SOLIDARITE : UN ARTISTE AUTOCHTONE DES ETATS-UNIS EXPRIME SON SOUTIEN AUX ENFANTS PALESTINIENS

Par un artiste de rue
Publié par First Seven Design Labs
Le 5 janvier 2020
Également publié par Indigenous Action Media

DANS L’ESPRIT DE FARIS…

Il y a 20 ans, je vivais avec une famille Palestinienne, quand le ‘11 septembre’ s’est produit, et c’était à leur table de plats traditionnels que nos rires et parfois nos larmes consolidaient notre lien avec les luttes Autochtones. C’est à cette même table qu’on m’a communiqué l’histoire de Faris Odeh, un adolescent immortalisé au panthéon des Palestiniens tombés, comme des centaines de milliers d’autres, tels que Mohammed Al-Durrah.

Transposition accélérée jusqu’à aujourd’hui et bien des émotions plus tard. J’ai entendu parler d’une organisation qui essaie d’attirer l’attention sur le génocide à Gaza par un petit panneau sur un mur longeant l’une des routes les plus fréquentées de Santa Fe [Nouveau-Mexique]. Cette route conduit à certains des musées et galeries d’art les plus célèbres, pour lesquelles Santa Fe est si connue. L’art de rue n’a jamais demandé et ne demandera jamais d’autorisation, et ces installations de colle à papier sont en opposition directe avec les institutions homogénéisées de la classe supérieure, et, lorsque ça va de pair avec le racisme local, les oppositions à cet art conscient abondent. C’est dans les espaces publics et dans les rues où les gaz lacrymogènes et les balles remplissent l’air qu’on trouve les images artistiques qui frappent le plus durement. J’ai compris depuis longtemps que le rôle d’un artiste est de créer les images que les gens soutiennent, et qui unissent les mouvements pour la perpétuation de notre culture et de nos modes de vies. Tout ‘art’ Autochtone qui n’est rien qu’un gadget devrait être considéré comme un acte de traitrise envers l’époque et les luttes de notre propre peuple, spécialement ceux qui sont sur les lignes de front. Ce genre d’ ‘artistes’ égocentriques n’ont pas leur place dans notre lutte, si ce n’est d’être un obstacle capitaliste prétentieux contre notre libération collective.

Depuis près de 5 ans, ce groupe de soutien aux droits humains des Palestiniens ont vu leur panneau effacé, détruit et même coupé par le couteau du racisme qui s’affiche ouvertement à Santa Fe. Ces ignares préfèreraient ne pas voir d’images d’enfants du Moyen-Orient, ou pire, la défense de leurs droits humains de base d’exister chez eux à Gaza – considérée comme l’une des plus grandes prisons à ciel ouvert actuellement.

La décision d’intervenir avec des installations d’art de rue quasiment indestructibles, sur le mur d’adobe, similaire aux murs de maisons palestiniennes, a été facile à prendre. Si vous comparez, sur des cartes, la réduction des territoires des peuples Autochtones de ce continent et ceux des Palestiniens, à ce qu’ils sont devenus aujourd’hui, c’est exactement la même chose. Ce à quoi ça revient, c’est que nous avons des racistes qui essaient d’éradiquer la lutte des peuples Autochtones, non seulement dans d’autres pays, mais aussi ici, sur ce continent, sur des terres volées. Pour ces gens qui ont pris des couteaux pour détruire les images d’enfants Autochtones sur ces panneaux, il est clair que ce n’est pas passé loin, en termes historiques, de l’expansion vers l’ouest. Donc, logiquement, on peut tirer la conclusion que leurs actions sont une extension de leur héritage familiale sur ce continent.

Cette installation à la colle à papier était une réponse directe à la destruction répétée du panneau, et c’est ce qui arrive quand vous emmerdez un artiste de rue. La création de cette scène particulière raconte l’histoire de ce qu’ont subi les enfants Palestiniens, en utilisant tout le mur, au lieu d’être reléguée sur un panneau de petit format attribué par la ville. Il y a tellement d’analogies, en ce qui concerne le mur lui-même, le lieu et l’histoire autochtone partagée, que j’ai voulu m’assurer que ces histoires soient dites dans un format grandeur nature. Cet exploit exigeait d’aller dans un lieu très sombre pour vivre avec ces images et leurs histoires pendant des semaines, afin de mettre en lumière ce génocide continu. Dans certains cas, il a fallu utiliser des vidéos d’il y a 20 ans, à fort grain, et les améliorer avec différents programmes, afin que la terreur de leurs derniers instants puisse être montrée avec exactitude pendant les fêtes Chrétiennes, et que le public puisse apprendre ce qui se passe vraiment à Bethlehem en 2020.

C’est pendant ces semaines que j’en ai appris plus sur Faris Odeh, l’adolescent contre le char d’assaut, et les images de lui, David contre Goliath, que je n’avais jamais pu oublier depuis 20 ans. J’avais toujours su que je ferai quelque chose pour lui, mais je n’avais jamais su ce que ce serait, jusqu’à ce que cette occasion se présente. J’ai lu que Faris manquait l’école pour s’opposer aux super-chars faits aux U.S.A. achetés par l’armée Israélienne, qui tuaient son peuple et détruisaient des maisons à Gaza. J’ai lu que sa mère essayait de le convaincre de ne pas manquer l’école, et que, bien que sévèrement puni et enfermé dans sa chambre, il s’échappait par la fenêtre et descendait par la gouttière, pour rejoindre la rue et résister de la seule façon qu’il pouvait, avec des pierres. Ce qui me touchait le plus, c’était quand sa mère se souvenait de lui : « Ce n’était pas la gloire qu’il aimait » disait-elle. « En fait, il fuyait les caméras. » Elle le suppliait : « D’accord, tu veux jeter des pierres ? Mais au moins, cache toi derrière quelque chose ! Pourquoi faut-il que tu sois toujours devant, même plus près que les jeunes plus vieux que toi ? » Et il lui disait : « Je n’ai pas peur. » 10 jours après que cette photo ait été prise, ce serait ce char-là qui finirait par lui prendre la vie, quand on lui a tiré dans le cou, du char. Il a saigné pendant plus d’une heure, les secours ne pouvant pas approcher, vu qu’il était trop près du char. A de nombreuses reprises, je n’ai pas pu contenir mon émotion en pensant à son histoire et à beaucoup d’autres, au cours de ce projet, surtout en déroulant les tirages grandeur nature pour la première fois, et en voyant Mohammed Al-Durrah, ce petit garçon accroupi derrière son père dans ce qui s’est révélé être ses derniers instants.

Lui et son père ont été pris dans un feu croisé de snipers Israéliens qui les visaient tous les deux, alors qu’ils étaient cachés derrière une barrière de béton (on peut retrouver la vidéo non-corrigée en ligne – C’était des images de France 2, NdT). Si dur qu’ait pu être ce projet, physiquement, mentalement et spirituellement, ce n’est rien comparé à ce que nos frères et sœurs Autochtones subissent quotidiennement, à Gaza et dans d’autres prisons de colonies. J’ai le privilège et le luxe de me détourner de l’écran d’ordinateur, de l’art et de cette vie. Ils ne peuvent rien quitter, alors leurs histoires et ce qu’ils vivent ne doivent jamais être oubliés.
Quand les enfants de Palestine sont repérés sur une vidéo en train de résister avec des pierres ou autrement, l’armée Israélienne va chez eux en pleine nuit, ou dans leurs écoles, enfonce les portes, et les arrache littéralement à leurs proches à la pointe du fusil. Ces enfants disparaissent dans des cages pour être interrogés et torturés, exactement comme ce qui arrive le long de la soi-disant frontière Mexique/Etats-Unis. En fait, la haute technologie pour les murs qui a été perfectionnée contre les Palestiniens, est maintenant importée d’Israël pour le mur de notre frontière coloniale du sud.

Ce que l’Américain moyen ne comprend pas, c’est que mettre des enfants Autochtones dans des cages a été normalisé sur notre continent depuis que des bateaux ont atteint nos côtes. Pour s’emparer d’or et d’autres ressources naturelles, Christophe Colomb a séparé des familles, mettant les hommes et les garçons en cage pour leur faire extraire son quota d’or, et nos filles et nos femmes ont été vendues comme esclaves sexuelles pour son équipage. Ça n’a pas changé beaucoup pour nous, en plus de 520 ans de génocide ininterrompu… mais nous sommes existons toujours, ici, et dans l’esprit de nombreux guerriers Autochtones comme Faris, nous résistons toujours. Il a fait ce qu’il a fait pour l’amour de son peuple et il n’avait pas peur, et nous ne devrions pas avoir peur non plus.

C’est pour toi, Faris – et tant que je vivrai, tu vivras aussi, parce que tu es moi et je suis toi.

Notes de l’auteur : [Ce n’est pas antisémite de défendre les droits humains fondamentaux] [Vous êtes sur des terres volées] #Indigenous #Autochtone #Palestine #Palestinian #Palestinien #Solidarity #Solidarité #FarisOdeh #MuhammadAlDurrah #MohammedAlDurrah #FawziAlJunaidi
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