PARTIES CIVILES DANS L’AFFAIRE DES PICS: LE PUBLIC AURA UN ROLE DECISIF SUR LA QUESTION DES EAUX USEES RECYCLEES

Interview téléphonique de Jeneda Benally (bassiste de Blackfire)

 

Navajo Times, 9 janvier 2012

Original article in English http://navajotimes.com/news/2012/0112/011212peaks.php

Par Cindy Yurth
Tséyi’ Bureau

CHINLE

Traduction Christine Prat

Bien qu’elle ne soit pas sûre de la décision des juges fédéraux de la Cour d’Appel du 9ème Circuit après l’audience de lundi sur l’affaire d’Arizona Snowbowl, la musicienne et écologiste Jeneda Benally s’est dite encouragée par ce qui se passait à l’extérieur du tribunal.

Une caravane de jeunes indigènes d’Arizona et du Nouveau Mexique opposés à l’utilisation d’eaux usées pour fabriquer de la neige sur Dook’o’oosliid (Pics San Francisco en Diné’) a été rejointe par des activistes locaux devant le tribunal fédéral James R. Browning à San Francisco, pour réclamer une enquête suplémentaire sur les effets sur la santé de contacts directs avec l’eau d’égouts recyclée.

« Quoiqu’il arrive sur le plan judiciaire, le problème de l’ingestion d’eau d’égouts recyclée se pose maintenant sur un plan national, et les gens se posent des questions » dit Jeneda Benally dans une interview téléphonique, à son retour à Flagstaff, où elle réside. « Ils veulent savoir ce qu’il y a dans cette eau ».

Un journaliste du Navajo Times a essayé de laisser un message au manager de la station Snowbowl mardi, mais la boîte vocale de la station était saturée.

Howard Shanker, avocat des parties civiles, la Coalition Sauvez les Pics et plusieurs plaignants individuels, a défendu l’argument selon lequel les effets possibles sur la santé de faire du ski sur de la neige faite d’eaux uséees n’avaient pas été suffisamment étudiés. Il a dit qu’il était possible qu’un skieur avale délibérément ou accidentellement de la neige.

Les avocats du Service des Forêts des Etats-Unis, qui a délivré le permis d’utiliser de l’eau recyclée, ont dit qu’il était possible de placer des panneaux prévenant les gens qu’il ne fallait pas manger la neige, et que l’Agence pour la Protection de l’Environnement avait réglé les problèmes de santé dans sa déclaration sur l’impact environnementale du projet.

J. Benally dit dans l’interview de mardi que les skieurs n’avaient pas toujours le choix.

« Aujourd’hui, par exemple, vous pouvez voir que la neige sur la piste de ski est en train de fondre. Si vous imaginez que la neige est de l’eau d’égouts recyclée, c’est effrayant de penser que quelqu’un pourrait tomber, et s’écraser avec son visage dans une bouillabaisse de neige contaminée ».

J. Benally dit que les recherches de la Coalition indiquent que l’eau recyclée de Flagstaff contient des produits chimiques classés comme « perturbateurs endocriniens », qui peuvent avoir des effets sur le développement des enfants. Ces produits chimiques ne sont pas inclus dans les standards fédéraux sur l’eau potable, critères utilisés pour le traitement d’eaux usées.

« Ce que nous disons est qu’il n’y a pas eu d’analyses suffisantes. Dans le passé, notre gouvernement nous a dit que le DDT n’était pas dangereux, que l’amiante n’était pas dangereuse, et nous avons appris plus tard que ce n’était pas vrai ».

Mais elle nous a dit aussi en tant que partie civile, que ce qui la gênait le plus au cours de l’audience, était que les témoins de la défense semblaient contredire leurs témoignages précédents sur l’expansion de la station de ski Snowbowl et le projet de fabrication de neige artificielle.

Lors d’une audience auprès d’un tribunal d’un autre niveau, en 2010, la défense avait affirmé que le projet était « presque réalisé » et que les opposants étaient des obstructionnistes de dernière minute.

« Cette fois-ci, leur avocat a dit qu’ils n’avaient même pas entrepris de travaux avant le mois d’avril, longtemps apès que notre avocat ait enregistré notre plainte en février », dit-elle « Çà montre qu’ils ne sont pas honnêtes vis-à-vis de la population d’Arizona et de la justice ».

Elle a aussi déploré la tentative de la compagnie Snowbowl de « diluer notre affaire » en exerçant des pressions sur le Conseil de la Nation Navajo, en proposant d’utiliser de l’eau de source au lieu d’eaux usées recyclées.

« Si le Conseil avait accepté, nous n’aurions pas eu notre audience au tribunal et le public n’aurait pas su ce qui se passait », dit elle. « Quoiqu’il arrive sur les Pics, au moins les gens peuvent dire : ‘Qu’est-ce qu’il y a dans cette eau recyclée ? Quels sont les dangers de l’utiliser de différentes manières ? Est-ce utilisé dans ma communauté ? »

Bien que J. Benally dise s’être souvent sentie « frustrée » pendant l’audience, elle considère ce lundi comme « un beau jour ».

« Voir la caravane de gens venus d’Arizona et du Nouveau-Mexique, et les autres communautés tribales qui se sentent des affinités avec les Pics San Francisco, c’était merveilleux », dit-elle.

Çà pourrait prendre jusqu’à six mois avant que les juges annoncent leur décision, dit J. Benally, mais entretemps elle appelle le public à l’action.

« Le public doit faire entendre sa voix, » dit-elle. « Dites à l’ADEQ (Departement de la Qualité de l’Environnement de l’Arizona) que nous ne voulons pas que la santé de nos enfants subissent d’éventuels  effets négatifs de leurs eaux usées insuffisamment analysées. »

J. Benally a tenu à souligner que si les juges ne décidaient pas en leur faveur, cela ne devrait en aucun cas donner une mauvaise image de l’avocat des parties civiles.

« Howard Shanker s’est occupé de notre affaire gratuitement. C’est un avocat formidable, qui l’a fait avec son cœur, parce qu’il s’agit de sa communauté et qu’il s’en soucie. »

L’affaire est une prolongation d’un procès intenté en 2005 par des tribus et des écologistes de la région qui estimaient que la liberté religieuse des tribus était enfreinte par la perspective de déversement d’eau d’égout sur leur montagne sacrée.

In 2007 une Cour du 9ème Circuit composée de trois juges s’était prononcé en faveur des tribus. Cependant cette décision a été infirmée l’année suivante par la Cour en session plénière et la Cour Suprême des Etats-Unis a refusé d’examiner un appel.

Les Cours ont refusé de prendre en considération un autre argument présenté par les parties civiles au motif qu’il ne faisait pas partie de la plainte initiale : le fait que le Service des Forêts des Etats-Unis avait négligé de prendre en considération les risques d’ingestion de neige artificielle dans leur étude sur l’impact écologique du projet.

Cet argument est central dans le procès en appel d’aujourd’hui. La Tribu Navajo et plusieurs autres plaignants du premier procès ne prennent pas part à  l’affaire actuelle, mais certains membres de la tribu sont présents à titre individuel.

Le procès concernant les inquiétudes pour la santé est passé devant le tribunal fédéral de district en 2010 et la Juge Mary Murguia a décidé en faveur de la partie adverse.

Un procès similaire à été intenté par la tribu Hopi, qui a fait valoir que l’utilisation d’eaux usées pour faire de la neige constituait une violation des règles de l’état sur la qualité de l’eau, a été rejeté le 23 décembre par le Juge Joseph L. Lodge de la Cour Supérieure d’Arizona, qui a affirmé que cette question avait déjà été débattue dans une affaire précédente concernant la station Snowbowl.

Le Chef Tribal Hopi Leroy Shingoitewa s’est juré de faire appel.

Au moins 14 personnes, dont le frère de Jeneda, Klee Benally, ont été arrêtées l’été dernier et accusées d’effraction et de troubles à l’ordre public pour s’être enchaînés au matériel de construction ou tenté d’empêcher la progression des travaux à la station Snowbowl de diverses manières.

 

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