Jour de Rage des Peuples Autochtones, Deuxième Round – à Kinłani
Publié par Indigenous Action Media
14 octobre 2021
Traduction française Christine Prat

Au coucher du soleil, ce dimanche 10 octobre, une foule d’Autochtones et de complices s’est rassemblée devant l’hôtel de ville de Flagstaff et a monté trois tentes. Les flics sont venus pour intimider, mais de ce que nous pouvions voir, personne n’écoutait ce qu’ils essayaient d’exprimer.

Un contingent d’un groupe Autochtone ‘progressiste’ appelé ‘Cercle Autochtone de Flagstaff’ a essayé de communiquer ce que la police n’avait pas pu. Quelque chose comme ‘le changement vient de la politique’, ‘ne pas vouloir que quelque chose de « mal » arrive aux manifestants’. Il y eut quelque chose qui ressemblait à un débat, mais nous n’étions pas assez proche pour entendre ce qui se passait et avons décidé d’ignorer cette tentative claire de réguler le mouvement. Après tout, la nuit arrivait et nous n’étions pas là pour discuter avec des Autochtones qui tournent autour du pouvoir.

Un numéro de soutien a été distribué avec le message « Nous ne sommes pas là pour que plus d’entre nous soient enfermés par le système. Notre intention est de ne pas se faire arrêter, et s’ils essaient, de faire en sorte que ça n’arrive pas. » Des mots furent dits dans un mégaphone, mais nous avons appris à zapper cette fréquence-là, après des années de manifestations, le mégaphone se retrouve toujours dans les mêmes mains et nos oreilles sont fatiguées des acclamations.

Une banderole orange ouvrait la marche, avec le slogan « Vengez les Enfants Autochtones », en référence au violent héritage des pensionnats, qui a refait surface avec de puissants appels à la reconnaissance des responsabilités, dans tous les soi-disant Etats-Unis et le KKKanada. Le groupe a commencé à marcher rapidement sur le trottoir. Des flics en vélo essayaient de nous diriger, mais nous étions rapides. Nous les avons dépassés en les poussant et en scandant « À qui sont ces rues ? Nos rues. À qui est ce pays ? Le pays des Autochtones. » et nous avons pris le croisement de la Route 66 et de la rue San Francisco, qui est le croisement le plus fréquenté du centre-ville. Des voitures de flics sont arrivées en trombe. La circulation dans le centre était complètement arrêtée. Le joueur de tambour a entamé un chant de ronde, et d’abord il semblait que certains d’entre nous hésitaient entre danser et tenir des banderoles. Mais nous avons pris notre temps. Le tambour continuait et le son rebondissait sur les murs de cette colonie, moins vieille que nos grands-parents. Sur les banderoles, on pouvait lire ‘le Colonialisme est une Peste’, ‘Résistance Autochtone’, ‘Rendez Nos Terres’ [‘Land Back’] et beaucoup d’autres slogans. Elles furent entrainées dans la danse qui a duré environ 20 minutes.

A un moment, la foule s’est rassemblée autour d’une statue odieuse et controversée d’un ouvrier des chemins de fer Blanc (ce qui cache la réalité du travail forcé Chinois et l’arrivée de vagues successives d’envahisseurs coloniaux par les chemins de fer). La statue fut ornée de peinture rouge. Des participants utilisèrent des banderoles comme couverture tactique, puis continuèrent leur chemin.

Des flics suivaient, essayant de prendre la tête du cortège. Quelqu’un a déclenché un tir massif de fumigènes. Les rues du centre de ‘Flagstaff’ semblaient emplies d’ancêtres en colère émergeant de la fumée en scandant « On emmerde Colomb, on emmerde la police ! » Ça semblait être les cauchemars des colonisateurs venus hanter le futur qu’ils ont volé. En déversant des millions de litres d’eau des chiottes recyclée sur les Pics San Francisco sacrés. En attaquant les Autochtones SDF et en les laissant geler durant les mois d’hiver. En arrêtant ce qui représente la moitié de la population Autochtone chaque année. En ne faisant absolument rien quand des femmes Autochtones sont disparues ou assassinées. Vanessa Lee. Ariel Bryant. Nicole Joe. Nous avons hurlé leurs noms et renforcé notre rage. Nous n’étions pas là pour débattre, plaider ou négocier, comme les Autochtones pacifiés qui ont essayé de nous faire de la place dans leurs chaînes. Nous étions là pour célébrer notre digne rage (comme les Zapatistas ont si bien nommé cette colère qui est un puissant composant de siècles de résistance au colonialisme). Un autre carrefour très fréquenté fut pris et une ronde s’en est suivie. Des colonisateurs hurlèrent quelque chose et s’entendirent promptement signifier d’aller ‘se faire foutre’. Il y eut un moment où la manifestation s’est arrêtée dans une zone centrale de la ville, et une de nos sœurs, qui avait été là à chaque stade intense du parcours, prit la parole (nous la citons de mémoire) : « Ariel Bryant était ma meilleure amie. Elle a disparu et les flics m’ont dit de ne pas la rechercher. Elle a été trouvée morte et rien n’a été fait. Je suis ici pour toutes les femmes, les filles, les trans et les deux-esprits Autochtones assassinées ou disparues. » Une autre personne Autochtone, qui dit être de Tsé Bit’a’í, parla d’une Diné âgée, qui s’appelait Ella Mae Begay, disparue depuis des mois. « Personne ne prend cela au sérieux, à part sa famille et quelques membres de la communauté. » Elles dirent que descendre dans la rue pour exprimer leur rage pour la disparition de parents, était une expérience forte.

L’an dernier, il y avait plus de monde dans la rue (moins de gens parce que les protestations s’essoufflent ? On emmerde les activistes, de toutes façons). Mais cette année, l’esprit et le feu était tout aussi intense. Certains de nos amis ne sont pas venus parce qu’ils avaient des affaires en justice. D’autres amis en ont assez de protester et se concentrent sur des actions directes clandestines. (Ce qui nous a donné le plaisir de voir des redécorations colorées se produire dans d’autres espaces à travers la ville).

Partout, les politiciens, les flics, les colons et les vendus étaient effrayés de découvrir combien est fragile en réalité la façade de leurs structures coloniales. Les proclamations reconnues officiellement de Jour des Peuples Autochtones et leurs ‘célébrations’ leur épargnent la responsabilité et d’avoir à rendre des comptes, dus depuis si longtemps. Quelque fois, c’est l’alchimie de la catharsis qui nous aide à tenir face au désespoir du traumatisme produit par le colonialisme et la violence physique que nous (et le territoire aussi traumatisé) devons affronter chaque jour. Ce que nous ressentions était une guérison. Ce que nous ressentions était la lutte anticoloniale. Quand des monuments (et les systèmes de violence qui les maintiennent) tombent, notre peuple ne peut que s’élever. Foutons-les tous en l’air. Que le contrôle du mouvement et les ‘scouts Indiens’ aillent se faire foutre. On emmerde la proclamation par Biden d’un Jour des Peuples Autochtones.

Un hashké Diné anonyme

 

Ce n’est pas la première fois que la police de Flagstaff poursuit des activistes pour des actions menées des semaines auparavant. En 2012, j’avais moi-même assisté à une action au bureau de Flagstaff du Service des Forêts. Il n’y avait eu aucun incident ce jour-là. J’avais filmé l’action et ma vidéo le montrait. Deux mois et demi plus tard, des participants ont été arrêtés et mis en examen sur la base des images – muettes – de la caméra de surveillance du Service des Forêts. J’étais le principal témoin, mais j’étais repartie en France. Le procureur a refusé ma vidéo prétendant qu’elle avait pu être changée. Les autres témoins n’étaient plus là, ou leurs souvenirs pouvaient être mis en doute. Il est évident que ces agissements sont délibérés et ont pour but de se débarrasser des témoignages en faveur des accusés.

Christine Prat

 

Par Indigenous Action Media
Mercredi 14 novembre 2018
Also published on Censored News
Traduction Christine Prat

 

TERRITOIRE OCCUPE DE FLAGSTAFF, AZ – La nuit dernière, la police de Flagstaff a traqué et cité à comparaître, un organisateur pour son rôle supposé dans une manifestation de rue le mois précédent, le jour maintenant reconnu comme ‘Journée des Peuples Autochtones’.

Les flics ont menacé l’organisateur à son travail, disant qu’ils se préparaient à citer d’autres personnes ayant participé à l’action, sur la base d’une surveillance et d’une enquête de près d’un mois.

D’après le rapport de police obtenu ce matin, au moins 13 personnes, des organisateurs Autochtones et des soutiens, seraient accusés du délit d'”Obstruction d’une artère publique” pour leur rôle supposé dans l’action. Le rapport dit que d’autres doivent encore être identifiés par les réseaux sociaux et d’autres formes de surveillance.

“Nous ne nous laisserons pas réduire au silence par ce qui est clairement une attaque politique destinée à décourager de futures actions pour la justice dans nos communautés” déclara Maile Hampton, une des personnes menacées de poursuites. “Le jour où les officiels de la ville célèbrent leur déclaration vide de ‘Journée des Peuples Autochtones’, cette manifestation demandait la justice pour les Femmes Autochtones Disparues ou Assassinées; la fin des expulsions de masse et de la détention d’immigrants; que la ville rende compte de son rôle hypocrite dans la profanation des San Francisco Peaks; et fasse quelque chose au nombre hors de proportions d’arrestations d’Autochtones dans cette ville. Que je doive maintenant faire face à la répression d’état pour avoir demandé la justice n’est pas une surprise, c’est la réalité à laquelle nous sommes confrontés en résistant au génocide culturel.”

“Pour moi, ce n’est pas une coïncidence si ces accusations arrivent à la veille d’une manifestation prévue pour ce vendredi, contre la profanation des San Francisco Peaks” dit Klee Benally, qui est également poursuivi. “Je ne me laisserai pas intimider par la répression d’état, je continuerai à me défendre et à honorer mes ancêtres et les générations futures par ces actions.”

Le rassemblement a en particulier dénoncé le nombre disproportionné d’Autochtones menacés et poursuivis à Flagstaff.

“Cette attaque politique démontre une fois de plus qu’il y a un grave problème d’acharnement policier contre la communauté Autochtone” dit Klee Benally.

D’après le recensement le plus récent, les Autochtones constituent 10% de la population, mais près de la moitié des arrestations annuelles.

 

Les organisateurs du rassemblement avaient déjà appelé à ces actions immédiates:

  • Poursuite du boycott d’Arizona Snowbowl et annulation par la ville de Flagstaff de son contrat avec la station de ski
  • Arrêt du profilage racial et de la collaboration avec l’I.C.E. [police de l’immigration et douanes] et ensuite, abolition de la police dans nos communautés en instaurant des réseaux de soutiens à la communauté, et des options de justice transformatrice et réparatrice
  • Suppression de l’ordonnance contre le camping et de toutes les politiques contre les SDF
  • Dons de sacs de couchage et de vêtements d’hiver pour nos parents SDF à Táala Hooghan Infoshop (1704 N 2nd St).

 

En savoir plus sur l’action du 8 octobre