Le ‘Jour du Canada’ a eu lieu le 1er juillet 2020. La veille, Kanahus Manuel, activiste Secwepemc, de la soi-disant « Colombie-Britannique », est intervenue en direct sur Facebook pour expliquer pourquoi les Autochtones ne célèbrent pas le ‘Jour du Canada’. Résumé en français de son intervention ci-dessous.

Christine Prat

Kanahus Manuel
30 juin 2020

Salut à tous ! Je suis chez moi, à Blue River, Tiny House Warriors, et je prends juste un peu de temps pour vous faire savoir pourquoi les Autochtones, pourquoi les Guerriers, pourquoi les défenseurs des terres, pourquoi nous ne célébrons pas le ‘Jour du Canada’.

On m’a demandé de parler de cette question, pourquoi ne célébrons-nous pas le ‘Jour du Canada’.

Le Canada n’a jamais été autre chose qu’un pays illégal, envahisseur, malsain, voleur et violeur.

Nous avons une longue histoire avec le Canada, et le Canada a violé absolument tous les droits que nous avons sur notre territoire. Ils n’ont pas seulement piétiné nos droits, ils ont commis un génocide envers nous. Et c’est inscrit dans leurs politiques et leurs lois sur les terres. En ce qui concerne notre propre territoire, quand mon grand-père était là, nous parlions de la Colombie-Britannique. Lorsqu’ils ont établi la Loi Indienne, ils ont aussi établi la Loi sur la Colombie-Britannique, comme moyen pour eux de voler notre territoire par un trait de plume. Ce fut un moyen de faire du gouvernement de la Colombie-Britannique, gouvernement provincial de bas niveau, l’instance possédant la juridiction et l’autorité sur nos terres. C’est pourquoi il y a ces ministères responsables d’autoriser tout ce qui concerne le projet d’oléoduc Trans Mountain.

Mais le Canada a commis la colonisation et le génocide de notre peuple, et la colonisation c’est la dépossession et notre déplacement forcé de nos territoires. Et c’est le cœur du problème, c’est le fait le plus important pour les Autochtones au Canada. Parce que tous les symptômes de la colonisation ne sont que des symptômes, des symptômes d’un problème bien plus grand, et le grand problème est que nous n’avons pas de territoire. Si vous additionnez toutes nos terres au Canada, ça équivaut à 0,2%. Ce n’est même pas 1% du pays, comme base territoriale pour construire nos Nations, pour vivre et survivre, pour prospérer comme il y a 1000 ans. Pour nous, il y a 153 ans, avant que le Canada ne soit institué et occupe notre territoire.

Il y a toujours une occupation étrangère, une invasion en cours, ici, au Canada. Ce n’est pas quelque chose qui aurait cessé parce que mon peuple est ici depuis un siècle, non, il y a une invasion continue et une occupation totale en cours ici, sur le sol Autochtone, ici au Canada.

Parmi les symptômes auxquels nous sommes confrontés à cause de la dépossession de nos terres, il y a l’appauvrissement… L’appauvrissement est l’une des principales armes contre les droits humains que l’Etat Nation colonial du Canada utilise contre nous, Peuples Autochtones, parce que sans terres, nous possédons fort peu de choses de valeur. Seulement nos effets personnels, qui ont été transportés avec nous dans les Réserves. Avec les Réserves Indiennes qui représentent 0,2% du territoire pour les Autochtones depuis tout ce temps, le gouvernement du Canada, les colons, la Famille Royale ont pu devenir très riches avec le reste de notre pays.

Ici, on peut voir que c’est plein de montagnes. Ils nous ont ravi nos montagnes pour toutes sortes de choses. […] [Avant], ils n’avaient jamais été capables de pénétrer nos montagnes, à cause de leur mode de vie, faible et inférieur, ils n’étaient pas capables de pénétrer nos montagnes. [Maintenant, ils passent] à travers nos montagnes, juste ici, par le col de Yellow Head. Juste derrière il y a l’autoroute n° 5, appelée l’Autoroute Yellow Head, qui conduit vers le nord à l’autoroute n° 16. C’est un couloir de transport important. Ils y transportent de la machinerie lourde et des tuyaux, et tout le nécessaire, jusqu’aux sables bitumineux d’Alberta. Ça passe juste ici. Mais autrefois, l’Autoroute Yellow Head [et les autres], étaient impénétrables. Les Autochtones continuaient à les utiliser comme pistes, mais c’est la compagnie qui travaillait pour la Compagnie Hudson Bay qui a fini par transporter des marchandises par le Col de Yellow Head. Ils disaient que ça raccourcissait le temps de transport des marchandises de 6 mois. A l’époque, c’était des fourrures, de nos montagnes jusqu’à Londres. Passer par nos montagnes raccourcissait le transport de 6 mois, pour eux.

Le but a toujours été de transporter leurs marchandises jusqu’à la côte. Aujourd’hui, ça n’a pas changé. Aujourd’hui, c’est le bitume qu’ils extraient des sables bitumineux d’Alberta, du cœur de Notre Mère. Ce sont ces bitumes de sang qu’ils veulent transporter par l’oléoduc Trans Mountain, c’est un conduit pour le transport. Ce transport dessert des chaines internationales, mais il a été établi par la Compagnie de la Baie d’Hudson, la Compagnie des Indes Orientales, et toutes les compagnies transnationales qui sont venues piller les ressources de nos terres. Ce n’était pas seulement au Canada, mais dans le monde entier que ça a frappé les Peuples Autochtones.

Ici, au Canada, mon grand-père a fait face à Pierre Elliot Trudeau, même chose pour mon père et mon oncle Bobby. Nous combattons toujours la famille Trudeau, ce n’est pas nouveau, alors, quand Baby Trudeau est arrivé, et a été élu au soi-disant pouvoir, ici, au Canada, nous lui étions déjà opposés. Parce qu’il était mauvais et avait été formé pour être un raciste, comme son père Pierre Elliot Trudeau. Ils essaient toujours de faire passer le Livre Blanc que Pierre Elliot Trudeau essayait déjà de faire passer, le Livre devant conduire à notre extinction. Et aujourd’hui, il y a des centaines de discussions pour la « terminaison* », entre les Chefs et Conseils de la Loi Indienne, inventée au niveau fédéral, des systèmes inventés par le Gouvernement fédéral qui continue à les payer. Ces systèmes de Chefs et Conseils sont la colonisation. Ainsi, le Gouvernement discute – des fonctionnaires du Gouvernement discutent avec leurs propres fonctionnaires que sont les Chefs et les Conseils – pour mettre fin à nos droits sur notre territoire. Ces tables de discussions de « terminaison » sont graves, parce qu’elles dupent les Indiens. Presque chaque bande au Canada, enfin, je dirais les deux tiers des bandes, des bandes Indiennes fédérales, au Canada, sont en train de discuter. Je sais qu’il y a des centaines de bandes Indiennes Canadiennes en discussion de « terminaison » avec le Gouvernement fédéral.

Nous ne célébrons par le ‘Jour du Canada’, parce que le Canada est toujours en train de commettre un génocide contre nous. Ils utilisent des termes comme « autogouvernance » et « autodétermination », et ils les donnent aux bandes Indiennes fédérales – qui ne sont pas les possesseurs légitimes du titre, qui ne nous représentent pas en tant qu’Autochtones – et leur donnent l’argent pour développer [ce qui devrait être] notre gouvernance traditionnelle.

Tous les Autochtones de ce pays doivent faire très, très attention, et doivent rester vraiment intransigeants sur notre position de ne jamais abandonner. Nous n’abandonnerons jamais notre territoire au Gouvernement fédéral. Nous ne serons pas dupés par les accords d’autogouvernance que le Canada va essayer d’imposer. Vous pouvez peut-être trouver l’information en ligne, il y a des centaines de bandes impliquées dans des discussion de « terminaison ».

Quelqu’un m’a dit « êtes-vous autorisée à porter un masque ? » Oui, je suis autorisée à porter un masque. Je pourrais porter un masque quand je veux. Mais je suis passée au tribunal et le juge a fini par ne pas m’autoriser à porter un masque. Alors, nous sommes retournés au tribunal et avons pu obtenir un amendement, donc oui, je porte un masque chaque fois que je passe le point de contrôle, je suis masquée pour aller partout. Et j’aime porter un masque, j’encourage tout le monde à le faire, il y a beaucoup de raisons de porter un masque, l’une étant qu’ils ne peuvent pas nous identifier.

Ils veulent toujours criminaliser les défenseurs des terres Autochtones, ils essaient encore et encore, et espèrent nous emprisonner pour longtemps. Ils adoreraient me mettre en prison à cause de cet oléoduc Trans Mountain. Mais je fais très attention de ne pas me retrouver en prison. Je suis en liberté conditionnelle en ce moment, nous passons en jugement en novembre, nous passerons plusieurs fois au tribunal en ce mois de juillet. Nous avons quatre défenseurs et guerriers de Tiny House sur qui pèsent des accusations et nous passerons en jugement au cours de l’année 2020, nous avons trois jugements, et quatre d’entre nous sont accusés. […]

Toutes les consultations sur l’oléoduc Trans Mountain ont échoué. Il y en a eu une première, qui a échoué, puis trois à la suite desquelles des défenseurs du territoire se sont retrouvés en prison pour avoir dit « non ». Nous avons le droit de dire « non », mais quand nous disons « non », nous nous retrouvons en prison.

Il y a tant de choses que je voudrais dire, il y a tellement de gens touchés par la politique du Canada qui ne célébrerons jamais le ‘Jour du Canada’.

Nous avons tellement d’enfants arrachés aux bras de leurs mères. Des familles ont mis des vidéos en ligne, qui montrent des agents de la Police Montée en uniforme entrant dans des hôpitaux, allant vers une femme avec un nouveau-né et prenant le bébé des bras de sa mère, alors que les grands-parents, les tantes, la famille élargie, sont là, acceptant de prendre soin du bébé. Mais la Police Montée vient faire ça. C’est ce qui arrive dans les communautés Indiennes. Des jeunes femmes Autochtones ont été assassinées par la police très récemment, elles ont été abattues par la police. Nous ne les oublierons jamais, nous n’oublierons jamais ce qu’ils ont fait à notre peuple à Oka. Nous avons beaucoup de camps d’occupation ouverts, ici en soi-disant Colombie-Britannique. Pas seulement celui de Tiny House Warriors, et ceux des Unist’ot’en et Gidimt’en, il y a d’autres barrages, il y en a un qui dure depuis très longtemps. Nous avons des camps de sans-voix, nous avons beaucoup d’autres camps, des camps de pêche et d’autres. Ils sont permanents, même s’ils sont saisonniers, et ainsi nous affirmons nos droits sur notre terre, et que nous avons accès au territoire.

Il y a des gens qui n’ont même pas accès aux cérémonies, qui ne peuvent pas sortir, aller en montagne ni se sentir en sécurité pour jeûner.

Il va falloir organiser mon peuple. Il va falloir entrainer des hommes et des femmes qui doivent devenir des défenseurs. Pour que nos défenseurs et notre peuple, s’ils défendent l’eau et la terre, puissent aussi être protégés.

Il y a tant de gens, d’Autochtones, qui sont enfermés et la majorité des prisons regorgent d’Autochtones. C’est encore une raison pourquoi nous ne célébrons pas le ‘Jour du Canada’.

Nous avons perdu tant de notre terre et été mis de forces dans des Réserves Indiennes. Nous sommes toujours confrontés aux conséquences des Pensionnats, les ‘Écoles Résidentielles’, un traumatisme intergénérationnel qui continue jusqu’à aujourd’hui. Ce sont les effets des Écoles Résidentielles, je suis une survivante de deuxième génération de l’École Résidentielle, c’est-à-dire que je suis de la première génération qui n’est pas allée dans les Écoles Résidentielles, mon père y est allé, tous mes grands-parents y sont allés. Alors, nous disons en tatouant nos visages que nous détruisons la génération qui est allée dans les Écoles Résidentielles. Parce que nous sommes visibles. J’ai eu l’honneur de tatouer une des jeunes sœurs qui sont ici sur le front, et elle a eu son visage tatoué hier. Nous sommes honorées de ramener ces lignes qu’on avait fait disparaitre, mais qui revivent maintenant dans le pays Indien, afin qu’ils nous voient, qu’ils voient ces lignes, qu’ils nous voient en tant qu’Autochtones. Vous ne pouvez me regarder et penser que je suis d’une race du melting pot en train de s’assimiler au Canada, non ! Je parle haut et je suis fière, je suis ici et je porte du rouge, pas pour le Canada mais pour le sang de Notre Mère la Terre et le sang de nos gens qui se sont tant sacrifiés pour que nous soyons ici.

Alors, je veux seulement dire que j’encourage tout le monde à rester uni quand nous annulons le ‘Jour du Canada’. Ici, au soi-disant Canada, que nous appelons KKKanada, le pays raciste, suprématiste qu’il est.

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* Le terme anglais est “Termination”. Il n’y a pas vraiment d’équivalent français, vu qu’on n’en parle pas. Wikipédia traduit « termination policy » par « politique d’assimilation », mais c’est un euphémisme : si certains individus ayant totalement renoncé à leurs origines peuvent être « assimilés », la politique de « Termination » peut impliquer des moyens plus radicaux pour les récalcitrants ou ceux dont ils n’ont pas besoin.

 

 

 

Texte traduit et publié en français par le CSIA-Nitassinan

“Blue River, territoire ancestral Secwepemcul’ec – avril 2020.

Les défenseurs de la terre autochtones ont été soumis à une violente attaque par des blancs locaux à leur village de guerriers des Tiny House à Blue River, en Colombie-Britannique et exigent une réponse de la police contre les agresseurs.

L’assault a commencé la nuit du dimanche 19 avril, mené par quatre attaquants blancs avec deux véhicules légers de camouflage tout terrain qui ont vandalisé le campement des Tiny Houses et profané l’exposition commémorative en l’honneur des femmes autochtones assassinées et disparues…” [lire la suite sur le site du CSIA]

LES COMPAGNIES PROFITENT DE L’ÉPIDÉMIE POUR CONTRUIRE LEURS OLÉODUCS, ELLES NE RESPECTENT NI LES ORDRES DE CONFINEMENT, NI LES MESURES DE PROTECTION

Par Christine Prat
9 avril 2020

Depuis les derniers évènements relatifs à la lutte d’Autochtones des Premières Nations contre la construction d’oléoducs à travers leurs territoires, la pandémie du COVID 19 a frappé le Canada. Les multinationales en ont profité pour construire plus que jamais. Elles ne respectent ni les ordres de confinement, ni les précautions de base telles que la distance entre les personnes (2m au Canada), ou les interdictions de rassemblement des travailleurs dans des camps. Les Autochtones se sentent menacés et comparent ce qui se passe actuellement à la distribution consciente de couvertures infectées par la variole au 19ème siècle.

Coastal GasLink profite du confinement pour continuer à construire son oléoduc en territoire (non-cédé) Wet’suwet’en. Kinder Morgan, qui construit l’oléoduc dit « TransMountain », est en train de construire un nouveau « camp masculin » près de Clearwater, en Colombie Britannique, en territoire (non-cédé) Secwepemc.

La multinationale bien connue des Français, Vinci, a été choisie par la corporation LNG (Liquified Natural Gas) Canada pour construire d’énormes cuves pour stocker du gaz liquéfié et du pétrole.

Les oléoducs construits en Colombie Britannique ont pour but de transporter les carburants jusqu’à la côte ouest, afin de les exporter vers l’Asie.

La pandémie ayant fait oublier tous les autres problèmes, il est bon de rappeler brièvement la situation qui prévalait lorsque le Canada a été touché par le virus.

(Vous pouvez trouver des articles sur les luttes du début de l’année sur ce site.)

Le 1er mars, des discussions entre les chefs Wet’suwet’en, les autorités de la Province et les autorités fédérales, avaient débouché sur une proposition d’accord. Cela a causé une certaine confusion qui a pu faire croire qu’une solution au conflit était sur le point d’aboutir. Cependant, cette proposition ne concernait que les droits et titres des Wet’suwet’en et ne disait rien de l’oléoduc de Coastal GasLink. De ce fait, les groupes qui organisaient des actions contre le projet ont prévenu que rien n’était changé et que la lutte continuait. Il n’y a donc jamais eu d’accord.

Le 7 mars, les administrateurs de la page Facebook Unist’ot’en Camp publiaient un article disant :

« A la suite de pourparlers limités entre les chefs héréditaires Wet’suwet’en et des représentants de l’Etat Canadien, une certaine confusion a vu le jour. L’Etat et les médias dominants ont ajouté à cette confusion en décrivant ces pourparlers comme point final des actions de protestation qui duraient depuis des semaines, en soutien aux Wet’suwet’en et contre l’oléoduc de Coastal GasLink.

Mais la réalité est qu’il n’y a pas eu d’accord autorisant la construction de l’oléoduc et qu’aucun appel n’a été lancé, demandant aux gens de démonter leurs barricades. En dépit de ce qu’ils veulent que vous croyiez… ce n’est pas fini. »

Cependant, le COVID 19 est arrivé au Canada. Ça a détourné l’attention des médias de ce qui se passait chez les Autochtones, mais, en même temps, gravement augmenté les risques que constituaient pour eux les constructeurs d’oléoducs et leurs travailleurs, venus d’on ne sait où et logés dans ces « camps masculins » où règne la promiscuité. Il y a un ordre de confinement au Canada, et l’exigence d’une distance de 2 mètres entre les individus, cependant les compagnies n’en tiennent aucun compte, et, au contraire, profitent du confinement pour accélérer les constructions. Voir l’excellente vidéo – malheureusement pas encore sous-titrée en français – tournée les 30 mars et 1er avril et publiée sur le site Unist’ot’en Camp.

Dans l’est du Canada, des gens ont remercié les Mohawks qui avaient bloqué les chemins de fer en soutien aux Wet’suwet’en, car ça a probablement ralenti la propagation du virus. Par contre, en Colombie Britannique, les compagnies continuent à essayer de faire de l’argent avec ce qu’il reste de la planète.

Les Wet’suwet’en et les Secwepemc se sentent extrêmement menacés par le virus. Cependant, les employés et agents de sécurité des compagnies continuent à se promener dans leurs territoires sans aucune précaution. Les Autochtones se protègent comme ils peuvent, mais notre amie Secwepemc Kanahus Manuel, qui a été arrêtée pour cause de manifs et est en liberté conditionnelle, n’a pas le droit de se couvrir le visage !

Le 24 mars, Amanda Follett Hosgood écrivait sur le site canadien « The Tyee » : « Les camps de travailleurs de Colombie Britannique restent ouverts malgré les risques de pandémie. Des travailleurs propageant le virus pourraient inonder le système de santé, disent des experts. » Le 31 mars, elle écrivait : « L’oléoduc et la pandémie : ‘le plus grand risque que nous courons à ce moment’. L’Union des Chefs Indiens de Colombie Britannique appelle Coastal GasLink à arrêter le travail pour réduire les risques du COVID-19. […] ‘Nous devons répéter à la CGL qu’elle est par effraction sur notre territoire’ dit Dsta’Hyl, son nom anglais étant Adam Gagnon. ‘Mais ils reviennent tout le temps’. » (Chef Héréditaire Wet’suwet’en).

Le 3 avril, le National Observer écrivait : « BC Hydro a suspendu la navette pour le barrage du Site C, et six personnes sont en auto isolation dans le camp, suite à l’application des mesures devant faire barrière au Coronavirus.

La décision du service provincial arrive au moment où une dirigeante éminente des Premières Nations avait déclaré qu’elle était toujours inquiète à cause des camps de travailleurs des projets miniers, qui, comme le barrage du Site C sur la Peace River, dans le nord-est de la Colombie Britannique, continuent leurs travaux. »

LES COMPAGNIES

Les deux oléoducs en construction, respectivement en territoire Secwepemc et en territoire Wet’suwet’en :

TransMountain : construit par la branche canadienne de Kinder Morgan Energy Partners.

Coastal GasLink : TC Energy Corporation (ex-TransCanada).

Le barrage du site C : Financement publique.

LNG (Liquified Natural Gas) Canada : Groupe étranger, « joint venture » formé par la Royal Dutch Shell, la 4ème compagnie pétrolière dans le monde, 40%, Petronas, qui appartient au gouvernement malaysien, 25%, PetroChina Company, la compagnie nationale chinoise, 15%, et Korean Gas Corp., 5%. Le gouvernement Coréen est le principal importateur de gaz liquéfié dans le monde.

Enfin, Vinci (branche britannique) construit d’énormes cuves pour stocker le gaz liquide.

Christine Prat

Sources:

Page Facebook We Support the Unist’ot’en and the Wet’suwet’en Grassroots Movement
Page Facebook Unist’ot’en Camp
Page Facebook de Kanahus Freedom Manuel
Site Unist’ot’en Camp
Site The Tyee, Canada
Site The Narwhal, Canada
Site National Observer, Canada

 

KANAHUS MANUEL IN PARIS, October 14th 2017 En français
Also published on Censored News

Kanahus Manuel was one of the speakers during the Annual Day of Solidarity organized by CSIA-nitassinan, an organization for Solidarity with Indians of the Americas, on October 14th. I recorded and transcribed her speech, hope I did not make too many mistakes. I also chose the title, from her words, but I am the only responsible person for that choice.

Christine Prat

 

“I am from so-called ‘British Colombia, Canada’. But I want to make it clear that we don’t call it Canada. It’s an illegal, dirty, evil, invading country. We have been fighting Canada for the past 150 years: this year Canada is actually celebrating its 150th birthday. When that invasion first happened, they started making ‘land agreements’, really illegal treaties, from the east coast to the west. But once they reached the Rocky Mountains, west of that, no treaties were made. So, our lands still remain unsurrendered and unceded territories.

Our territory is located in what is now called the south-central interior of B.C. It is approximately 180,000 square kilometers, the size of the UK. What Canada has done in this process of colonization has not been good. The impacts: like my brother said, we had the schools, the Indian residential schools, that did the same things, taking the children away from their homes and forcing them into these Church run schools, to strip the language from our people. In some of these schools, the priests and nuns raped 90% of the children. The sexual trauma on those children – my grandparents and so on – has had intergenerational impact that even affects the generation that have not gone. I am myself, as the first generation in my family, out of the residential schools’ system. I am a mother of 4, and I gave birth to all of my children outside of the system, I refused to go to the doctors or hospitals to give birth, and I refused to register my children with the Canadian government. My oldest son is now 15 years old. And I cross international borders with them, I cross into the U.S., into Mexico, I brought them to Zapatista gatherings. So, anyone who thinks that you need a white man’s I.D. as an Indigenous person to travel… I am just trying to prove to everybody that we do not need the white man’s system to exist.

In the beginning of time, our people say that the Old Ones sent the Coyote, the chief Coyote, down to create our world. He created the world to what we have today, the salmon, the glaciers, the mountains, our lakes, night and day, the seasons, the way we conduct ourselves and our Nation. These are our laws that we follow. They come from the stories of the Coyote. From the ways of decision making to consensus among our Nations. We have markers throughout our traditional territories that show those agreements that we originally had, with our responsibilities. For example, the way that we are continuing to look after our salmon, one of our most important food sources. Our responsibility is to continue to look after the salmon, and in turn, the salmon will give us his life so that we can continue to eat, and we give back to the salmon and the salmon gives to us. Those agreements go for every living thing in our territories. From the very first drop of water as it melts of the glaciers, as it flows and touches everything, the roots, the mushrooms… Everything down into our mountains, all the way down to our rivers, is sacred.

Five of the major rivers, in so-called ‘British Columbia’, are forming our territory. When we go to the glaciers, it’s so loud that you have to scream, because there is so much water. I don’t know if you can see that little picture, but you could see it’s blue, ant it’s all the water, not even all the water, which is marked out on this map of our territory, it’s how much water we have.

Another very harsh reality and impact of colonization, is the Reservation system and the Indian Act system. When the government came to force our people off our national territories, to a little 0.2 % on Indian Reserves. What Canada did was to force all of us Indigenous people to 0.2% of our traditional land base, while Canada became wealthy out of the other 99.8%. It became a super power and a wealthy country, out of blood and bones, sweat and tears of our people. At the same time, they were forming the Indian Reserves, they invented this. They call it the Indian and Northern Affairs of Canada, we call it INAC, which is invented by government to really control the Native people. They receive federal funding, and in the past, it was an Indian agent that came around to every Reserve to make sure that they weren’t starving to death. They had housing that was very inadequate, people were still starving, people did not have housing.

We see that colonization, through the displacement off our lands, created dependency on a colonial government, and when our people stand up against this oppression and fight back, we are criminalized and repressed. From 1927 to 1951, it was illegal for Native people to even talk about the land issue, (if I had been here, they would have arrested me and put me in jail, if I had been even here, like right now, and talking about our land issue), it was illegal to hire lawyers to deal with that unsettled land issue. But our people continue to resist and fight back.

Through poor housing and through our children being taken, apprehended, all the women started to organize. They occupied Indian agents’ offices and forced them out of our communities. And it was since then that Canada made up dirty little tricks on how to continue to colonize our people, by reinventing elected systems that would be imposed on the Indian Reserves, where they would elect a Chief and Council. But this is not our traditional governance structure. Just to make it clear, if you ever travel to Canada and you hear that someone is a chief or a counsel for an Indian band, they are still agents of the state. Unless they are the traditional hereditary chiefs, or matriarch chiefs. It has to be really clarified where the lineage is coming from.

We had different uprisings in our territory, that ended up being the last armed standoff in Canada, in 1995, with the Gustafsen Lake standoff. This was over land, about title to a territory. And it was there that 18 of us, Secwepemc, stood there at a sacred Sundance area, and when asked to leave, just said “No, who owns that land?” And they ended up being surrounded by 550 RCMP officers that deployed. They set up landmines, they deployed armored personal carriers, and, at one point, during the end of the standoff, in one day they shot off in excess of 70,000 rounds on my people. One of our most respected elders ended up doing 6 years in jail for his action there. He is one of our war heroes. He just recently passed away, a year-and-half ago. If he was here, he would be at my side right now.

In 2001, our people stood up against a massive ski resort development. We had around 100 arrests, of Native youth and mainly of elders and women. This was an area that was really important to our people, the high open area where we hunt all of our moose.

Both of these had major repercussions. Every time our people stood up, the police would raid their homes, arrest our people, charge them with bogus charges and hold us without bail.

In 2014, we had one of the world’s largest mine tailings disaster happen in our territory. The tailings impoundment area broke and dumped billions of gallons of toxic mining waste and heavy metals, and processing chemicals, into our lake, which is the deepest fjord lake in the world. We took many actions, we set up a ceremonial fire, right there, at the entrance of the site, a couple of days after the disaster. We maintained presence there, we monitored everything and took interviews, from all the workers that were whistle blowers there, at the company, from all the local hunters and people who came to join together for a ceremony over water and to figure out whatever to do about that massive disaster that just still was flowing, and they had no way of stopping it. We call this area (by a name) that refers to the breaking of a woman’s water when she gives birth. Because it is an area where the salmons return to lay their eggs and the salmon breeding ground.

Currently, we are battling a 518 kilometers pipeline, proposed to go through our territory, called the Trans Mountain Kinder Morgan pipeline. And right now, what we are dealing with is Canada’s trick. They are still trying to trick us, give us little trinkets for lands, and one of the ways is forming that illegal process called the ‘B.C. Treaty Process’, which is a modern-day treaty, no, not a treaty, it’s a modern-day extinguishment process, because it’s not even a treaty with the federal government or the Crown. It’s actually a treaty just with the provincial government, so it’s not a binding international treaty, it’s very illegal, in the sense that they are asking Native people to freely sign this document for extinguishment, to relinquish all our titles to our lands, and they would grant back Natives a piece of land that any Canadian can rent or buy.

What Canada is doing right now… People around the world need to take notice that Trudeau and the Trudeau government, Justin Trudeau, is not a friend to us, Indigenous people. His father has really tarnished their name, and his father Pierre Elliot Trudeau, who groomed his son to be a slimy bastard like himself, Justin Trudeau’s father thus, was one of my grandfather’s enemies, and he was really pushing to exterminate us, Indigenous people. Through that 1969 White Paper policy. So, when Justin Trudeau got in as Prime Minister, we already knew we were up for another battle, another fight, facing up with the Trudeau family. Right now, they are trying to buy out this leadership, these INAC chiefs and councils, by giving them millions of dollars, to form our “traditional” government structure, which is enraging our people at this time. We, as Secwepemc People, we still maintain our traditional government and our decision making, and that we are the rightful title holders in our own territory. And when we say ‘no’ to those destructive projects in our land, we demand respect. You may hear words, as my brother here said [Yanuwana Tapoka], about reconciliation, Canada really loves to use that word, ‘reconciliation’, but one thing we always say is that there will never be reconciliation without our land – 100% of our land – back, and our control.”

 

 

Kanahus Manuel, Secwepemc de Colombie Britannique, faisait partie des intervenants, lors de la 37ème Journée de Solidarité avec les Indiens des Amériques, organisée par le CSIA-nitassinan, le 14 octobre 2017.

Le texte ci-dessous est la traduction de l’essentiel de son intervention. Le titre que j’ai choisi, parmi ses propos, reflète sa volonté de dissiper les préjugés français, selon lesquels le Canada serait un pays beaucoup plus sympathique, pour les Autochtones, que les Etats-Unis. S’il y a une catégorie avec laquelle le Canada est effectivement plus sympathique que n’importe quel autre pays, ce sont les compagnies minières, ce qui est désastreux pour les Autochtones.

Christine Prat

In English

 

“Je suis de soi-disant ‘Colombie Britannique, Canada’. Mais je veux qu’il soit clair que nous ne l’appelons pas ‘le Canada’. C’est un pays illégal, vicieux, malfaisant et un envahisseur. Nous avons combattu le Canada durant les 150 dernières années: cette année, le Canada célèbre son 150ème anniversaire. Lors des débuts de l’invasion, ils ont commencé par produire des ‘accords fonciers’, en réalité des traités illégaux, de la côte-est vers l’ouest. Mais dès qu’ils ont atteint les Montagnes Rocheuses, plus à l’ouest aucun traité n’a été rédigé. Donc, nos terres restent des territoires non-cédés, auxquels nous n’avons jamais renoncé.

Notre territoire est situé dans ce qui s’appelle maintenant le centre-sud intérieur de la Colombie Britannique. Ça fait approximativement 180 000 km², presque la taille du Royaume-Uni. Ce que le Canada a fait, durant le processus de colonisation, n’a rien de bon. Les effets: comme l’a dit mon frère [Y. Tapoka, de Guyane française, qui avait parlé juste avant], nous avions ces écoles, les écoles résidentielles Indiennes, qui faisaient la même chose, c’est-à-dire enlevaient nos enfants à leur famille et les mettaient de force dans ces écoles gérées par l’Eglise, pour extirper la langue de notre peuple. Dans certaines de ces écoles, les prêtres et les religieuses ont violé 90% des enfants. Le traumatisme sexuel de ces enfants – mes grand-parents et d’autres – a eu un impact intergénérationnel qui touche même les générations qui n’y sont pas allées. Je représente la première génération de ma famille qui est restée en dehors du système des écoles résidentielles. Je suis mère de quatre enfants, et j’ai accouché de tous mes enfants hors du système, j’ai refusé d’aller voir les médecins ou d’aller à l’hôpital, et j’ai refusé de déclarer mes enfants à l’administration du gouvernement canadien. Mon fils aîné a maintenant 15 ans. Et j’ai traversé des frontières internationales avec eux, je suis allée aux Etats-Unis, au Mexique, je les ai emmenés à des réunions Zapatistes. Donc, si quiconque croit qu’on a besoin d’une pièce d’identité d’Hommes Blancs pour voyager, en tant qu’Autochtones… J’essaie en fait de prouver à tout le monde que nous n’avons pas besoin du système de l’Homme Blanc pour exister.

Notre peuple dit qu’au Début des Temps, les Anciens ont envoyé le Coyote, le chef Coyote, pour créer notre monde. Il créa le monde tel que nous l’avons aujourd’hui, le saumon, les glaciers, les montagnes, nos lacs, la nuit et le jour, les saisons, la façon dont nous nous comportons, et notre Nation. Ce sont les lois que nous suivons. Elles viennent des histoires du Coyote. Des procédés pour prendre des décisions, au consensus entre nos Nations. Nous avons des signes concrets, dans tous nos territoires traditionnels, qui montrent ces accords que nous avions à l’origine, et nos responsabilités. Par exemple, la façon dont nous continuons à nous occuper de notre saumon, l’une de nos principales sources de nourriture. Notre responsabilité est de continuer à prendre soin du saumon, et, en retour, le saumon nous donne sa vie pour que nous puissions continuer à nous nourrir, et nous rendons au saumon, et le saumon nous donne. Ces accords valent pour tout ce qui vit dans nos territoires. De la toute première goutte d’eau qui fond des glaciers, qui coule en touchant tout, les racines, les champignons…, tout ce qui se trouve dans nos montagnes, tout le long du cours de nos rivières, tout est sacré.

Cinq fleuves principaux, en soi-disant ‘Colombie Britannique’, forment notre territoire. Quand nous allons sur les glaciers, il y a tellement de bruit qu’il faut hurler, parce qu’il y a tellement d’eau. Je ne sais pas si vous pouvez voir cette petite image, mais vous pourriez voir tout le bleu, c’est de l’eau, même pas toute l’eau, qui est indiquée sur cette carte de notre territoire, ça montre quelle quantité d’eau nous avons.

Une autre dure réalité, effet de la colonisation, c’est le système des Réserves, et le système créé par la Loi Indienne. Quand le gouvernement est venu expulser notre peuple de force, de nos territoires, il nous a mis dans des Réserves Indiennes, sur un tout petit 0,2% du territoire. Ce qu’a fait le Canada, c’est de nous mettre de force, tous les Autochtones, sur 0,2% de notre territoire de base traditionnel, tandis que le Canada s’enrichissait à partir des 99,8% restants. C’est devenu une super puissance et un pays riche, par le sang et les os, la sueur et les larmes, de notre peuple. En même temps, ils créaient les Réserves Indiennes, ils les ont inventées. Ils appellent ça les Affaires Indiennes et du Nord du Canada, nous disons INAC, ce qui a été inventé par le gouvernement pour contrôler effectivement le peuple Autochtone. Ils reçoivent des fonds fédéraux, et autrefois, c’était un agent ‘Indien’ qui faisait le tour de toutes les Réserves, pour voir si les gens ne mourraient pas de faim. Le logement était totalement inadéquat, les gens étaient affamés, certains n’avaient pas de logement.

Nous voyons que la colonisation, en nous déportant de nos terres, a créé une dépendance d’un gouvernement colonial, et quand notre peuple s’est révolté contre cette oppression et a combattu en retour, nous avons été criminalisés et réprimés. De 1927 à 1951, c’était illégal, pour les Autochtones, de ne serait-ce que parler de la question territoriale, (si j’avais été ici alors, ils m’auraient arrêtée et mise en prison, si j’avais seulement été ici, comme maintenant, pour parler de la question territoriale), et c’était illégal de payer des avocats pour se charger de cette question territoriale. Mais notre peuple continue à résister et à se battre. A cause des logements déplorables, et à cause des abductions et arrestations d’enfants, toutes les femmes ont commencé à s’organiser. Elles ont occupé des bureaux d’agents Indiens et les ont forcés à quitter nos communautés. Et c’est depuis lors que le Canada a inventé des sales petits trucs pour continuer à coloniser notre peuple, en inventant des systèmes d’élus, qui seraient imposés aux Réserves Indiennes, où ils seraient élus comme Chef et comme Conseil. Mais ce n’est pas du tout notre structure de gouvernance traditionnelle. Je veux le dire clairement, si vous allez au Canada et entendez dire que quelqu’un est chef ou conseiller pour une bande d’Indiens, en fait ce sont des agents de l’Etat. A moins qu’il ne s’agisse de chefs traditionnels, ou de cheffes matriarcales. Il faut vraiment vérifier d’où vient le lignage.

Nous avons eu plusieurs insurrections dans notre territoire, et, finalement, la dernière confrontation armée au Canada, en 1995, la confrontation du Lac Gustafsen. C’était à propos de terres, de titre foncier sur un territoire. Et 18 d’entre nous, Secwepemc, étaient là sur un site de Danse du Soleil, et quand on leur a demandé de partir, ils ont simplement dit “Non, qui est propriétaire de ce terrain?” Et ils ont fini par être encerclés par 550 agents de la Police Montée qui s’étaient déployés. Ils ont placé des mines, ont déployé des blindés, et, à un moment, à la fin de la confrontation, ils ont tiré en un jour plus de 70 000 cartouches sur mon peuple. Un de nos Anciens les plus respectés, a fini par faire 6 ans de prison pour son action là-bas. Il est un de nos héros de guerre. Il est décédé récemment, il y a un an et demi. S’il était encore là, il serait à mes côtés, maintenant.

En 2001, notre peuple s’est révolté contre un énorme projet de station de ski. Nous avons subi environ 100 arrestations, de jeunes Autochtones, mais surtout de personnes âgées et de femmes. Il s’agissait d’une zone très importante pour nous, une zone ouverte en altitude, où nous chassions la plupart de nos orignaux.

Ces deux soulèvements ont eu des répercussions importantes. Chaque fois que les gens se révoltaient, la police faisait une descente dans leurs maisons, arrêtait les gens, les accusait de délits bidon, et nous détenait sans caution.

En 2014, nous avons eu une des plus grandes catastrophes de déchets de mines du monde, dans notre territoire. La zone de retenue des déchets s’est rompue et des milliards de litres de déchets toxiques et de métaux lourds, et de produits chimiques utilisés dans le traitement du minerai, se sont déversés dans notre lac, qui est le plus profond lac fjord du monde. Nous avons entrepris de nombreuses actions, nous avons allumé un feu cérémoniel, juste à l’entrée de la zone, quelques jours après la catastrophe. Nous avons maintenu une présence, nous avons tout contrôlé, avons recueilli des interviews, de tous les ouvriers qui s’étaient manifestés comme lanceurs d’alerte, à la compagnie, de tous les chasseurs locaux, et des gens qui étaient venus se joindre à une cérémonie pour l’eau, et pour essayer d’imaginer ce qu’il serait possible de faire pour remédier à cette catastrophe massive, qui continuait à se déverser, et qu’ils ne savaient pas comment arrêter. Nous appelons cette zone [d’un nom dans notre langue] qui se réfère à la perte des eaux, quand une femme accouche. Parce que c’est un endroit où les saumons retournent pour pondre, c’est l’endroit de reproduction du saumon.

Actuellement, nous nous battons contre un oléoduc de 518 km, qui devrait traverser notre territoire, ça s’appelle l’oléoduc Trans Montagne de Kinder Morgan. Et en ce moment, ce à quoi nous sommes confrontés, est encore une astuce du Canada. Ils essaient toujours de nous tromper, de nous donner des babioles sans valeur contre des terres, et l’une de leurs astuces est le projet illégal appelé ‘Projet de Traité de Colombie Britannique’, qui est un traité des temps modernes – non, pas un traité, c’est un projet d’extinction moderne, parce que ce n’est même pas un traité avec le gouvernement fédéral ou la Couronne. C’est en fait un traité avec le gouvernement provincial, donc ce n’est pas un traité contraignant internationalement, c’est totalement illégal, dans la mesure où ils demandent aux Autochtones de signer librement un document décidant de leur extinction, de renoncer à nos titres fonciers sur nos terres, et veulent accorder en échange un terrain que tous les Canadiens peuvent louer ou acheter.

Quant à ce que fait le Canada en ce moment… Les gens du monde entier doivent se rendre compte que Trudeau, et le gouvernement Trudeau, Justin Trudeau, n’est pas un ami des Autochtones. Son père avait beaucoup terni leur nom, son père, Pierre Elliot Trudeau, qui a formé son fils pour être un sale bâtard comme lui, le père de Justin Trudeau, donc, était un des ennemis de mon grand-père, et il avait vraiment poussé à notre extermination, nous les Autochtones. Par cette politique du Livre Blanc de 1969. Alors, quand Justin Trudeau est devenu Premier Ministre, nous savions déjà que nous allions engager une nouvelle bataille, un autre combat, contre la famille Trudeau. Actuellement, ils essaient d’acheter ces ‘dirigeants’, ces chefs et conseils de l’INAC, en leur donnant des millions de dollars, pour former notre gouvernement ‘traditionnel’, ce qui met les gens de notre peuple dans une rage folle. Nous, Peuple Secwepemc, nous voulons maintenir notre forme traditionnelle de gouvernement et de prise de décisions, et nous sommes les détenteurs légitimes des titres fonciers dans notre territoire. Et quand nous disons ‘NON’ à ces projets destructeurs dans notre territoire, nous exigeons du respect. Vous avez peut-être entendu des paroles, comme l’a dit mon frère [de Guyane française], de réconciliation. Le Canada adore employer ce mot, ‘réconciliation’, mais ce que nous disons toujours est qu’il n’y aura jamais de réconciliation sans notre territoire – 100% de notre territoire – restitué et sous notre contrôle.”

 

Kanahus Manuel, 14 octobre 2017