Lors de sa visite à Phoenix, Arizona, Trump a réitéré les propos scandaleux qu’il avait tenu sur l’affaire de Charlottesville, et a de plus annoncé qu’il allait gracier – c’est fait entretemps – l’infâme ex-Sheriff Joe Arpaio, qui devait être poursuivi pour des actes racistes. Bien entendu, tout cela a conduit des gens à descendre dans la rue, les racistes – protégés par les flics, et les anti-racistes, mais aussi de vrais révolutionnaires. Leur récit et leur point de vue.

Christine Prat

 

COMBAT AU MILIEU DES LACRYMOGENES EN TERRITOIRE O’ODHAM OCCUPÉ

Anonyme
Publié sur Indigenous Action Media
24 août 2017
Traduction Christine Prat

 

Rapport des Territoires O’odham Occupés (Phoenix) du Contingent Anticolonial Antifasciste

La nuit dernière, nous nous sommes avancés au-delà des limites de l’antifascisme en territoires volés. Tandis que les cortèges convergeaient et la foule se gonflait, au milieu de drapeaux noirs et avec une banderole sur laquelle on pouvait lire “Unis Contre le Colonialisme et le Fascisme, Détruisons la Suprématie Blanche”, nous nous sommes regroupés en une force, en scandant par intermittence le slogan inspiré “Déchets de colons, votre heure est venue.”

La police construisit une barricade circulaire formant un enclos, avec une entrée et des points de contrôle, pour contenir les manifestants anti-Trump dans une chambre d’écho, où le slogan “honte!” se mêlait avec celui, vraiment dérangé, de “c’est à ça que ressemble la démocratie.” Apparemment, une bonne part de l’Amérique a abandonné l’espoir de salut dans la démocratie coloniale, alors que la Gauche anti-Trump continue de brandir le flambeau d’un système qui a toujours représenté l’imposition du pouvoir colonial et de la suprématie blanche.

Les barrières bloquaient notre route, alors, nos amis O’odham et Diné ont entrepris de les démanteler, pendant que la police anti-émeute déchaînait un torrent de balles au poivre sur notre bloc et tous ceux se trouvaient à proximité. Les autorités, qui craignent toujours qu’un acte individuel ou collectif quelconque secoue les chaînes de la domination, ont tiré sans interruption des projectiles au poivre et des grenades lacrymogènes (nous en avons compté 7 en quelques secondes, rien que là où nous nous trouvions) vers la banderole, puis ont visé plus bas, vers les jambes des gens, et un mur de poison nous a submergés, nous forçant à nous éloigner de la barrière. Des membres du personnel médical d’intervention dans la rue ont rapidement soigné ceux qui n’étaient pas préparés à l’assaut; la police visait quiconque jetait des bouteilles, des cailloux ou des ordures, avec du gaz lacrymogène et des balles au poivre.

Tandis qu’un nombre grandissant de policiers s’assemblaient devant le Centre de Convention, les flics anti-émeutes jetaient des grenades assourdissantes au-dessus de nos têtes qui provoquaient d’effroyables explosions, tandis qu’un hélicoptère tournait au-dessus de la scène en aboyant des ordres. L’affrontement s’est prolongé pendant plus d’une heure dans les rues adjacentes. En dépit des plaidoiries des organisateurs respectables, beaucoup ont choisi de résister à l’autorité et la loi, et de se défendre contre la répression étatique. Les gens se sont défendus quand un camion de supporters de Trump a menacé de foncer dans la foule, la police est arrivée avant que le chauffeur ait pu recommencer mais n’a rien fait pour aider la foule, au lieu de cela, ils ont libéré le chauffeur et attaqué la foule qui se dispersait, avec encore plus d’armes chimiques.

La Police de Phoenix, flanquée d’une série de services fédéraux, a renforcé, au sens littéral, le baril de poudre de la suprématie blanche, de l’hétéro-patriarcat et du colonialisme. L’auto-collant demandant le pardon pour Arpaio, plaqué sur le tonneau près de Trump, ne changeait rien pour nous, nous sommes contre tous les présidents et tous les fascistes. Ne vous méprenez-pas, nous n’étions pas l’étincelle ou l’allumette, dans un déluge de foudre, la merde ne peut qu’exploser.

Nous sommes particulièrement conscients de la propension à la violence de l’état, donc le fait que les flics “fassent usage de la force” était attendu. Avant, nous avions défilé avec la foule, avec Charlottesville, nous avions à l’esprit une multitude d’autres points cruciaux dans cette escalade du conflit, et notre sœur Diné Loreal Tsingine, assassinée par le flic fasciste Austin Shipley à Winslow, était dans nos cœurs. Son histoire est placardée à la une du Phoenix New Times, avec un article qui fait écho à ce que nous avons dénoncé systématiquement depuis des années: l’Arizona détient le plus fort taux de violence infligée aux Peuples Autochtones.

C’est la réalité qui nous prépare à de tels moments, et ça n’a pas commencé avec Trump, ni avec l’assassinat de Loreal. C’est de la violence d’état, perpétrée par les colonisateurs depuis des siècles sur ces terres. La police du mouvement progressiste maintient cet accord social en essayant de réprimer et de contrôler la résistance. Ils prennent des poses pour apaiser ceux qui les financent, leur tempête fait pleuvoir des dollars pour perpétuer leur gala anti-oppression.

Tandis que les progressistes et leurs médias étayent leurs accusations par la condamnation “les anti-fa ont frappé les premiers”, nous voulons qu’il soit clair qu’il ne s’agit pas de cet échange de coups; après tout, la colonisation c’est la guerre. En fait, le premier coup a été frappé il y a longtemps, par la terreur coloniale et les guerres génocidaires infligées aux Peuples Autochtones des soi-disant “USA”. C’est le contexte dans lequel nous continuons la résistance. Ce point aveugle force les progressistes à défiler indéfiniment en rond, avec et par le pouvoir colonial.

Des clichés de rhétorique comme “vous êtes remplis de haine et de violence” et “retirez vos masques” ont été lancés aux anticolonialistes antifascistes dans les rues de terres O’odham occupées, aka Phoenix. Ce à quoi certains d’entre nous ont répondu “nous sommes confrontés à 500 ans de violence coloniale suprémaciste blanche, ne dites pas aux Peuples Autochtones comment résister.” Alors que certains près de nous scandaient “C’est à cela que la démocratie ressemble”, la tendance anarchiste de notre bloc criait rageusement “C’est ce que la démocratie vous a apporté.”

Nous rejetons l’idée selon laquelle les nationalistes blancs finiront par comprendre le mal qu’il y a dans leurs méthodes. Nous connaissons trop l’histoire et les tombes encore fraîches. L’ironie c’est que, ces appels myopes à la paix de candidats-dirigeants du mouvement, sont ce qui a précipité l’apparition de la soi-disant “droite alternative”. Ils continueront à nous dire de tendre l’autre joue jusqu’à ce que nos visages soient réduits à l’os.

Comme Autochtones, comme LGBTQI2S, comme basanés, comme noirs, comme classe ouvrière et comme pauvres, nous rejetons furieusement l’imposition progressiste du statut de victime. Nous sommes enragés, nous avons des griffes, et nous nous défendons et plus.

Nous n’avons pas d’illusions; la nuit dernière n’était pas une victoire, cependant, il faut savoir que les O’odham et leurs complices ont toute une histoire de combats dans les rues contre les fascistes et la police de soi-disant Phoenix. Les actions puissantes d’O’odham démantelant les barrières d’acier qui défendaient les suprémacistes blancs, évoquent des possibilités d’attaques contre tous les types de violence coloniale. Du Mur de frontière en territoire Tohono O’odham, à l’Autoroute de South Mountain en territoire Akimel O’odham.

La seule victoire que nous pourrions jamais accepter, est la libération totale de nos terres et de notre peuple. Les gains que nous cherchions ont été atteints, dans l’articulation de la résistance anticoloniale et antifasciste, et l’exploration de la force potentielle créée (tactiquement et idéologiquement) par ces positions.

 

L’APPEL INITIAL (See in English) :

 

Appel à une présence anarchiste, antifasciste et anticoloniale, contre tous les Présidents

 

 

Anarchistes et Autochtones Unissez-vous!

Appel à former une force antifasciste et anticoloniale contre le rassemblement de Trump, mardi 22 août, à 18h, au Centre des Conventions de Phoenix, au centre de Phoenix, en territoire O’odham occupé.

Nous convergerons, dans un esprit de solidarité et d’hostilité à l’ordre actuel, et en tant que force physique pour nous défendre et nous protéger mutuellement des flics, des fascistes, et de la “police pacifique” libérale/radicale.

Nous expliquons ci-dessous les raisons d’une présence antifasciste et anticoloniale, ainsi que des détails concluants du rassemblement de mardi.

ANTIFASCISTE

Parce que nous, anarchistes, accordons de la valeur à l’individu, nous refusons tout mouvement idéologique (communisme d’état, capitalisme ultra-libéral, ou socialisme-national) qui cherche à amplifier les attaques contre l’individu par la coercition systématique, la force brutale et l’assassinat. Ce pourquoi nous nous opposons au fascisme est évident, tout comme ce pourquoi nous ne confondrons jamais ce mouvement pseudo-révolutionnaire de la droite avec un projet de libération fondé sur la solidarité avec les autres qui luttent aussi pour la liberté (contre l’autorité, un dieu, les maitres), plutôt que de se chicaner sur quelle section de l’élite devrait être liquidée (en langage familier “assécher le marais”).

Si nous devons vous convaincre de pourquoi nous nous opposons au fascisme, il suffit de les prendre au mot. Nous l’avons fait. Leur intention est de criminaliser, terroriser et assassiner les anarchistes, les “traitres à la race”, les LGBTQ, les Autochtones, les populations immigrées non-blanches, les Musulmans et les Juifs, et les Noirs. Ils veulent construire un état ethnique blanc aux Etats-Unis. Les Autochtones, les immigrants, les anarchistes et d’autres ont combattu depuis des années les nationalistes blancs, les néo-nazis et les anti-immigrants fanatiques depuis des années, dans les rues d’Arizona. Cette histoire n’est pas neuve.

Nous les combattons parce que nous ne croyons pas qu’il y ait de la liberté pour l’individu dans l’état ou la nation, démocratique, communiste ou fasciste. En tant qu’anarchistes, nous nous opposons à toute tyrannie de majorités imposant leur volonté à des minorités, que ce soit par les décrets de dictateurs ou par les moyens démocratiques obtenus par le vote. Nous ne devrions jamais oublier que, quand les politiciens élus démocratiquement sont désespérés, ils se tournent vers les fascistes et préviennent que l’autoritarisme est la conséquence d’une démocratie paralysée. Les politiciens voudraient que nous les remerciions pour ce monde de flics, de propriétaires, et de patrons. Non, état, non merci.

ANTICOLONIAL

Parce que nous connaissons les limites de l’antifascisme en terre volée. Nous avons connu la main lourde de l’état en “Arizona” bien avant l’élection de Trump. Nous avons résisté à des attaques massives contre les migrants (dont beaucoup sont des parents d’Autochtones) par les mécanismes de l’état, et beaucoup de ces institutions créées pour capturer ou tuer des migrants imposent également une loi coloniale dans les territoires Autochtones non-cédés. Des patrouilles du Bureau du Sheriff du Comté de Maricopa Arpaio prenant pour cible les Yaqui à Guadalupe, à la violence policière généralisée contre les Autochtones de tout l’état [d’Arizona], à la déportation forcée de plus de 20000 Diné de Black Mesa, à la répression contre les Peuples Autochtones qui défendent des sites sacrés comme les San Francisco Peaks, aux points de contrôle de la Patrouille des Frontières le long des routes de la Nation Tohono O’odham, et au mur-frontière qui constitue une barrière physique qui divise des Peuples Autochtones séparés par la frontière coloniale entre les Etats-Unis et le Mexique.

La résistance Autochtone à ces entreprises est longue, alors que les complices anarchistes sont encore nouveaux dans cette lutte. Nous avons organisé des projets solidaires pour nous opposer aux réseaux de contrôle coloniaux, parce que nous comprenons que l’antifascisme qui ne se concentre pas sur l’anticolonialisme est assuré de reproduire les structures mêmes de la violence coloniale de peuplement telles qu’elles ont existé depuis plus de 500 ans sur ce continent, et depuis 200 ans de démocratie représentative aux “Etats-Unis”. Nous ne voulons pas de retour à la normale, retrouver le “sens commun”, le même monde dans lequel Loreal Tsingine et Bennett Patricio ont été assassinés par les forces de l’ordre de l’état, une normalité qui dégrade et attaque les cultures Autochtones comme “obstacles au progrès”, comme nous l’avons vu avec la profanation de South Mountain. Nous refusons cette “normalité” coloniale, car la colonisation a toujours signifié la guerre contre Notre Mère la Terre et toute forme de vie.

 

JOE ARPAIO ET LE “MOUVEMENT”

L’annonce par Trump qu’il envisageait de gracier l’ex-Sheriff du Comté de Maricopa, Joe Arpaio, a provoqué l’indignation d’activistes qui croyaient que le système avait fonctionné là où le mouvement avait échoué. La condamnation d’Arpaio était de la politique habituelle, mais quand la nouvelle a été annoncée que Trump voulait gracier l’ex-Sheriff, l’ONG défendant les migrants Puente a répondu: “Trump viendra en Arizona et nous voulons signifier très clairement que nous ne pardonnerons pas à la suprématie blanche comme il l’a fait pour #Charlottesville et maintenant pour Joe #Arpaio.” Vraiment? Et qu’est-ce que ça signifie? Nous pouvons seulement espérer que si Trump gracie Arpaio, la réaction sera plus forte qu’un vague engagement envers “le peuple” de ne pas pardonner la suprématie blanche. La paix sociale dans la vallée est tout autant un produit de la répression étatique que c’est la tâche des activistes à but non lucratif de réprimer un moment insurrectionnel et de diriger l’indignation et la colère vers une succession infinie de défilés.

La visite de Trump, c’est la guerre sociale, le pardon pour Arpaio, c’est la guerre sociale, la vie quotidienne, c’est la guerre sociale.

 

“Je crois que c’est Clausewitz qui a dit que la guerre était la simple continuation de la politique par d’autres moyens. Je pense que l’inverse exprime mieux la réalité sociale. La politique est la simple continuation de la guerre sociale par des moyens moins sanglants. Si l’on considère que c’est toujours la classe dirigeante et ses laquais qui appellent à la paix sociale, exigeant que les exploités et les exclus s’abstiennent de recourir à la violence dans la confrontation avec leur condition sociale, il est alors évident que la paix sociale fait tout simplement partie de la stratégie de la guerre sociale.”

Wolfi Landstreicher [nom de plume d’un anarchiste américain contemporain – Wikipédia]