Par la journaliste indépendante Marley Shebala
Publié sur le site Marley Shebala’s Notebook
Le 29 octobre 2014
Traduction Christine Prat
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Mardi 22 octobre 2014, le Bureau des Affaires Indiennes des Etats-Unis a lancé une campagne qui devrait être la solution finale à l’interminable dispute Navajo-Hopi pour des terres. Le BIA et la police Hopi ont érigé des barricades sur les routes conduisant aux « Terres Hopi Divisées » [Hopi Partition Land – HPL], et ni les personnes de l’extérieur, ni les résidents ne peuvent y entrer ou en sortir.

Ceci, d’après un Communiqué de Presse du 28 octobre publié par deux organisations Navajo, Forgotten People [les gens oubliés] et Doodah Desert Rock [Non à Desert Rock, un projet de centrale abandonné].

Le 28 octobre également, le Délégué du Conseil Navajo, Dwight Witherspoon, a appelé le gouvernement de la Nation Navajo à fournir de l’assistance aux familles Navajo subissant l’attaque.

Dans une lettre du 28 octobre au Directeur exécutif de la Sécurité Publique de la Nation Navajo, Herbert Tsosie, Witherspoon a déclaré : « La situation est très tendue. Un neveu de Sarah Blackrock s’est armé et a emmené les moutons dans le canyon, déclarant qu’il se battrait contre les Hopi si c’était nécessaire. La famille Blackrock doit y retourner pour le convaincre de se désarmer. »

« Deux jeunes de la famille Bahe Begay ont été arrêtés ce matin alors que des Hopi confisquaient le bétail de la famille Bahe Begay qui réside dans les « Terres Hopi Divisées », ajouta le délégué du Conseil. « Les Hopi y vont tôt le matin en grande force et sortent les moutons des corrals. Ils ont un hélicoptère pour surveiller des airs. »

« Les familles Navajo des HPL ont vraiment besoin d’aide » souligne Witherspoon dans sa lettre à Tsosie. « Je souhaiterais que vous fournissiez du personnel ou que vous fassiez appel à des agents fédéraux pour contrôler la sécurité publique. »

Witherspoon ajouta que Tsosie devait envoyer une équipe à la réunion de la Commission des Terres Navajo Hopi du 30 octobre à 10h30, dans la salle du Budget et du Comité des Finances, où il a demandé au Procureur Général de la Nation Navajo Harrison Tsosie de présenter une mise à jour, ainsi que les options légales pour assister les familles Navajo vivant sur les HPL dont le bétail est confisqué, et de recenser des terres où les familles Navajo peuvent conduire leur bétail jusqu’à ce que l’affaire soit résolue avec les Hopi.

L’association Black Mesa Indigenous Support Group a annoncé que des familles Diné de Big Mountain et Black Mesa se réuniraient sur le parking de la Wells Fargo à Window Rock, Arizona, pour marcher jusqu’aux chambres du Conseil à 8h30 [voir article sur la manif]. La salle de conférence du Comité du Budget et des Finances est au nord des chambres du Conseil.
« Je suis partisan de ce que le Département de la Justice (Navajo) dépose une requête auprès de la Cour Fédérale de District demandant aux Hopi de respecter l’Accord d’Accommodation visant à augmenter le nombre de moutons jusqu’à 2800 et à permettre le pâturage dans des unités supplémentaires » note Witherspoon. « Nous demanderons aussi une injonction. »

Dans une autre lettre, au Directeur du Bureau de Développement des Terres Navajo Hopi, Raymond Maxx, Witherspoon le presse d’assister à la réunion du NHLC du 30 octobre ainsi qu’à une réunion, le 2 novembre, au Chapitre de la Nation Navajo de Hard Rock. Le Chapitre de Hard Rock est adjacent aux HPL [Terres Hopi Divisées].

D’après une lettre du 24 octobre, adressée au Président Tribal Hopi Herman Honanie par Maxx, la Commission des Terres Navajo Hopi a été notifiée des confiscations par la Tribu Hopi de bétail appartenant à des familles Navajo vivant sur les HPL durant la semaine du 13 octobre, par « des résidents, des journalistes, des activistes, le Ministère de la Justice US et les réseaux sociaux. »

Maxx expliquait à Honanie que le bureau de la NHLC était conscient du comptage par la Tribu Hopi du nombre de bétail appartenant à des familles Navajo sur les HPL et de ce que la Tribu Hopi avait notifié aux propriétaires de bétail « que le bétail en excès de ce qui était permis pourrait être confisqué. »

Il a signifié à Honanie que « pour éviter de créer une situation qui nuirait aux deux Tribus et aux résidents des HPL, la NHLCO demande que la Tribu Hopi cesse les confiscations en cours et s’abstienne d’en entreprendre d’autres et laisse à la NHLCO l’occasion de conférer avec les résidents pour leur demander de retirer leur bétail en excès de ce qui est permis sur les HPL. Une période de grâce de dix jours est recommandée entre la demande et l’approbation.

« Nous pensons que cette procédure diminuera les situations traumatisantes qui pourraient être associées à la confiscation de bétail imposé aux propriétaires résidents » ajouta Maxx. « Nous avons fait cette demande dans un esprit de coopération. »

Dans deux lettres du 28 octobre, l’une au Directeur du Bureau des Droits de l’Homme Navajo, Leonard Gorman et l’autre au Directeur du Service des Terres Navajo, Mike Halona, il a demandé aux deux administrateurs d’assister à la réunion du 30 octobre.

Witherspoon a demandé à Gorman de fournir un rapport à jour sur l’assistance que la Commission des Droits de l’Homme Navajo pouvait apporter aux familles Navajo sur les HPL.

Les associations ‘Forgotten People’ et ‘Doodah Desert Rock’ ont raconté : « Derrières ces barrières des forces combinées vont de maison en maison, emmenant le bétail dont les familles dépendent pour leur survie. Tout le bétail de Caroline Tohannie, 84 ans, a été confisqué le 22 octobre et deux voisins, Zena et Jerry Lane, qui essayaient de la consoler, ont été frappés et Jerry a été arrêté.

« Le 28 octobre, la confiscation des moutons de Bahe Begay a amené la police à encercler leurs enfants Milayia Yoe et Lance Sells en pointant des fusils, puis ils les ont arrêtés. De nombreuses familles sont attaquées de façon similaire chaque jours » disent les deux associations.

Elles ont aussi déclaré que « ces confiscations de bétail ne reposent pas sur un désir d’améliorer l’écosystème de la zone – leur but est de rendre impossible pour les Diné de rester dans les HPL. »

« Les officiels Hopi et ceux du BIA ont aussi informé les Diné que les confiscations serait suivies de procédures d’éviction contre les familles ne possédant pas de bail valable avec la Tribu Hopi et qu’ils n’avaient pas l’intention de renouveler de permis pour le bétail d’aucun Diné », ont aussi déclaré les associations ‘Forgotten People’ et ‘Doodah Desert Rock’.

« Ils ont l’intention de régler définitivement la dispute territoriale Navajo-Hopi », disent les deux associations.

 

Historique de la Dispute Territoriale Navajo-Hopi, par ‘Forgotten People’ et ‘Doodah Desert Rock :

La ‘Dispute Territoriale Navajo-Hopi’ a débuté quand des avocats des deux tribus ont déposé la plainte intitulée Healing contre Jones, dans les années 1950, afin d’établir un titre de propriété nécessaire pour accorder des permis de prospection et exploitation de charbon sur des terres situées dans la Réserve Hopi occupées par des familles Navajo.

La décision de 1962 stipulait que les royalties sur le charbon devaient être partagées également (50-50) et que les gens des deux tribus pouvaient résider dans une « Zone d’utilisation Conjointe » [Joint Use Area].

En 1972, les Hopi ne se sont plus satisfaits de l’arrangement sur l’utilisation conjointe, étant donné que les terres étaient essentiellement occupées par des Navajo, et ils ont donc initié l’adoption de la Loi fédérale 93-531 qui devait remplacer l’arrangement sur l’utilisation conjointe par des titres séparés octroyant à chaque tribu 50% des terres.

La zone d’utilisation conjointe étant presque exclusivement occupée par des Diné, la loi imposait la déportation forcée de nombreux Navajo. Le programme a coûté 500 millions de dollars au gouvernement fédéral, mais beaucoup de résistants Diné ont défié le gouvernement fédéral et sont restés sur leurs terres traditionnelles.

In 1996, la loi PL 104-301 tenta de résoudre le problème en offrant des baux à vie et des permis de pâturage limités aux chefs de famille, mais beaucoup de Diné ont refusé d’admettre la perte de leurs droits sur la terre et n’ont pas signé.

La loi autorisait le gouvernement à avoir recours à la force contre ces résistants, mais l’indignation massive de plus de 250 organisations, religieuses et ONG, en 1998 et une enquête par un Rapporteur du Commissaire aux Droits de l’Homme des Nations Unies ont forcé les Etats-Unis à en suspendre l’application.

La trêve a duré plus de 15 ans, jusqu’à ce que le BIA, pour des raisons non rendues publiques, décide qu’il était temps d’appliquer la solution finale.

28 octobre 2014
Contacts :
Mary Lane, Présidente, FORGOTTEN PEOPLE (00 1) 928 864 6413
Elouise Brown, Présidente, DOODA (NO) DESERT ROCK thebrownmachine@hotmail.com

POUR PLUS D’INFOS :
Black Mesa Indigenous Support
http://supportblackmesa.org/
https://www/facebook.com/BlackMesaIndigenousSupport

 

Voir articles précédents:
28 octobre 2014, par Sheep Dog Nation Rocks
28 octobre 2014, par NaBahe Katenay

23 octobre 2014, par Indigenous Action Media

Et un article de 1986, quand les expulsions avaient lieu:
Amsterdam 1986, CHARBON, URANIUM ET LE MEURTRE DES INDIENS

 

BIG MOUNTAIN: LA CONFISCATION PAR LA FORCE DES TROUPEAUX DES RESISTANTS CONTINUE

Du site sheepdognationrocks
28 octobre 2014
Traduction Christine Prat
See original article in English

Ce matin, 28 octobre, 6h20 – La résidence de Begay à Red Willow Springs a été encerclée par la police Hopi et la police du Bureau des Affaires Indiennes, revolvers à la main. Les entrées des principales pistes étaient gardées par des policiers lourdement armés. Deux adolescents, neveu et nièce d’Etta Begay, sont sortis près de l’enclos des moutons pour prendre des photos, mais les flics ont pointé leurs armes sur leurs têtes, ils ont été menottés puis relâchés après la confiscation des moutons et des chèvres. Etta et ses frères ont été forcés de rentrer dans leur maison qui a été encerclée par la police. Près de 100 moutons et chèvres ont été saisis, mais il semble que la police n’avait pas assez de place pour les 40 moutons qui ont été laissés sur place. La situation entre les soutiens non-Autochtones (les seuls qui reconnaissent cette résistance au génocide privatisé) et les Anciens Diné [Navajo], et l’invasion ordonnée par le Bureau des Affaires Indiennes, est de plus en plus tendue et pourrait devenir explosive.

Quelques non-Autochtones et des jeunes Autochtones surveillent le potentiel pour une nouvelle ‘attaque’. Une surveillance intensive soutenue par le Ministère de la Justice et le Bureau des Affaires Indiennes, y compris des vols de drones nuit et jour et l’éventualité de patrouilles de commandos à pied, joue un rôle de premier plan dans les opérations récentes. Big Mountain est en grande partie une zone sauvage, seulement occupée par quelques Anciens qui tiennent bon, et la région est très isolée, ce qui permet à la terreur américaine privatisée de faire ce qu’elle veut sans se faire remarquer.

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Depuis quelques années, les résistants Diné à la politique de déplacement des populations* ont décidé de ne pas réduire leurs troupeaux de moutons. L’Administration Hopi du Bureau des Affaires Indiennes a utilisé des méthodes style gestapo pour imposer la réduction du bétail pendant les 25 dernières années. Cette année, les Anciennes Matriarches ont cessé d’obéir aux ordres annuels de réduire leurs troupeaux en vendant les moutons plutôt que de les voir confisquer. Ces Matriarches et leur petite famille ont aussi demandé l’aide de bergers volontaires, et ce sont principalement des bergers non-Indiens qui se sont présentés. Ce type de soutien et de relation d’apprentissage s’est développé en une stratégie de résistance et de solidarité entre les premières nations et l’activisme non-Autochtone. Le succès de cette stratégie, bien qu’ayant lieu dans une région isolée dont on n’entend pratiquement pas parler, rejoint l’ancien appelle des Matriarches à résister à la loi de déplacement des populations, une loi de 1974* passée à l’instigation des grandes compagnies d’énergie. Donc, ces dernières années, des bergers non-Autochtones et des résistants Diné ont utilisé l’appel des Anciennes résistantes traditionnelles* :

« Occupez les terres ancestrales en faisant paître des moutons, et finalement l’extraction massive de charbon et le changement climatique réversible pourront être stoppés. »

Un habitant Diné, résistant aux opérations du Bureau des Affaires Indiennes Hopi : « Je vais rester avec ma sœur âgée, elle a été la seule bergère jusqu’à maintenant. Elle ne sait pas utiliser son téléphone portable ou lire les messages. Donc je veux être là à cause des menaces de la police, qui prend les moutons de tout le monde. Je serai le contact et me chargerai de lancer des appels si nous sommes envahis par la police et les rangers… »

Un vieux couple de Cactus Valley, tous deux âgés de près de 90 ans : « Nous ne sommes par forts. Nous sommes affaiblis et avons des difficultés pour marcher. Notre [nom effacé] veut bien garder les moutons et se cacher tous les jours avec le troupeau dans les canyons sauvages. ‘Je verrai bien ce qu’ils me feront quand ils nous attraperont, moi et les moutons’ dit [nom effacé]. Les autres membres de la famille disent à [nom effacé] de ‘ne pas s’inquiéter, laisser faire, les laisser confisquer.’ Moi et mon [nom effacé] sommes les seuls à opter pour l’idée de cacher le troupeau le plus longtemps possible. »
« C’est incroyable qu’une loi faite par des humains puissent vous qualifier de ‘contrevenant’. Çà ne les concerne pas, ceux qui imposent de telles lois et ceux qui jugeront d’après de telles lois. Çà ne les concerne pas que nous, Diné, ici, soyons nés ici, que nos ancêtres soient nés ici, que nos ancêtres aient combattu les Espagnols et les Américains pour survivre sur ces terres. Çà ne les concerne pas que nous disions que nous avons été créés sur ces terres par les lois divines de la Création. Mon mari et moi avons atteint un grand âge, nous ne pouvons plus nous tenir droits, et ils vont nous considérer comme ‘contrevenants’, prendre tous nos moutons et nous faire passer en jugement ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Nos Diné sont devenus individualistes et si le système de parenté était encore vivant, nous nous serions retrouvés et réunis pour tenir un conseil. »

Ci-contre photo publiée sur Facebook à la demande du couple, afin que le monde prenne conscience de leurs souffrances. La photo était accompagnée du texte suivant:

Des Anciens vivent dans la peur et la souffrance:
Clarence et Mary Lou Blackrock, de Cactus Valley passent toute la nuit près du feu, incapables de dormir de peur que leurs moutons soient saisis. Ce stress met en danger la santé des Ancien
s. Cette famille a voulu que ces photos soient partagées afin que le monde voit leurs souffrances causées par le gouvernement fédéral et le ministère de l’Intérieur. C’est du Terrorisme Domestique.

 

 

Voir, sur les saisies de moutons, les articles du 23 octobre  et du 27 octobre  (avec adresses email des responsables à qui adresser des protestations)

* Sur l’histoire du conflit de Big Mountain, voir la traduction d’un article de 1986  et de nombreux articles sur les évènements récents