Publié par Indigenous Action
(D’abord publié par It’s Going Down)
Auteur anonyme, 12 octobre 2020
Traduction Christine Prat

Reportage de Kinłání (soi-disant Flagstaff) sur une marche militante qui a défilé dans les rues en solidarité avec Le Jour de Rage des Peuples Autochtones Contre le Colonialisme

De 75 à 100 personnes se sont rassemblées sur Heritage Square, dans le centre de Kinłání (Flagstaff), Arizona, le soir du dimanche 11 octobre, pour participer à l’appel national pour un « Jour de Rage des Peuples Autochtones Contre le Colonialisme ».

Des Autochtones de tout Turtle Island (Amérique du Nord) avaient appelé à cette manifestation, des complices s’y étant joints en soutien. Il y avait eu des appels à manifester de Nova Scotia jusqu’à Hawaï, de Tampa en Floride jusqu’en Colombie Britannique et beaucoup d’endroits entre ces pays. Les diverses localités participant à l’appel à l’action avaient en commun le déplacement violent et la tentative d’extermination des Peuples Autochtones au cours des cinq siècles passés, qui continue aujourd’hui.

Une foule s’était rassemblée sur Heritage Square, au centre de Kinłání, au milieu des chants et des tambours.

Les participants se sont rassemblés vers 17h30, chantant, jouant du tambour et brûlant de la sauge, tandis qu’ils maintenaient une présence militante sur toute la place. La plupart des participants étaient en noir et portaient des masques pour protéger leur identité et pour éviter la dissémination du COVID-19, quelques-uns portaient des treillis, style militaire. La foule était multigénérationnelle et multiraciale, avec une forte présence de jeunes et d’Autochtones qui dirigeaient les évènements. Des banderoles ont été déroulées, sur lesquelles on pouvait lire « Rendez la Terre », « Le Colonialisme est la Peste », « Quelque soit Celui pour lequel ils Votent, Nous sommes Ingouvernables » et d’autres slogans.

Une banderole attirait l’attention sur la crise des Femmes, Filles, Trans et 2Esprits Autochtones Disparues ou Assassinées.

Au bout de quinze minutes, la foule partit pour marcher dans les rues du centre de Kinłání, perturbant la circulation et scandant : « À qui est le pays ? C’est le pays Autochtone ! »

La police a maintenu une présence limitée toute la soirée, quelques agents suivaient la marche à pied, d’autres plus nombreux tentaient d’anticiper les mouvements de la foule qui risquaient de bloquer la circulation. Ceux-là ont largement échoué, car la foule ne s’est pas tenue à un trajet prévisible, elle a zigzagué à travers les rues, entrant et sortant de la circulation et perturbant le quartier touristique congestionné.

Quelquefois, les rapports avec les automobilistes et les passants étaient enthousiastes et solidaires, d’autres fois ils étaient hostiles. Au cours de la soirée, la marche a gonflé en nombres de participants, des gens descendaient des trottoirs pour la rejoindre. Au milieu de la soirée, alors que le soleil se couchait et que la foule se tenait au croisement de la rue de San Francisco Nord et de l’avenue d’Aspen Est, deux femmes blanches d’âge moyen se sont jointes en scandant « hey hey, ho ho, ces flics racistes doivent partir. »

La foule tient le croisement de la rue de San Francisco Nord et de l’avenue d’Aspen Est au centre de Kinłání.

Tandis que la soirée s’écoulait, il y eu plus d’agitation, des cônes de signalisation, des chevalets et d’autres équipements routiers furent tirés dans les rues, des feux d’artifice furent allumés, et il y eut de brèves confrontations avec la police. En passant près du patio bondé d’une pizzeria chique, quelqu’un dans la foule jeta un ballon à eau rempli d’un liquide rouge tandis que la foule scandait « le silence des blancs est de la violence ».

D’une barrière de circulation renversée, de l’eau coulait dans la rue.

Quand la foule a défilé autour de l’Hôtel de Ville de Flagstaff, et s’est retrouvée devant les agents à pied qui suivaient la marche, des manifestants ont tambouriné contre les fenêtres du bâtiment et jeté des ballons remplis de peinture contre les murs. Quand les flics se sont précipités pour protéger le bâtiment et tenter d’arrêter ceux qui causaient les dégâts, la foule est vite intervenue pour se protéger mutuellement.

Les évènements qui se déroulent dans tous les soi-disant Etats-Unis, ont attiré l’attention sur divers problèmes touchant les communautés Autochtones, des effets hors de proportion du COVID-19 sur les Autochtones à la construction du « Mur de l’Apartheid » en territoire Tohono O’odham, le long de la frontière US/Mexique, et à la dévastation continuelle de l’environnement sur les terres Autochtones perpétrée par le gouvernement des Etats-Unis et les grandes compagnies privées.

La foule se maintient devant l’Hôtel de Ville de Flagstaff.

« Nous ne croyons pas que nous pouvons sortir de cette crise par le vote » peut-on lire dans leur déclaration. « Nous n’allons pas mendier aux politiciens une réforme du système même qui s’est fondé sur notre génocide et la destruction de Notre Mère la Terre. Nous exigeons quelque chose de plus efficace menant à l’éradication du colonialisme sur nos terres. »

Toute la soirée, les organisateurs ont aussi exprimé leur solidarité avec le mouvement Black Lives Matter, contre le racisme et les violences policières. « Nous avons célébré et soutenu la rage des soulèvements spontanés et puissants de Black Lives Matter, qui ont entrainé la chute de monuments aux colonisateurs et mis à genoux l’équipe Nationale de Football raciste de Washington* » peut-on lire dans la déclaration nationale. Pendant la marche, la foule scandait « Black Lives Matter ! Justice Autochtone ! » et on pouvait lire sur une grande banderole « Des Gens Volés, Un Pays Volé – Solidarité Autochtone/Black ».

Les banderoles et les slogans pendant toute la manifestation, ont exprimé la solidarité avec les luttes des Noirs pour la libération.

La marche a eu lieu la veille au soir de la célébration officielle de la Journée des Peuples Autochtones par la ville, qui devait avoir lieu en ligne sur Zoom pendant toute la journée du lundi 12 octobre, et semblait être à beaucoup d’égards, le contrepoint des évènements officiels. « Nous sommes de plus en plus frustrés par la politique assimilationniste mal inspirée de la Journée des Peuples Autochtones. Des corporations à but non lucratif et des organisations essaient de pacifier et d’assimiler nos Peuples plus profondément dans la politique de colonialisme de population » peut-on lire dans la déclaration nationale.

Aujourd’hui, tandis que l’état d’Arizona célèbre pour la toute première fois sa Journée officielle « des Peuples Autochtones », avec des politiciens bafouilleurs qui font des tentatives maladroites pour pacifier les appels urgents à régler leurs comptes avec l’histoire sanglante de l’Amérique, les rues de Kinłání renvoient encore l’écho des slogans de la nuit dernière : « Que faites-vous quand vos parents meurent de faim dans les rues ? Résistez, ripostez ! »

*L’équipe de foot de Washington s’appelait « les Redskins » (les Peaux-Rouges) jusqu’en juillet 2020. Les Autochtones protestaient contre ce nom depuis des années. Suite aux évènements racistes de cette année et aux réactions qu’ils ont provoquées, le club a enfin accepté de changer de nom.

 

DES DEFENSEURS DE LA TERRE MANIFESTENT CONTRE LA ‘DECLARATION VIDE’ D’UNE JOURNEE DE PEUPLES AUTOCHTONES A ‘FLAGSTAFF’

 

Mardi 9 octobre 2018

Rapport publié par le Comité Ad-hoc d’Agitation Anticoloniale du Territoire Occupé de Flagstaff
Photos Ed Moss & anonymes

Publié par Indigenous Action Media
Traduction Christine Prat
(J’ai mis ‘femmes/trans’ pour ‘womxn’ dans l’original, néologismes!)

 

TERRITOIRE OCCUPE DE FLAGSTAFF, Arizona – Lundi soir, plus de 45 personnes se sont rassemblées sur “Heritage Square”, dans le territoire occupé de soi-disant “Flagstaff”, pour appeler à la libération des Autochtones lors de la Journée des Peuples Autochtones. Les intervenants au rassemblement ont fortement rejeté la récente déclaration d’une “Journée des Peuples Autochtones” par les politiciens de Flagstaff, comme étant une mesure hypocritement symbolique, vu que les Autochtones de la région continuent à être confrontés au génocide culturel, à des incarcérations hors de proportion, à être sans abris, à un profilage racial extrême, et à la violence d’état.

Le rassemblement s’est concentré sur les voix des femmes et des parents à deux esprits, qui ont parlé de leurs histoires de résistance à l’hétéro-patriarcat et à la violence d’état. La foule a distribué des bandanas rouges avec le hashtag #MMIW en l’honneur des Femmes Autochtones Disparues ou Assassinées (MMIW – Missing and Murdered Indigenous Women), un mouvement qui affronte le fait qu’un tiers des femmes Autochtones des soi-disant “Etats-Unis” ont disparu ou ont été assassinées.

Nicole Joe, qui appartenait à la communauté locale des Autochtones sans abris, est morte le 25 décembre 2017, après que son compagnon, Vaughn Seumptewa, l’ait battue et laissée dehors dans le froid pendant plusieurs heures, avant de la trainer dans un appartement, où elle mourut un peu plus tard.

Les manifestants ont réclamé la justice pour Nicole Joe, Loreal Tsingine (assassinée par la police à Winslow en 2016), et Vanessa Lee, récemment trouvée morte à Flagstaff, sans que la cause de la mort ait été déterminée jusqu’à maintenant.

“Si les communautés doivent mettre un terme à la disparition et l’assassinat de femmes/trans Autochtones, il doit y avoir un soutien plus efficace pour les femmes/trans devant quitter des partenaires violents, à l’opposé du système actuel, intrinsèquement raciste contre les femmes/trans Autochtones, dont les histoires ne sont souvent pas crues ou sont placées sur des listes d’attente avant d’obtenir le même traitement que les non-Autochtones,” dit Bonn Baudelaire.

Bonn ajouta: “Nous avons résisté à cette narration depuis 500 ans. Et c’est pour cela que nous sommes ici aujourd’hui, pour que le futur soit réimaginé par le féminin. Ainsi, qu’est-ce que ça signifie quand nous disons Femmes/trans Disparues et Assassinées? C’est ce que nous voulons dire, nous réimaginons le futur dans nos propres mains. Que se passe-t-il quand les corps de femmes/trans sont attaqués? C’est exactement la même chose que d’attaquer Notre Mère la Terre. Les femmes recréent littéralement la vie sur cette terre et lorsqu’elles sont attaquées, nous attaquons le cœur même de ce que signifie être en vie.”

Des histoires sensibles ont été partagées au rassemblement, par des gens qui souffrent directement de la violence d’état, des raids et détentions de l’I.C.E. [Immigration and Customs Enforcement], et de l’hétéro-patriarcat suprémaciste blanc. Le rassemblement a connecté de nombreuses et diverses luttes contre la violence faite aux femmes/trans, le profilage racial et les incarcérations, la profanation de la terre sacrée, et la violence contre nos parents sans abris, avec des banderoles disant “Pas de justice sur des terres volées” et “Avant 1492, personne n’était sans abris.”

Les politiciens de Flagstaff ont refusé de revenir sur leur fameuse “Ordonnance Anti-Camping“, qui avait valu à la ville la 10ème place dans le rapport de La Coalition Nationale pour les SDF, sur les villes les plus “médiocres” des soi-disant Etats-Unis. Des capitalistes à Flagstaff continuent de discriminer ouvertement les Autochtones sans abris, et de leur refuser des services.

Ale Becerra, un représentant de la Coalition pour l’Abrogation, déclara: “Nous parlons du même problème, c’est-à-dire de la violence de l’état contre des communautés, les communautés Autochtones, et les sans-papiers. Nous partageons la même lutte. Nous devons apprendre à le reconnaître.”

La Coalition pour l’Abrogation a demandé l’arrêt immédiat de la collaboration de la ville de Flagstaff avec les attaques de l’I.C.E. contre la communauté des sans-papiers.

Le rassemblement s’est finalement transformé en manifestation dans les rues, bloquant plusieurs carrefours dans le centre de Flagstaff. Toute la nuit, il y eut une forte présence policière, et des flics ont saisi et bousculé des gens, démontrant par là que la ville de Flagstaff ne s’engage qu’à “honorer” les Autochtones symboliquement, mais lâchera la violence d’état contre eux, même au cours de la “Journée des Peuples Autochtones”.

Ce traitement n’était pas une surprise, étant donné que le nombre hors de proportions d’Autochtones arrêtés à Flagstaff démontre un grave problème, le ciblage de la communauté Autochtone par les forces de l’ordre. D’après une étude récente, les Autochtones représentent 10% de la population, mais près de la moitié du nombre d’arrestations annuelles. Qu’un Autochtone sur deux vivant à Flagstaff, indépendamment de son âge, risque l’arrestation est un grave problème. (Source: Rapport Annuelle de la Police de Flagstaff 2009-2017)

Scandant “Boycottez Snowbowl” et “Pas de Colomb, Pas de KKK, Pas d’Etats-Unis Fascistes”, la foule a défilé dans les rues. Les slogans ont résonné dans tout le centre, incitant des passants à se joindre aux manifestants. La manifestation a duré plus d’une heure, occupant divers carrefours et bloquant la circulation toute la nuit.

Le 2 octobre 2018, la Ville de Flagstaff a précipitamment adopté une résolution reconnaissant la “Journée Colomb” comme Journée des Peuples Autochtones. Cependant, cette résolution ne fait rien pour changer la perpétuation du génocide culturel des Autochtones, dont la Ville reste complice et dont elle profite. La Ville de Flagstaff refuse d’annuler son contrat de vente d’eaux usées pour faire de la neige artificielle sur les Pics San Francisco, sacrés pour plus de 13 nations Autochtones. Le combat ininterrompu pour protéger les Pics a conduit à plusieurs affaires en justice qui ont fait jurisprudence pour entamer négativement la liberté religieuse de tous les Peuples Autochtones.

Des flics attendaient sur les lieux du rassemblement avant l’arrivée des organisateurs, et après la fin de la manif, environs 20 flics en civil tournaient autour des gens encore présents, les surveillant et essayant de les identifier. Des flics ont suivi des gens jusqu’à leurs voitures et ont photographié les plaques minéralogiques.

En dépit de l’intensité de l’intimidation et de l’agressivité policières cette nuit-là, les manifestants ont tenu bon et ont terminé la marche en chantant le chant de l’AIM, en occupant le croisement des rues Beaver et Leroux.

Il y eu des appels pour les phases suivantes et pour des actions continues, un drapeau “Américain” a été brûlé, et quelqu’un dans la foule a déclaré: “La résistance Autochtone ne sera jamais sanctionnée par l’état. Chaque jour est une Journée des Peuples Autochtones, et chaque jour nous devons continuer à combattre pour notre existence.”

 

Les Organisateurs ont appelé à des actions immédiates:

  • Continuation du boycott d’Arizona Snowbowl et de l’exigence que la Ville de Flagstaff résilie son contrat avec la station de ski,
  • fin du profilage racial et de la collaboration avec l’I.C.E. et travailler à l’abolition de la police dans nos communautés en établissant des réseaux de soutien à la communauté et des options de justice transformatrice/réparatrice,
  • abrogation de l’ordonnance anti-camping et de toutes les politiques anti-SDF,
  • dons de sacs de couchage et de vêtements d’hiver pour nos parents sans abris à Táala Hooghan Infoshop (1704, N 2nd).

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Par Indigenous Action Media
9 mars 2016
Traduction Christine Prat

FLAGSTAFF, Arizona – Plus de 100 personnes se sont rassemblées devant l’hôtel de ville de Flagstaff, puis sont entrées dans les salles du conseil pour soutenir une proposition de décréter une Journée des Peuples Autochtones. Après avoir entendu des témoignages convaincants sur les injustices auxquelles les membres Autochtones de la communauté, les membres du conseil ont discuté, puis soutenu unanimement la proposition introduite par la conseillère Eva Putzova.

La proposition comprend les points suivants : révision d’un protocole d’accord de 2012 sur les relations interraciales signé par la Ville avec la Commission des Droits de l’Homme de la Nation Navajo, des forums publics pour entendre les inquiétudes des habitants Autochtones sur les injustices auxquelles ils sont confrontés et chercher des solutions, des rapports et un plan d’action pour les politiques concernant les administrés Autochtones. Lorsque le processus sera achevé, le conseil votera sur la déclaration d’une Journée des Peuples Autochtones pour le deuxième lundi d’octobre.

Daisy Purdy, étudiante de la NAU, a lu une déclaration signée par plus de 230 habitants de Flagstaff, dont voici les points essentiels: « Nous […] soutenons la proposition soumise au conseil municipal de la Ville de Flagstaff en tant que premier pas nécessaire et approprié par lequel la Ville de Flagstaff travaillera avec les Peuples Autochtones concernés par la politique de la Ville de Flagstaff, afin d’honorer les histoires Autochtones, de respecter le bien-être des Autochtones y vivant actuellement, et de travailler sciemment et du mieux possible pour les intérêts des générations Autochtones futures. Nous […] soulignons le fait que ces changements sont systémiques, culturellement adéquats, transparents, et applicables par les actes politiques du conseil municipal de la Ville de Flagstaff » déclara Purdy au nom des signataires.

« Les discussions sur les races, le racisme, les traditions […] ne sont jamais faciles, mais ça ne veut pas dire qu’elles doivent être évitées » déclara le conseiller Coral Evans, qui compara la mise en question du ‘Columbus Day’ [Jour de Christophe Colomb] à la suppression du drapeau Confédéré en Caroline du Sud, ‘Ce que je pense d’une Journée des Peuples Autochtones ?’ dit Nikki Haley, le gouverneur de Caroline du Sud le 22 juin 2015, ‘c’est le moment où nous pouvons dire que ce drapeau, bien qu’il fasse intégralement partie de notre passé, ne représente pas l’avenir de notre grand état’. Je pense que la même chose peut et doit être dite de la Journée de Christophe Colomb » déclara Evans.

Radmilla Cody, chanteuse renommée, engagée dans la lutte contre les abus et la violence entre sexes, et ex-Miss Navajo, remercia la conseillère Eva Putzova pour avoir introduit la proposition d’une Journée des Peuples Autochtones et déclara « Aujourd’hui nous voyons la réalité que Colomb a contribué à créer. Nous le voyons ici dans la ville-frontière* de Flagstaff et d’autres villes-frontière*, où l’existence de SDF, le profilage racial, la discrimination, le racisme et la profanation de sites sacrés sont clairs et évidents à l’encontre des Autochtones, de leurs vies, de leur intelligence et de leurs terres. En votant pour cette proposition, vous serez du bon côté de l’histoire et ce sera un pas en avant vers des discussions critiques portant sur une longue histoire de racisme, de violence et de marginalisation des Autochtones » dit Radmilla Cody.

« Une Journée des Peuples Autochtones est un pas vers la reconnaissance, l’acceptation et la guérison dans notre communauté » dit Lyncia Begay, qui a habité Flagstaff toute sa vie et fait partie de Nihígaal bee Iiná, « Une Journée des Peuples Autochtones est une occasion de rendre et accroître la confiance des Autochtones qui vivent à Flagstaff. Une Journée des Peuples Autochtones nous permet de reconnaître ouvertement que les habitants non-Autochtones vivent en territoire Diné occupé, ce qui nous permet d’avoir accès à une réalité historique qui respecte et honore nos racines ancestrales qui continuent d’exister et représentent notre retour dans un lieu où nos ancêtres ont été massacrés ou déportés, et qui dépasse la colonisation de Flagstaff. Quelque chose doit céder, dans un monde qui nous dit que nous ne sommes qu’une retombée de Colomb » dit Lyncia Begay.

« Les problèmes complexes qui existent dans les communautés sont souvent amplifiés quand les inquiétudes ne sont pas entendues et les solutions ne sont pas admises » dit Adrian Manygoats, habitant de Flagstaff et Coordinateur du Programme pour le Réseau Amérindien de Pépinières d’Entreprises, « L’instauration d’une Journée des Peuples Autochtones est une action positive, présentée par les Amérindiens pour transformer une célébration du colonialisme en une occasion de révéler des vérités historiques sur le génocide et l’oppression des Autochtones d’Amérique. J’y vois une occasion d’enseigner, de soutenir et d’unifier la communauté de Flagstaff » dit Manygoats.

 

« Après l’adoption de la Journée des Peuples Autochtones, nous ne pouvons pas oublier les luttes encore en cours à Flagstaff et dans les environs » déclara Belinda Ayze, habitante de Flagstaff et étudiante à la NAU. « S’il doit y avoir des changements, le travail est devant nous, tous les membres de la communauté ».

 

Le Rapport Annuel de la Police de Flagstaff de 2014 montre que parmi les 7379 arrestations de l’année, 45% – ou 3044 – étaient des Amérindiens. Selon le Recensement de 2010, 7704 Autochtones résident à Flagstaff.
L’an dernier, près d’une douzaine de villes des Etats-Unis, et tout l’état d’Alaska, ont rebaptisé Columbus Day « Journée des Peuples Autochtones ». Ci-dessous, une liste partielle des villes qui actuellement célèbrent la Journée des Peuples Autochtones chaque deuxième lundi d’octobre :

Voir : https://chrisp.lautre.net/wpblog/?p=3234

 

Texte intégral de la déclaration de Radmilla Cody :

« Merci à la Conseillère Eva Putzova, pour avoir déposé le projet de ‘Journée des Peuples Autochtones’ au Conseil Municipal de Flagstaff.

Christophe Colomb a ouvert la voie au viol de notre Mère, La Terre. Le viol de notre pays et de nos femmes, c’est la même chose. Christophe Colomb a été le premier mâle européen sur ce continent, avec le soutien de l’autorité étatique et religieuse à ne pas voir et même à encourager, le meurtres et les enlèvements de femmes Autochtones, un héritage qui s’est terriblement prolongé jusqu’à exister encore aujourd’hui, quand plus de 3000 disparitions et assassinats de femmes Autochtones demeurent non résolus.

Colomb a tracé la voie de l’hétéro-patriarcat soutenu et appliqué par la violence, cette maladie que nous avons malheureusement héritée.

Aujourd’hui, nous voyons la réalité que Colomb a contribué à créer. Nous la voyons ici, dans la ‘ville-frontière’* de Flagstaff et autres villes-frontière’*  où la prolifération des SDF, le profilage racial, la discrimination, le racisme et la profanation de sites sacrés (entre autres) sont clairs et évidents à l’encontre des Autochtones, de leur vie, leur intelligence, et leurs territoires.

Je le vois dans mon travail d’activiste contre les agressions et la violence contre les femmes dans et autour de notre territoire. Les traumatismes générationnels et psychologiques continuent d’empoisonner les relations saines entre nous et avec l’univers.

Pour les Diné, nous avons un système d’espoir et de résilience appelé Siihasin. Siihasin est mis en pratique par la vérité, et cette vérité est tout ce que nous aimons et la compassion entre nous. Nous désirons tous une vie vécue selon nos conditions et dans la dignité. Nous devons tous retourner à cette vérité, parce qu’elle existe en chacun de nous.

Aux Conseillers du Conseil Municipal de Flagstaff, nous disons: nous croyons que vous serez du côté de vos amis Autochtones et vos voisins, en votant cette proposition de remplacer le ‘Columbus Day’, Jour de Christophe Colomb, par la Journée des Peuples Autochtones. En votant pour cette proposition, vous serez du bon côté de l’histoire et ce sera un pas en avant vers des discussions critiques pour résoudre une longue histoire de racisme, de violence, et de marginalisation des Autochtones. »

 

*il s’agit de villes proches de la limite des Réserves Indiennes, pas de frontières internationalement reconnues

 

 

La Déclaration de Leonard pour la Journée des Autochtones 2012 (12 octobre 2012)

Traduction Christine Prat

Je salue mes parents et amis, vous qui me soutenez !

Je sais que je répète cette phrase tout le temps, mais en réalité, vous êtes tous mes parents et je vous apprécie. Je ne pourrais jamais le dire assez. Certains membres de notre peuple, tout comme nous-mêmes ont décidé d’appeler ce jour Journée des Autochtones au lieu de Columbus Day [ Journée de Christophe Colombe ] et cela me fait vraiment penser à comment tant de gens peuvent encore célébrer Colombe, un tueur de masse cruel, qui lors de son dernier voyage aux Amériques, d’après ce que j’ai lu, a été arrêté par ses propres hommes pour avoir été trop cruel. Quand vous considérez toutes ces sortes de cruauté contre notre Peuple et son statut, vous vous demandez jusqu’à quel niveau il avait porté sa cruauté. Et avec tout ce savoir historique accessible, des gens veulent encore célébrer et tenir en haute estime ce meurtrier.

Si nous devions célébrer une Journée de Hitler, ou de Mussolini, ou autre meurtrier et auteur de violence et de génocide, çà susciterait une vague de condamnation générale. Ce serait comme célébrer la Journée de Bush en Iraq. C’est triste à dire, mais le fait de mentionner Colombe dans mes commentaires lui accorde aussi plus de reconnaissance qu’il ne faudrait. Donc je suis d’accord de tout mon cœur avec tous ceux d’entre vous là-bas qui ont choisi d’appeler ce jour la Journée des Autochtones. Si je n’étais pas Amérindien, ou comme certains disent maintenant – Autochtone, j’aimerais quand même nos traditions et je me tiendrais à nos traditions et je chérirais nos traditions. Je vois nos traditions comme la voie pour le futur, pour le monde. Avec d’autres, j’ai dit et répété, et notre Peuple avant nous, cette terre est notre Mère. Cette terre est la vie. Et tout ce que vous prenez à la terre crée une dette qui devra être payée un jour dans le futur par quelqu’un.

En parlant de nos traditions, je ne peux m’empêcher de penser aux moments passés dans notre tente de sudation [sweat lodge] au cours desquels je ressens que nous pourrions être n’importe où, que nous sommes avec les Peuples Autochtones, à ce moment, dans ces moments de nos prières et dans nos cœurs il n’y a pas de distance entre nous. Je ne suis plus en prison en Floride. Je peux être sur la prairie dans le Dakota du Sud ou dans une tente en Colombie Britannique ou en Amérique du Sud. Ou même avec certains de mes enfants dans la tente de sudation familiale. Nous devons tous être pleins de gratitude pour ce que nous avons mais nous ne pouvons pas nous permettre d’oublier ce qui nous a été pris. Il n’y a aucun degré de liberté que je pourrais recevoir personnellement qui pourrait constituer une restitution suffisante pour tout ce qu’ils m’ont pris. Mais si d’une certaine manière mon incarcération et mes sacrifices pour ceux de notre Peuple qui étaient là avant moi et tout au long de notre histoire Autochtone peut servir de voie pour un futur plus brillant, une terre plus saine, et pour la vie de toute l’humanité ; si çà pouvait nous rassembler dans une vision unifiée pour protéger le futur de notre Peuple, de nos enfants et de toutes les générations futures sur la terre, alors çà aura largement valu la peine.

La Journée Autochtone devrait devenir une manière de vivre comprenant tout ce qui défend la vie, pas seulement quelques jours par an. Si vous êtes d’une manière ou d’une autre avec quiconque vit autour de vous, embrassez ceux que vous aimez de ma part. Protégez votre liberté avec zèle. Sauvez Notre Mère la Terre où vous pouvez. Faites souvent la cérémonie de sudation et sachez que cet homme ordinaire, Leonard Peltier, sera toujours avec vous dans la lutte, d’une manière ou d’une autre.

Que le Grand Esprit vous accorde les choses dont vous avez besoin, en quantité suffisante pour partager.

Dans l’esprit de Crazy Horse, Osceola, Geronimo, Chief Seattle et tous les nombreux autres qui ont lutté pour ce qui est juste et tenté de redresser ce qui était mal.

Mitakuye Oyasin.

Leonard Peltier