Par Indigenous Action
24 avril 2021
Traduction Christine Prat

Le flic qui a assassiné George Floyd n’est pas un « fruit pourri », tout le système policier est pourri jusqu’au trognon.

Les flics qui assassinent des gens de couleur en toute impunité sont les mêmes qui protègent les grandes entreprises qui commettent un génocide culturel et un écocide.

La violence policière est intrinsèque à la suprématie blanche, à l’hétéro-patriarcat, au capitalisme et au colonialisme.

Selon le professeur Victor E. Kappeler, de l’Université de l’Est du Kentucky, « Les colons de Nouvelle-Angleterre ont nommé des gendarmes indiens pour faire la police chez les Autochtones, la police de St. Louis a été fondée pour protéger les résidents des Amérindiens, dans cette ville-frontière, et beaucoup de services de police du sud ont commencé comme patrouilles des esclaves. En 1704, la colonie de Caroline a développé la première patrouille des esclaves de la nation. Les patrouilles des esclaves aidaient à maintenir l’ordre économique et à assister les riches propriétaires terriens à récupérer et punir les esclaves qui étaient considérés essentiellement comme propriété. »

Le Centre sur la Justice Juvénile et Criminelle déclare : « Le groupe racial dans lequel on risque le plus d’être tué par les forces de l’ordre est celui des Amérindiens, suivi par les Afro-Américains, les Latinos, les Blancs, et les Asiatiques Américains. » Il ne s’agit pas de faire valoir que l’oppression des Autochtones est pire, mais de reconnaitre nos luttes communes pour assurer qu’il n’y ait plus un(e) seul(e) Sarah Lee Circle Bear, Corey Kanosh, Paul Castaway, Allen Locke, Mahivist Goodblanket, John Williams or Loreal Tsingine, et de désigner le terrorisme policier incessant auquel nos communautés sont confrontées, comme issu des mêmes systèmes d’oppression.

Ça signifie aussi connecter nos luttes au-delà de l’adoption de mots dièze comme #NativeLivesMatter. Comme le fait remarque Sabah, de muslimgirl.com, « #BlackLivesMatter représente tout un mouvement et son histoire. Ce n’est pas ‘seulement’ un mot dièze, c’est un puissant cri de protestation, né de l’injustice raciale ressentie par un peuple. Ça ne peut pas, et ne doit pas, être modifié pour convenir à la lutte d’un autre peuple. Et la solidarité, bien qu’importante (en fait, essentielle), n’implique jamais de coopter un autre mouvement. » En fin de compte, #BlackLivesMatter et #NativeLivesMatter signifient tous les deux mettre fin à la violence policière suprémaciste blanche. Au-delà des plaidoyers pour qu’un système enraciné dans le génocide et l’esclavage reconnaisse que nos vies comptent, nos communautés et nos mouvements peuvent apprendre de leurs luttes mutuelles et construire ensemble pour arriver à des solutions durables pour nous défendre nous-mêmes, nos voisins, nos terres, et résoudre les problèmes auxquels nous faisons face de manières plus justes et plus saines.

Pour un monde sans prisons et sans police.
Justice pour toutes les victimes du racisme et de la terreur d’état.

#blacklivesmatter #nativejusticenow #solidarity #smashthepolicestate #ftp #acab #bluelivesmurder

DES COMPLICES, PAS D’ ALLIÉS: ABOLIR LE COMPLEX INDUSTRIEL DE L’ ‘ALLIANCE’

Par Indigenous Action Media
4 mai 2014
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Traduction Christine Prat

Un point de vue et une provocation Autochtones

Cette provocation a pour but d’intervenir dans certaines tensions actuelles relatives au travail de solidarité/soutien, vu que les trajectoires actuelles sont contre-libératrices, de mon point de vue. Remerciements à DS à Phoenix pour les échanges qui ont conduit à ce pamphlet et à tous ceux qui ont fait des commentaires, posé des questions, exprimé des désaccords. N’imaginez pas que ceci s’adresse aux « jeunes alliés blancs de la classe moyenne », mais seulement aux activistes payés, aux organisations à but non lucratif, ou, comme l’a dit un ami, aux « anarchistes et étudiants à la mobilité tirant vers le bas. » Il y a beaucoup de soi-disant « alliés » dans la lutte pour les droits des migrants qui soutiennent la « réforme complète de l’immigration » qui intensifie la militarisation de territoires Autochtones.

Le complexe industriel de la ‘solidarité’ a été édifié par des activistes dont la carrière dépend des ‘problèmes’ auxquels ils travaillent. Ces capitalistes à but non lucratif font avancer leurs carrières au dépend des luttes qu’ils soutiennent ostensiblement. Ils travaillent souvent sous couvert de ‘la base’ ou de ‘la communauté’ et ne sont pas nécessairement liés à une organisation.
Ils construisent un pouvoir ou des capacités organisationnels ou individuels, et s’établissent confortablement au sommet de leur hiérarchie de l’oppression en s’efforçant de devenir les alliés ‘vedettes’ de la majorité des opprimés. Tandis que l’exploitation de la solidarité et du soutien n’est pas nouvelle, la marchandisation et l’exploitation de la ‘solidarité’ est une tendance montante dans l’industrie du militantisme.

Quiconque s’implique dans les luttes contre l’oppression et pour la libération collective a, à un moment ou à un autre, participé à des ateliers, lu des manifestes ou pris part à de profondes discussions sur comment être un ‘bon’ allié. Vous pouvez maintenant payer des centaines de dollars pour aller dans des instituts ésotériques vous procurer un certificat d’allié anti-oppression. Vous pouvez participer à des ateliers et recevoir un badge d’allié. Pour faire de la lutte une marchandise, il faut d’abord l’objectiver. C’est révélé par la façon dont les ‘problèmes’ sont ‘présentés’ et ‘étiquetés’. Quand la lutte est une marchandise, la ‘solidarité’ est une monnaie d’échange.
Etre un allié est aussi devenu une identité désincarnée, hors de toute compréhension ou soutien réels. Le terme ‘allié’ est devenu inefficace et vide de sens.

Complices, pas alliés
Com.plice
Nom : complice ; pluriel : complices
Une personne qui en aide une autre à commettre un crime.

Il existe un désir violent et incessant d’arriver à la libération totale, avec la terre, et, ensemble. Il y a bien un ‘nous’, et nous devons très certainement travailler ensemble. Ce qui signifie, au minimum, formuler des conceptions mutuelles qui ne soient pas entièrement antagonistes, sinon nous pourrions avoir à constater que nous-mêmes, nos désirs et nos luttes sont incompatibles.
Certaines conceptions peuvent ne pas être négociables. Il y a des contradictions que nous devons résoudre et nous le ferons certainement, à nos propres conditions.
Mais il est impératif que nous sachions qui nous soutien, ou plus exactement : qui est avec nous, à nos côtés ?

Les risques qu’amènent un allié qui apporte du soutien ou de la solidarité (généralement sur une base temporaire) dans un combat, sont très différents de ceux d’un complice. Quand nous nous battons, pour nous défendre ou attaquer, ensemble, devenant complices dans la lutte pour la libération, nous sommes effectivement complices. L’abolition de l’ ‘solidarité intéressée’ peut se produire par la criminalisation du soutien et de la solidarité.

Alors que les stratégies et les tactiques pour conforter (ou abolir, suivant le point de vue) le pouvoir social et politique peuvent être diverses, il y a de dures leçons qui ne doivent pas être reproduites.
Considérez ce qui suit comme un guide pour identifier les points d’intervention contre le complexe industriel de la ‘solidarité’.

“Salut, c.a.d., Travail Missionnaire et Auto Thérapie”
Certains alliés entretiennent trop souvent des notions romantiques des peuples opprimés qu’ils souhaitent ‘aider’. Ce sont les alliés ‘sauveurs’ qui voient des victimes et des pions au lieu de voir des gens.
Cette victimisation devient un fétiche pour les pires des alliés sous forme d’exotisme, danarchisme de pacotille, d’explications condescendantes, d’exploitation sexuelle justifiée sous d’autres termes, etc. Ce type de relation mène généralement à l’exploitation de l’opprimé et de l’oppresseur. L’allié et celui avec qui il est allié se retrouvent englués dans une relation trompeuse et nocive. Généralement ni l’un ni l’autre ne peuvent le voir avant qu’il ne soit trop tard. Cette relation peut aussi dégénérer en dépendance ce qui veut dire qu’ils se sont mutuellement privés de leur pouvoir. Les alliés ‘sauveurs’ ont tendance à créer une dépendance à eux-mêmes et leur fonction, qui conditionnent leur soutien. Personne ici n’a besoin d’être sauvé, nous n’avons pas besoin d’ ‘alliés missionnaires’ ni de pitié.
La culpabilité est également un facteur fondamental pour l’allié. Même si ce n’est jamais admis, la culpabilité et la honte fonctionnent généralement comme motivations dans la conscience d’un oppresseur qui se rend compte qu’il est du mauvais côté. Bien que la culpabilité et la honte soient des émotions très puissantes, pensez à ce que vous faites avant de faire de la lutte d’une autre communauté votre séance de psychothérapie. Bien sûr, les actes de résistance et de libération peuvent guérir, mais se confronter à la culpabilité et à la honte demande une toute autre perspective, ou au moins une perspective explicite et consensuelle. Quel genre de relations peut être construit sur la culpabilité et la honte ?

“Exploitation et Cooptation”
Ceux qui cooptent ne font que promouvoir leurs propres intérêts (généralement la notoriété ou un intérêt financier). Lorsque ces ‘alliés’ cherchent à imposer leur agenda, ils se révèlent. Les organisateurs de ‘la base’ ‘radicaux’, plus-militant-que-vous, cherchent avidement à coopter des problèmes porteurs (pour la notoriété/l’égo/être le super allié/l’allié le plus radical) et fixent les modalités de l’affrontement ou dictent quelles luttes doivent être amplifiées ou marginalisées, sans égards pour ceux dans le pays desquels ils agissent. Les officiels du non-lucratif, ou le complexe industriel du non-lucratif (NPIC – Non Profit Industrial Complex) cherchent aussi à coopter des problèmes porteurs ou pouvant ‘être subventionnés’ et les exploitent dès qu’ils sont mûrs pour récolter les subventions qu’ils convoitent. Trop souvent, les luttes de libération Autochtones pour la vie et la terre, doivent, par nature, affronter directement toute la structure sur laquelle cette société coloniale et capitaliste est fondée. Çà constitue une menace pour les bâilleurs de fonds potentiels capitalistes, ce qui fait que certains groupes sont forcés de compromettre le radicalisme ou la dimension libératrice de leur travail en échange de subventions, tandis que d’autres sont aliénés et tombent dans l’invisibilité ou s’abandonnent à une lutte de pure forme.
Les ‘cooptateurs’ arrivent le plus souvent sur les lieus du combat lorsque l’affrontement a déjà escaladé et qu’il est un peu trop tard.
Ces entités proposent presque toujours des formations, des ateliers, des camps d’action et offrent leur expertise spécialisée avec condescendance. Ces gens reçoivent généralement des salaires énormes pour leur activisme ‘professionnel’, obtiennent des subventions artificiellement gonflées pour la logistique et ‘la construction de capacité organisationnelle’, et les luttes peuvent ensuite être exploitées comme ‘luttes publicitaires’ par leurs bâilleurs de fonds. De plus, les capacités qu’ ils pretendent apporter existent vraisemblablement déjà dans les communautés, ne serait-ce que sous forme de tendances qui ne demandent qu’à être provoquées pour se traduire en actions.
Ces pratiques ne sont pas seulement le fait des grandes organisations soi-disant non-gouvernementales (ONG), des individus peuvent également adopter ces tactiques qui servent leurs propres intérêts.
La cooptation fonctionne comme une forme de libéralisme. La ‘solidarité professionnelle’ peut perpétuer une dynamique de neutralisation en cooptant une intention libératrice à l’origine pour la placer dans un projet réformiste.
Certains, dans les luttes (en générale les ‘personnalités’ du mouvement), qui ne bousculent pas le statuquo des alliés officiels, peuvent être récompensés par un poste dans l’industrie de la ‘solidarité’.

“Alliés auto proclamés ou confessionnels”
Trop souvent, des gens débarquent avec l’attitude ‘Je suis là pour vous soutenir’ portée comme un badge. Pour finalement faire des luttes une activité para universitaire qui leur rapportera des ‘points de solidarité’. Les alliés autoproclamés peuvent même avoir des principes et des valeurs anti-oppression comme devanture. Vous avez peut-être vu cette citation de Lilla Watson à leur propos : ‘Si vous venez ici pour m’aider, vous perdez votre temps. Si vous venez parce que votre libération est liée à la mienne, alors travaillons ensemble’. Ils aiment les poses, mais leurs actions contredisent leurs proclamations.
Les alliances significatives ne sont pas imposées, elles sont consenties. Les alliés autoproclamés n’ont pas l’intention d’abolir leur habilitation à imposer la relation à ceux avec qui ils prétendent s’allier.

“Parachutistes”
Les ‘parachutistes’ se précipitent sur les lignes de front apparemment sortis de nulle part. Ils se déplacent littéralement d’un point chaud ou médiatique à un autre. Ils appartiennent aussi aux catégories de ‘sauveurs’ et d’ ‘autoproclamés’, vu qu’ils viennent principalement d’instituts ou d’organisations spécialisés et de think-tanks. Ils ont suivi des formations, des ateliers, des conférences, etc. , ils sont ‘experts’ et savent donc ‘ce qu’il faut faire’. Cette attitude paternaliste est implicite dans les structures (ONG, instituts, etc.) d’où ces ‘alliés’ tirent leur conscience des ‘problèmes’. Même s’ils rejettent leur propre programmation par leurs organismes non-lucratifs, ils sont en fin de compte réactionnaires, ‘ayant droit’, et condescendants, ou prennent une position de pouvoir sur ceux avec qui ils prétendent s’allier. C’est la même condescendance structurelle qui est enracinée dans la domination de la suprématie blanche hétéro-patriarcale.
Les parachutistes sont généralement des missionnaires recevant davantage de subventions.

“Universitaires et Intellectuels”
Bien qu’étant quelquefois directement issus des communautés en lutte, les intellectuels et les universitaires correspondent aussi parfaitement à toutes ces catégories. Leur rôle dans la lutte peut être extrêmement condescendant. Dans beaucoup de cas, les universitaires maintiennent un pouvoir institutionnel sur le savoir et les capacités de la communauté – ou des communautés – en lutte. Les intellectuels font souvent une fixation sur l’idée de désapprendre l’oppression. Ces gens-là n’ont généralement pas les pieds sur terre, mais sont prompt à critiquer ceux qui les ont.
Devrions-nous nous contenter de ‘désapprendre’ l’oppression, ou de l’écraser, bordel ! et d’en supprimer l’existence même ?
Un complice universitaire chercherait comment se procurer des ressources et du matériel et trahir son institution pour promouvoir les luttes de libération. Un complice intellectuel élaborerait une stratégie avec, et non pour, la lutte, et n’aurait pas peur d’utiliser un marteau.

“Les Gardiens du Sérail”
Les gardiens du sérail cherchent le pouvoir sur les autres, pas avec eux. Ils sont connus pour leurs tactiques visant à contrôler et/ou à dissimuler des informations, des ressources, des connections, des soutiens, etc. Les gardiens du sérail viennent de l’extérieur et de l’intérieur. Lorsqu’ils sont découverts, ils deviennent généralement inefficaces (tant qu’il y a des mécanismes de responsabilité effective).
Les individus et les organisations agissant comme ‘gardiens du sérail’, ont tendance, tout comme les ‘alliés sauveurs’ à créer une dépendance à leur personne et leur fonction pour obtenir du soutien. Ils ont tendance à dominer et contrôler.

“Navigants et Flottants”
L’allié ‘navigant’ est familier du jargon – qu’il peut manier avec habileté – et des manœuvres dans les luttes mais n’entretient pas de dialogue significatif (en évitant les débats ou en se taisant) et n’entreprend pas d’action effective au-delà de ses zones de confort personnel (çà existe aussi dans des organisations entières). Il maintient son pouvoir et, par extension, les structures de pouvoir dominantes, en ne les attaquant pas directement. Ici, ‘la solidarité intéressée’ se définit plus précisément par le fait de transformer l’oppression des autres en projets personnels. Les ‘navigants’ sont ‘alliés’ par leur style de vie, ils se manifestent par une participation passive ou en utilisant simplement une terminologie adéquate pour exprimer leur soutien. Quand c’est la merde, ils sont les premiers à se retirer. Ils ne restent pas pour assumer la responsabilité de leur conduite. Quand on leur demande des comptes, ils accusent souvent les autres et essaient de rejeter ou de délégitimer les suspicions. Les complices n’ont pas peur de s’engager dans des débats ou des discussions inconfortables, dérangeants ou délicats.
Les ‘flottants’ sont des ‘alliés’ qui vont d’un groupe à l’autre, d’une question à une autre, sans jamais s’engager suffisamment, mais voulant toujours que leur présence soit ressentie et leurs voix entendues. Ils ont tendance à disparaître quand on en arrive à leur demander des comptes ou de reconnaître leur responsabilité pour leur conduite merdique.
Les flottants sont des gens qui diront assurément aux flics d’ ‘aller se faire foutre’ mais ne s’exposeront jamais aux risques mutuels, tout en mettant constamment les autres en danger; qui se montreront vite autoritaires pour dénoncer les privilèges d’autres personnes, mais ne mettront jamais les leur en question. Ils sont fondamentalement des touristes accros à l’action, qui ne veulent jamais être là pour en payer le prix, participer à sa préparation ou en assumer la responsabilité, mais veulent toujours être reconnus et mériter le respect pour ‘avoir été là’ quand un pavé devait être jeté, une barricade érigée, etc.
Il est aussi important d’avoir conscience de ce phénomène, à cause des menaces d’infiltration. Les provocateurs sont des flottants notoires, allant d’un endroit à l’autre sans jamais rendre compte de leurs faits et gestes. L’infiltration ne vient pas nécessairement de l’Etat, les mêmes effets peuvent être produits par des alliés ‘bien intentionnés’. Il est important de noter que dénoncer des infiltrés a des implications graves et ne devrait pas être tenté sans preuve concrète.

“Démissions”
Démissionner de l’organisation d’origine est un sous-produit du marché officiel de la ‘solidarité’. A première vue, le phénomène peut ne pas paraître problématique, après tout, pourquoi serait-ce douteux de la part de ceux qui tirent profit de systèmes d’oppression de rejeter ou de se distancier des privilèges et des conduites (droits, etc.) qu’ils impliquent ? Dans le pire des cas, les ‘alliés’ eux-mêmes sont paralysés, persuadés que c’est leur devoir en tant que ‘bon allié’. Il y a une différence entre agir pour les autres, avec les autres, et dans son propre intérêt, il faut être explicite. On ne trouverait pas de complice démissionnant de son organisation ou de ses fonctions en tant qu’acte de ‘soutien’. Il trouverait des façons créatives de changer en armes ses privilèges (ou plus clairement, ses récompenses pour son appartenance à la classe des oppresseurs), comme expression de la guerre sociale. Sinon, on se retrouve avec une bande d’usurpateurs anticiviques, primitivistes ou d’anarchistes-tendance, alors qu’on préfèrerait des saboteurs.

Suggestions de quelques moyens de trouver des complices anticolonialistes

La solidarité intéressée est la corruption de l’esprit radical et de l’imagination, c’est le cul-de-sac de la décolonisation.
La ‘solidarité’ officielle coopte la décolonisation comme une bannière à brandir dans ses galas sans fin contre l’oppression.
Ce qui n’est pas compris, c’est que la décolonisation menace l’existence même des colons ‘alliés’. Peu importe à quel point vous êtes libérés, si vous continuez à occuper des territoires Autochtones, vous êtes toujours des colonialistes.

La décolonisation (le processus de restauration de l’identité Autochtone) peut être très personnel et devrait être différentié, mais pas déconnecté, de la lutte contre le colonialisme.
La tâche d’un complice dans la lutte contre le colonialisme est d’attaquer les structures et les idées coloniales.

Le point de départ est de définir clairement votre relation avec les Peuples Autochtones dont vous occupez les territoires. Cela est au-delà de la reconnaissance. Çà peut être particulièrement épineux dans le cas de Peuples Autochtones ‘non reconnus au niveau fédéral’, étant donné qu’ils sont rendus invisibles par l’Etat et par les envahisseurs qui occupent leurs territoires.
Çà peut prendre du temps pour établir la communication, d’autant plus que certains ont déjà été blessés par des contacts extérieurs. Si vous ne savez ni où ni comment prendre contact avec les gens, faites un travail de terrain, de la recherche (mais ne vous fiez pas aux sources anthropologiques, elles sont euro centristes), et faites attention. Essayez d’écouter plus que de parler ou de faire des projets.
Dans les luttes à long terme, la communication peut avoir été rompue entre différentes factions, il n’y a pas de solution facile à ce problème. N’essayez pas de résoudre le problème, mais communiquez ouvertement, en prenant en considération les points mentionnés plus bas.
Quelquefois, des Peuples Autochtones sont ‘invités’ sur le territoire d’autres peuples et cependant utilisés comme représentants Autochtones des ‘luttes locales’. Ce phénomène perpétue le colonialisme d’occupation. Beaucoup de gens supposent que les Autochtones sont tous sur la même ligne ‘politiquement’, nous ne le sommes certainement pas.

Bien que parfois des gens aient la capacité et la patience de le faire, soyez conscients du processus perpétué par le fait de se ‘tenir la main’.
Comprenez que ce n’est pas notre rôle de vous tenir la main au cours du processus parcouru pour devenir complice.
Les complices écoutent avec respect l’ensemble des pratiques et dynamiques culturelles existant dans les diverses communautés Autochtones.
Les complices ne sont pas inspirés par leur culpabilité ou leur honte personnelles, ils peuvent avoir leur propre projet mais ils le disent explicitement.
La complicité se forme par le consentement mutuel et l’édification de la confiance. Ils n’ont pas seulement notre approbation, ils sont à nos côtés, ou ils s’opposent et déstabilisent le colonialisme sur leur propre terrain. En tant que complices nous sommes forcés de rendre des comptes et d’être responsables vis-à-vis des uns des autres, c’est la nature même de la confiance.

Ne vous attendez pas à ce que quelqu’un vous proclame complice, et vous ne pouvez certainement pas le proclamer vous-même. Vous l’êtes ou vous ne l’êtes pas. Les lignes d’oppression sont déjà tracées. L’action directe est vraiment ce qu’il y a de mieux et peut-être la seule façon d’apprendre ce que c’est que d’être complice. Nous sommes engagés dans un combat, alors soyez prêt à l’affrontement et ses conséquences.

Si vous envisagez de vous engager dans ou de soutenir une organisation :

Soyez vigilant vis-à-vis de qui que ce soit ou de toute organisation qui proclame la ‘solidarité’, le travail de décolonisation et/ou qui exhibe sa relation avec les Peuples Autochtones comme un badge.

Utilisez les questions traitées ci-dessus pour déterminer les intentions de base.
Vérifiez le financement des organisations. Qui est payé ? Où est la transparence ? Qui définit les conditions ? Qui fixe le programme ? Les campagnes sont-elles en adéquation avec les besoins sur le terrain ?

Est-ce que le Peuple Autochtone – la base, pas les ‘représentants’ – est directement impliqué dans les prises de décisions ?