aux habitants ».

Alors qu’un membre du NNDOJ [« Ministère de la Justice » Navajo] expliquait les problèmes juridiques liés au transport de matériaux nucléaires, des membres du Service de Police Navajo sont entrés dans la salle de la réunion, des officiers ont expliqué qu’on leur avait dit qu’il y avait une manifestation dans les lieus. « Quand on leur dit que la réunion portait sur l’uranium, ils furent surpris, vu que le public était parfaitement calme et respectueux… ».

Après avoir justifié pendant des heures sa résolution en affirmant qu’un contrat avec URI donnerai plus de possibilités de contrôle sur les mesures de sécurité, M. Tsosie a violemment critiqué le site de l’activiste Jonathan Perry [Voir son appel ci-dessous].

D’après l’article de Jennafer Waggoner-Yellow Horse, il semble que des personnes aient été empêchées de s’exprimer et que celles qui ont pu le faire « disaient ce que le Comité souhaitait entendre ». Quelques personnes ont cependant pu défendre le point de vue de ceux qui s’opposent à l’uranium et affirmer que c’était la véritable volonté de la population (ce que nous voulons bien croire, vu leur histoire !).

Cependant, le Comité des Ressources et du Développement a voté en faveur de la proposition (3 pour, 2 abstentions), « Bien que le Département de la Justice de la Nation Navajo dise que cela enfreint la Loi Tribale ».

« Ce problème sera indubitablement le prochain camp retranché appelant à une opposition dans le style de Ward Valley, contre le transport, le stockage et le traitement de matériaux nucléaires au-dessus d’une vieille nappe aquifère du désert, sur des Terres Autochtones », conclut Jennafer Waggoner-Yellow Horse.

 

See article by Jennafer Waggoner-Yellow Horse on Facebook

 

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APPEL A L’ACTION: S’OPPOSER AU PROJET DE LOI DE LA NATION NAVAJO POUR AUTORISER L’EXTRACTION D’URANIUM

Par Jonathan Perry

20 décembre 2013

Publié par Indigenous Action Media
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Le Délégué au Conseil de la Nation Navajo Leonard Tsosie, du Comité pour les Ressources et le Développement (RDC) soutient la Résolution 0373-13 qui autorise la firme URI à entamer sur des Terres Tribales, un projet d’EXTRACTION D’URANIUM à Church Rock, « Section 8 ». Uranium Resources Inc. ou « URI » est une compagnie du Texas, autrefois connue sous le nom d’Hydro Resources Inc. pour avoir contaminé les eaux souterraines sur les sites des ses autres projets et contaminera très certainement les eaux souterraines de l’Est de [la Réserve] Navajo si ce projet se réalise. De nombreuses communautés des environs de Church Rock seront en danger si les opérations commencent et nous devons donc répandre l’information.

Le RDC accepte les Commentaires Publiques et un meeting spécial doit avoir lieu lundi 23 décembre 2013 au Chapitre de Chilchinbeto, à Chilchinbeto, Arizona (au sud de Kayenta).

Cette action initiée par quelques officiels élus est INACCEPTABLE !! Cela mettra sans aucun doute en danger notre communauté, nos enfants et la région que nous appelons « chez nous ». L’uranium est un poison et l’extraire constitue un usage inapproprié de notre eau et de nos ressources naturelles ! l’uranium devrait être laissé dans le sol ! Nous ne pouvons pas le réguler et penser que nous avons le pouvoir sur la nature est présomptueux et dangereux. Je vous demande d’envoyer des Commentaires et de rejoindre beaucoup d’autres Diné [Navajo] pour dire NON ET BLOQUER UNE NOUVELLE CONTAMINATION A L’URANIUM au meeting Spécial du RDC lundi matin au Chapitre de Chilchinbeto.

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Je vous demande de transmettre ceci à tous vos contacts afin qu’ils puissent aussi transmettre l’information et BLOQUER la résolution du Délégué Tsosie. Je vous en prie, soyez avec nous pour défendre nos foyers et notre santé. La vie humaine n’a pas de prix et nous devons parler au nom de la prochaine génération qui n’a pas encore la parole. Les jeunes enfants et les générations à venir devront vivre avec nos choix d’aujourd’hui.

Merci

Jonathan Perry

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Voir de nombreux articles traduits en français sur le problème de l’uranium dans le sud-ouest des Etats-Unis